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Vidéo Laurence Rossignol : la tribune "Liberté d'importuner" est "une gifle" qui "ne rend service qu'aux prédateurs"

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Radio France

Laurence Rossignol, ancienne ministre de l'Enfance, des Familles et des Droits des femmes invitée sur France Inter, mercredi 10  janvier, a réagi à la tribune dans le Monde défendant "la liberté d’importuner ''des hommes. 

"Mais qu'est-ce que Catherine Deneuve est allée faire dans cette galère ?" s'est interrogée Laurence Rossignol, ancienne ministre de l'Enfance, des Familles et des Droits des femmes. Elle a indiqué ce mercredi sur France Inter qu'elle n'aurait pas signé la tribune publiée par une centaine de femmes dans le journal Le Monde mardi 9 janvier, une tribune qui défend "une liberté d’importuner, indispensable à la liberté sexuelle". Pour l'ancienne ministre, cette tribune sonne comme "une gifle" qui "ne rend service qu'aux prédateurs". Elle estime également que cette tribune "incarne un ordre moral traditionnel" que les féministes doivent "contester"

franceinfo : Auriez-vous signé cette tribune ?

Laurence RossignolBien sûr que non. Cette tribune, non seulement je ne l'aurais pas signée, mais si j'avais eu l'occasion d'en discuter avec une femme comme Catherine Deneuve, qui, je le rappelle, était une des signataires du manifeste des 343 salopes en défense de l'avortement, qui a été une femme courageuse, qui a une place dans le combat féministe des 50 dernières années, j'aurais essayé de lui expliquer que cette tribune est une gifle à l'encontre de toutes les femmes qui dénoncent la réalité de ce qu'est la prédation sexuelle. Et qu'en plus elle ne rend pas service aux hommes. Elle ne rend service qu'aux prédateurs. Par ailleurs, je les connais, pour certaines, ces femmes. On a là un classique regroupement des antiféministes patentées, qui pensent que la domination masculine n'existe pas, les défenseuses du lobby des clients de la prostitution.

Vous auriez donc pu signer la "contre-tribune" publiée ce matin sur franceinfo.fr, qui les accuse de banaliser les violences sexuelles ?

Oui. Je dirais : mais qu'est-ce que Catherine Deneuve est allée faire dans cette galère ? Ne nous concentrons pas sur Catherine Deneuve. Qu'est-ce qui amène des femmes, alors qu'ils se passe des choses importantes, révolutionnaires en matière de libération de la parole et de l'écoute des femmes, qu'est-ce qui amène 100 femmes qui ont de la visibilité médiatique à signer ? Qu'est-ce qu'elles envoient comme message en signant cela ?

La tribune dénonce "un féminisme qui exprime une haine des hommes", un "retour au puritanisme", et un "climat de société totalitaire".

La question du puritanisme n'est pas une question anodine. Nous, les féministes qui défendons l'égalité dans la sexualité, ne sommes pas dans le camp du puritanisme. Elles auraient été mieux inspirées à poser la question du désir des femmes dans le débat que nous avons aujourd'hui. Ce qui me frappe, c'est qu'au nom de la résistance, de l'inquiétude contre le retour de l'ordre moral, cette tribune défend un ordre classique, traditionnel dans la sexualité. Celle qui est fondée sur une représentation des sexualités masculine et féminine différenciées, avec des rôles différenciés. L'homme est le conquérant, la femme est la proie. Je ne crois pas que les femmes puissent accéder à l'égalité tant qu'elles sont vues comme des objets sexuels. Ces femmes écrivent "continuez de nous désirer, de nous regarder". Mais de quoi ont-elles peur ? Quel est ce vide existentiel qui les inquiète ?

Elles parlent aussi des conséquences de cette libération de la parole des femmes dans l'art ; n'est-ce pas inquiétant quand la morale s'invite dans l'art ?

Bien sûr, effectivement l'art est le lieu dans lequel la morale ne doit pas rentrer. Je pense par ailleurs que c'est une manipulation de leur part que d'établir un lien entre la libération de la parole des femmes, l'écoute de cette parole et le retour de l'ordre moral. Elles incarnent l'ordre moral traditionnel ! Celui de l'homme conquérant et de la femme soumise et disponible. Cet ordre moral, les féministes doivent le contester et faire rentrer davantage dans le débat actuel la question de l'émergence du désir et du plaisir des femmes comme question politique et collective.

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