"Je croisais mes frères et sœurs dans Guéret sans savoir qui ils étaient" : des "enfants de la Creuse" auditionnés
Une soixantaine d'"enfants de la Creuse" témoignent devant une commission vendredi à Paris et dimanche à Guéret. Valérie Andanson, victime de cette migration forcée à l'âge de 3 ans et porte-parole de la Fédération des enfants déracinés des départements et régions d'outre-mer, raconte son histoire à franceinfo.
On les appelle les "enfants de la Creuse". De 1963 à 1982, ils sont officiellement plus de 2 000 à avoir dû quitter l'île de La Réunion pour gagner des départements de la métropole frappés par l'exode rural. Plus d'une soixantaine d'entre eux ont accepté de témoigner vendredi 6 janvier à Paris et dimanche 8 janvier à Guéret (Creuse) devant la commission nationale qui enquête depuis le début de l'année 2016 sur ces migrations forcées et orchestrées à l'époque par l'État français.
Parmi ceux qui ont accepté de raconter leur histoire, Valérie Andanson, la porte-parole de la Fédération des enfants déracinés des départements et régions d'outre-mer (FEDD).
franceinfo : Vous avez subi cette migration forcée à l'âge de 3 ans. Que s'est-il passé quand vous et vos cinq frères et sœurs êtes arrivés à Guéret ?
Valérie Andanson : Nous avons tous été séparés. Je me suis retrouvée dans une famille d'accueil, où j'ai été maltraitée pendant quatre ans. À l'âge de 7 ans, j'ai été adoptée. Et cette fois j'ai été aimée.
J'ai vécu dans le mensonge. Avec mes frères et sœurs, nous nous croisions dans Guéret sans savoir que nous étions frères et sœurs. Ce n'est qu'à l'âge de 16 ans que j'ai découvert toute l'histoire. Ça a été un choc terrible.
Le traumatisme est-il toujours présent ?
Nous avons tous eu un parcours plus ou moins difficile. Mais le point commun entre tous les "enfants de la Creuse", c'est le déracinement. Que nous ayons été des bébés ou des adolescents à l'époque, nous avons été arrachés à nos familles, à nos repères, à notre île.
Aujourd'hui, certains compatriotes ne savent toujours pas qu'ils font partie des Réunionnais exilés de force. Au départ, les chiffres officiels parlaient de 1 630 enfants concernés. Mais, en octobre 2016, les experts de la commission nationale ont donné le chiffre de 2 150 enfants. Ce chiffre va peut-être encore évoluer.
Qu'attendez-vous de cette audition devant la commission ? Quelles sont vos revendications ?
La priorité, ce sont les billets d'avion. Nous devions retourner sur l'île de La Réunion tous les ans pour retrouver notre famille, mais cette promesse n'a jamais été tenue. Nous demandons également l'accès complet à nos dossiers : trop de pièces en ont été retirées, nous voulons savoir ce qu'il s'est passé.
Nous demandons à ce que notre histoire entre dans les manuels scolaires. Nous demandons à ce que notre histoire soit reconnue en tant que "crime contre l'enfance", car nous avons été transportés comme des objets.
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