Violences conjugales : qui sont les bénévoles qui, sur Facebook, dénombrent les femmes victimes ?
Depuis trois ans, le collectif "Féminicides par (ex) compagnons" recense les femmes tuées par leur conjoint en France. Leur nombre est en forte augmentation depuis le début de l'année 2019.
Dimanche, à L'Ile-Rousse (Corse), Julie Douib, 34 ans, a été tuée avec une arme à feu par le père de ses deux enfants. Elle est la 30e femme à mourir sous les coups de son conjoint ou d'un ex, depuis le début de l'année, selon les décomptes réalisés par le collectif "Féminicides par (ex) compagnons".
[30] Dimanche 3/03 à L'Ile-Rousse (2B) une femme de 30 ans a été tuée de 2 coups de feu par son conjoint. Il s'est lui même rendu aux gendarmes.
— Féminicides Par (Ex) Compagnons (@feminicidesfr) 3 mars 2019
Elle était mère de 2 enfants.
NON @laprovence ce n'est pas un "différend familial" mais un #féminicide !https://t.co/CnGFipjQGD
En 2018, une femme est morte tous les trois jours en moyenne sous les coups de son conjoint ou ex-conjoint. Cette tendance s'est accentuée pour le début de l'année 2019 : depuis janvier, "au moins" 30 femmes ont été tuées, et de nombreux cas attendent toujours d'être élucidés. Contactée par franceinfo, une membre du collectif s'en émeut : "C'est presque le double que sur la même période en 2018, puisqu'on en était à 18 l'année dernière. On en est aujourd'hui à une femme tous les deux jours."
Quinze bénévoles "entre 19 et 65 ans"
Depuis 2016, une quinzaine de militantes féministes et "un jeune homme" se démènent pour faire vivre le collectif "Féminicides par (ex) compagnons". A l'origine, ces femmes formaient un groupe Facebook où elles s'échangeaient des articles féministes. L'une d'entre elles relayait des articles sur des cas de femmes victimes de violences conjugales et leur a fait prendre conscience de leur nombre. Aujourd'hui, elles recensent les meurtres de femmes mentionnés dans la presse et sur les réseaux sociaux, tout en interpellant politiques et médias pour que ces victimes ne tombent pas dans l'oubli.
"On a entre 19 et 65 ans, on a tous les âges car c'est un phénomène qui touche toutes les femmes dans tous les âges, toutes les classes sociales sont concernées", détaille une administratrice, souhaitant rester anonyme en raison des menaces que le collectif dit recevoir, à franceinfo. Pendant leur temps libre, trois bénévoles administrent quotidiennement les comptes Twitter et Facebook du collectif.
"Un travail douloureux et difficile"
"La première chose que je fais le matin en me réveillant, c'est la revue de presse" déclare-t-elle. Le collectif s'appuie sur près de 70 mots-clefs et des alertes Google pour repérer les affaires de violences conjugales. Ces bénévoles s'astreignent ainsi à une veille permanente, complétée par les messages qu'elles reçoivent sur les réseaux sociaux. "Ce matin, j'ai vu que j'ai été contactée par une personne qui se dit en danger, on a aussi tous les messages privés à gérer. C'est un travail extrêmement douloureux et difficile", témoigne-t-elle.
Le meurtre de Julie Douib a ému des internautes, qui ont écrit au collectif pour le féliciter de son travail. De nombreuses personnes ont, depuis, signé la pétition en ligne du collectif, adressée à Emmanuel Macron. "L'affaire de Julie, on en fait des cauchemars, c'est compliqué de se dire qu'on est à ce point détestée quand on est une femme", dénonce l'administratrice de la page Facebook.
"Dans beaucoup de cas, on remarque qu'il y avait des plaintes auparavant"
Les bénévoles retrouvent des similitudes tragiques entre l'histoire de Julie Douib et celles d'autres femmes, mortes sous les coups de leur conjoint ou ex-compagnon. "Dans beaucoup de cas, on remarque qu'il y avait eu des plaintes auparavant" déplore l'administratrice de "Féminicides". La jeune femme tuée dimanche en Corse avait porté plainte à plusieurs reprises contre son ex-conjoint. La procureure de la République de Bastia indique que "toutes ont été traitées."
Aujourd'hui soutenues par le collectif contre les violences sexistes et sexuelles "Nous Toutes", les membres de "Féminicides" ne cessent d'interpeller publiquement les ministres pour que ces femmes en danger soient mieux protégées. Sur ce point, la prise de parole de Marlène Schiappa, en réaction au meurtre de Julie Douib, n'a pas satisfait les bénévoles de "Féminicides" : "Nous, tout ce qu'on souhaite, c'est que les hommes violents soient sévèrement sanctionnés, que les plaintes soient prises en compte dès le premier signalement, (...) même s'il y a un doute, parce que c'est une question de vie ou de mort pour une personne."
Le collectif estime que la loi n'est pas suffisamment appliquée : le meurtre d'un conjoint ou d'un ex-conjoint est puni de réclusion criminelle à perpétuité, depuis 2006. Ses membres continuent de se battre pour qu'un féminicide ne soit plus qualifié de "crime d'amour" ou de "différend conjugal". Leur prochain objectif est de constituer une association autour des familles de femmes victimes.
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