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Projet de loi immigration : quels sont les principaux points du texte qui vont être débattus à l'Assemblée ?

Le texte du gouvernement, porté par le ministre de l'Intérieur, arrive lundi en débat dans l'hémicycle du Palais-Bourbon. Mais faute de majorité absolue, l'exécutif va devoir, une fois de plus, batailler pour faire voter ce projet de loi, fortement combattu par les oppositions.
Article rédigé par franceinfo
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Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, à l'Assemblée nationale, le 7 décembre 2023. (MAGALI COHEN / HANS LUCAS / AFP)

La vraie bataille peut commencer. A partir du lundi 11 décembre, et pendant deux semaines, les députés examinent dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale le projet de loi immigration, essentiellement défendu par le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin. Le texte a déjà été adopté par le Sénat en première lecture, le 14 novembre. La majorité sénatoriale de droite et du centre a considérablement durci la copie du gouvernement, à l'origine vantée comme "équilibrée", avec un volet "fermeté" et un volet "humanité". En commission des lois, les députés ont opéré un recentrage du texte, en revenant, le 2 décembre, à une version plus proche de celle de l'exécutif, s'attirant, par la même, les foudres de LR.

A quelques heures de l'ouverture des débats au Palais-Bourbon, le camp présidentiel retient son souffle. Sans majorité absolue et sans allié sur ce texte, les macronistes vont devoir arracher les voix une à une alors que la très grande majorité des oppositions – à l'exception du petit groupe Liot – est contre ce projet de loi. Plusieurs députés attendent les discussions en séance pour décider de leur vote. Franceinfo vous récapitule les points autour desquels les débats risquent de se cristalliser, principalement à droite et au sein de la majorité.  

La régularisation des travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension

C'est "la ligne rouge" des Républicains depuis de longs mois autour de ce projet de loi. Dans la version initiale du texte du gouvernement, l'article 3 prévoyait de délivrer de "plein droit" une carte de séjour pour les "métiers en tension", d'une validité d'un an, pour les étrangers travaillant clandestinement dans des secteurs comme le BTP, l'industrie, les professions de santé ou l'hôtellerie-restauration, en pénurie de main-d'œuvre.

Le dispositif devait entrer en vigueur "à titre expérimental" jusqu'au 31 décembre 2026. Un bilan de cette mesure devait ensuite être transmis au Parlement. Hors de question pour la droite, qui a dénoncé une mesure qui entraînerait "des régularisations massives" et "un appel d'air""Vous dites au monde entier : 'Venez, venez, pénétrez nos frontières illégalement, ne vous inquiétez pas, vous aurez un job et surtout, on va vous régulariser'", s'était inquiété le patron des sénateurs LR, Bruno Retailleau, sur franceinfo, le 31 octobre.

Le majorité sénatoriale a donc supprimé cet article pour le remplacer par un article 4 bis bien plus contraignant pour les demandeurs. Il prévoyait dans ces secteurs d'activité un titre de séjour accordé par les préfets "au cas par cas" et "à titre exceptionnel", dans une "procédure strictement encadrée" et assortie de multiples conditions, dont celle du respect des "valeurs de la République".

Mais en commission des lois, les députés ont de nouveau modifié cet article, qui ne crée ni une procédure "discrétionnaire" entièrement à la main du préfet, comme le souhaitaient les sénateurs, ni un droit automatique à la régularisation, selon le rapporteur général, Florent Boudié (Renaissance).

La nouvelle rédaction encadre la possibilité pour le préfet de s'opposer à la délivrance du titre de séjour, citant les cas de menace à l'ordre public, de non-respect des valeurs de la République ou encore de polygamie. L'article amendé repousse aussi de deux ans la fin de la date d'expérimentation de la mesure, à fin 2028. Inacceptable pour la droite, qui y voit un droit opposable à la régularisation. Le groupe LR est "frontalement opposé à cette disposition", a martelé la députée Annie Genevard en commission des lois. Les discussions dans l'hémicycle s'annoncent donc tendues.

