Violences sexuelles à l'ENS de Lyon : "l'ampleur était connue, et rien n'a été fait pendant de nombreuses années", dénonce un représentant étudiant
La présidence de l'École "doit prendre ses responsabilités", a estimé ce vendredi sur franceinfo, le vice-président étudiant de l'ENS de Lyon, Alfred Bovon.
"L'ampleur" des violences sexuelles à l'École normale supérieure (ENS) de Lyon était "connue, a été remontée maintes et maintes fois, mais rien n'a été fait pendant de nombreuses années", a dénoncé sur franceinfo vendredi 29 octobre Alfred Bovon, vice-président étudiant de l'ENS de Lyon, et membre du dispositif d'écoute créé ce printemps au sein de l'École.
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Une enquête accablante pour la direction de l'École normale supérieure de Lyon a été publiée jeudi 28 octobre. Elle conclut que la direction n'a "pas suffisamment pris la mesure du problème". Menée pendant plusieurs mois par l'Inspection générale de l'Éducation, du Sport et de la Recherche, elle a recensé 27 situations de violences sexuelles et sexistes, dont neuf "relèveraient de la qualification de viol". Pourtant, seules deux situations ont donné lieu à des procédures disciplinaires. Les autres dossiers sont clos ou toujours en cours d'instruction.
franceinfo : Êtes-vous surpris par l'ampleur, le nombre de situations identifiées ?
Alfred Bovon : Absolument pas. C'est une réalité qu'on connaît, qu'on subit et qu'on dénonce depuis de nombreuses années. L'ampleur de cette vague était connue, a été remontée maintes et maintes fois, et rien n'a été fait pendant de nombreuses années. Le fait de mettre sous le tapis de nombreuses affaires était très courant. Maintenant, il y a le dispositif d'écoute qui permet de faire mieux, mais ce n'est toujours pas parfait.
La présidence de l'École est-elle à la hauteur ?
Elle doit prendre ses responsabilités. Je pense qu'il faut que des procédures disciplinaires soient enclenchées rapidement, que les victimes puissent être écoutées, et que leurs demandes puissent être satisfaites le plus rapidement possible. Que les victimes soient informées de l'intégralité des procédures. Des procédures sont en cours et sont très longues par rapport à la réalité quotidienne des victimes, qui est d'avoir dans leurs cours des personnes accusées de viol, et dangereuses. C'est cela qui choque et qui est la réalité aujourd'hui dans l'École.
L'Inspection générale de l'Éducation, dans son rapport, parle d'un climat social délétère. De quelle manière cela se traduit-il ?
On regrette que l'École n'ait pas réagi pendant les trop nombreuses sollicitations qu'on a pu faire. Cela a conclu à un climat très difficile, où la parole n'est pas écoutée dans les différentes réunions et instances de l'École, où la parole des étudiants est coupée systématiquement. C'est très dur de parler, de prendre position. Le climat social, de défiance, empêche certaines choses. En interne, on nous a accusé de mettre à mal l'image de l'École, lors de la parution d'articles de presse, en février dernier. Cette réaction avait provoqué une manifestation dans l'école, avec plus de 200 personnes qui voulaient faire comprendre à la présidente que ce n'était pas une question d'image de l'École. C'est une question de santé, de sécurité pour les étudiantes et les étudiants.
Dans ce climat délétère, peut-on mener des études sereinement à l'ENS ?
Pas pour tout le monde. Certaines personnes viennent avec la boule au ventre le matin. D'autres ont dû quitter l'École, ou changer de parcours. On arrête un doctorat. C'est une École qui offre un cadre d'études admirable pour se développer intellectuellement. Mais plein de choses devraient être faites sur ces questions de société qui ne sont pas que médiatiques et d'image mais de vraies questions de santé et de sécurité.
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