Les quotas d'immigration

Les députés ont également largement remanié en commission un article voté par le Sénat qui prévoyait que le Parlement fixe chaque année des quotas d'immigration. Au grand dam de la droite, il a été transformé en une obligation pour le gouvernement de présenter et justifier chaque année des "objectifs chiffrés" pour les trois ans à venir. Une disposition "hypocrite", a fustigé la députée LR Annie Genevard. La gauche, elle, y voit tout de même un pas vers une politique stricte de quotas. "Des objectifs chiffrés, vous pourrez tourner le terme dans tous les sens (...), ce sont donc bien des quotas (...), c'est plus qu'une ligne rouge, c'est inutile", a critiqué le chef de file des députés socialistes, Boris Vallaud.

A noter que sur cette disposition, la majorité est loin d'être unie. Laurent Marcangeli, le président du groupe Horizons, a ainsi plaidé le 5 décembre pour un "quota" plafonné à 5 000 régularisations par an. Le ministre de l'Intérieur lui-même, dans une main tendue à la droite, s'est dit ouvert à l'instauration d'un "quota", par exemple de "8 000, 10 000 ou 5 000" régularisations par an.

Le rapporteur général du projet de loi, Florent Boudié, s'est lui montré très sceptique sur l'idée avancée par Gérald Darmanin. "La cible quantitative, je ne vois pas trop ce que ça apporte. C'est quoi le bon chiffre ? Personne ne sera d'accord", a-t-il rétorqué, sceptique. Et de s'interroger sur le sort réservé dans ce cas au "10 001e" demandeur, et aux contentieux qui en résulteraient.

L'aide médicale d'Etat

C'est l'autre grand point de crispation chez Les Républicains. Les sénateurs ont voté début novembre la fin de l'aide médicale d'Etat (AME), réservée aux étrangers en situation irrégulière en France depuis plus de trois mois, et qui permet une prise en charge à 100% des soins médicaux et hospitaliers. Ils l'ont remplacée par la création d'une aide médicale d'urgence (AMU), réduite à un socle recentré sur les maladies graves, les soins liés à la grossesse, les vaccinations et les examens de médecine préventive.

De nombreuses voix se sont élévées au sein de la majorité présidentielle pour fustiger cette suppression qui, de surcroît, constitue selon eux un cavalier législatif (une mesure sans rapport avec le projet de loi).

C'est une question de "santé collective", a plaidé Florent Boudié, lors de l'examen en commission des lois, tout en renvoyant au rapport de l'ancien ministre socialiste Claude Evin et de l'ex-préfet LR Patrick Stefanini. En commission, les députés de la majorité mais aussi de gauche ont rétabli l'AME, s'attirant la colère du patron du parti LR, Eric Ciotti. "La loi du gouvernement redevient un petit texte au rabais qui continuera d'inciter l'immigration de masse", a-t-il lancé sur le réseau social X. Les députés LR ont ainsi déposé un amendement visant à réintroduire la mesure des sénateurs. 

Le délit de séjour irrégulier et la fin de l'automaticité du droit du sol

Ce sont deux dispositions introduites là aussi par le Sénat, fermement combattues par la gauche, et supprimées en commission des lois. Les élus de la chambre haute avaient voté début novembre la fin de l'automaticité du droit du sol permettant aux enfants nés en France de parents étrangers d'obtenir la nationalité française à leur majorité, mais aussi le rétablissement du délit de séjour irrégulier (uniquement assorti d'une amende). 

Sur cette dernière mesure, la députée Annie Genevard a évoqué en commission "un marqueur essentiel" pour Les Républicains. Là encore, gouvernement et députés de la majorité présidentielle ne parlent pas d'une même voix puisque le rapporteur général Florent Boudié a plaidé pour sa suppression tandis que Gérald Darmanin y est favorable"Je pense que la demande [des Républicains] mérite qu'on y prête attention. Je rappelle que c'est la gauche qui l'a supprimé en 2012. Moi, je suis ouvert à une discussion", a de nouveau insisté le ministre de l'Intérieur dans un entretien à Nice Matin, le 8 décembre. Les Républicains ne seront pas les seuls à proposer le retour de cette mesure, puisque le groupe Horizons a également déposé un amendement en ce sens.

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