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Lutte contre les violences faites aux femmes : "C'est toute l'organisation de la société qu'il faut revoir" pour Marlène Schiappa

"Très clairement. On est dans une société qui est sexiste" réaffirme la secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Marlène Schiappa sur franceinfo dimanche 25 novembre 2018 (RADIO FRANCE)

"C’est toute l'organisation de la société qu’il faut revoir" pour lutter contre les violences faites aux femmes, estime Marlène Schiappa, la secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations, invitée de franceinfo dimanche 25 novembre à l'occasion de la journée internationale pour l'élimination des violences faites aux femmes. Elle salue également la manifestation "Nous Toutes" qui a réuni des dizaines de milliers de personnes hier en France contre les violences sexuelles et sexistes et assure qu'elle "partage l'entièreté des demandes formulées lors de cette marche".

franceinfo : L’une des volontés des manifestations “Nous Toutes” hier, c’était d’interpeller le gouvernement, de lui demander plus d’argent et la fin de l’impunité. Que leur répondez-vous ?

Marlène Schiappa : D’abord je voudrais saluer cette marche parce qu'il y avait plus de monde mobilisé pour la manifestation “Nous Toutes” que pour les “gilets jaunes”, et pourtant on a très peu vu ces images. Je voudrais saluer la bonne tenue de cette marche. Je partage évidemment l’entièreté des demandes formulées au cours de cette marche. Nous avons fait énormément en 18 mois, l’égalité femmes-hommes est la grande cause du quinquennat mais nous devons encore agir, nous n’avons pas encore éradiqué les violences sexistes et sexuelles donc, il faut aller plus vite et plus loin encore. Ce qui fera changer les choses, c’est quand on arrivera à mettre fin à une forme d’immunité. C’est pour ça que nous renforçons considérablement la loi : nous avons allongé les délais de prescription pour les viols sur mineurs, nous pénalisons le harcèlement de rue parce que c’est le début du continuum des violences sexistes et sexuelles. Nous avons renforcé des sanctions avec des circonstances aggravantes quand les violences conjugales sont commises dans les enfants et nous agissons aussi au niveau local en créant des contrats locaux contre les violences pour les détecter avec l’aide des élus locaux, des urgentistes, des professionnels, de la justice. Enfin, mardi, avec le ministre de l’Intérieur et la garde des Sceaux, nous lancerons une plateforme pour aider ces femmes à parler à des policières et des policiers pour qu’il y ait davantage de plaintes et de condamnations.

Ça veut dire qu’il y a aussi une ambiance assez misogyne en France ?

Très clairement. On est dans une société qui est sexiste. Le président de la République lançait il y a un an la grande cause du quinquennat et il a rappelé que toute notre société est malade du sexisme. Il suffit de voir le traitement dans certains journaux qui est fait aux violences conjugales. On parle encore de drame passionnel, alors que ça n’a rien de passionnel. Quand on aime quelqu’un, on ne le frappe pas, on ne lui fait pas du mal, on ne le tue pas. Donc il y a une formation à mener, le gouvernement en a lancée. Et avec la garde des Sceaux, nous installerons un groupe de suivi de la loi que nous avons fait voter cet été, qui vise à renforcer les condamnations pour les violences sexistes et sexuelles, et si nous voyons que le compte n’y est pas et que les condamnations ne sont pas suffisantes, nous modifierons de nouveau cette loi pour la rendre encore plus contraignante.

On a l'impression que c’est toute une société qu’il faut éduquer…

Pour interpeller la société, au-delà des trois séances par an d’éducation à la vie affective et sexuelle à l’école que nous avons mis en place depuis cette rentrée, le Premier ministre a engagé quatre millions d’euros pour une immense campagne de communication en télévision pour interpeller les témoins de ces violences. Parce que quand vous êtes témoin d’un cambriolage, vous appelez la police mais quand vous êtes témoin d’un homme qui frappe une femme ou qui est violent envers elle dans la rue, vous n’appelez pas toujours la police et c’est ça qui doit changer. Il faut que les témoins interpellent les forces de l’ordre et aillent témoigner parce que parfois on n’a pas de preuve de ces violences et c’est grâce aux témoignages qu’on peut faire condamner les auteurs de violences.

Le monde politique est très misogyne. Vous avez parfois été victime vous-mêmes de comportements sexistes ?

Ça m’est arrivée quelques fois et les situations ont toutes été rendues publiques puisque l’une s’est produite devant l’Assemblée nationale. Je trouve qu’il y a quand même une évolution parce que La République en Marche a investi 50% de femmes sur des circonscriptions gagnables et donc mécaniquement, il y a plus de femmes à l‘Assemblée nationale. Nous sommes moins en minorité, et ces situations d’oppression et de sexisme viennent aussi d’un abus de pouvoir. Et puis, c’est la grande cause du quinquennat, donc c’est la moindre des choses que l’ensemble des responsables politiques que je côtoie soient engagés. Et lorsqu’on n’a pas de parité, pas de quota, c'est la loi de la jungle. Dès lors qu’on ne contraint pas, qu’on laisse faire, il y a moins de femmes. Pour moi, tous ces sujets sont liés. C’est bien beau de dire aux femmes de s’engager en politique et de candidater mais la vérité c’est que, d’une part, quand on tremble pour sa sécurité face aux violences sexuelles et sexistes, c’est le cadet de nos soucis de rajouter à cela un engagement. Et puis il y a l’inégale répartition des tâches ménagères et familiales. Quand vous avez la responsabilité d’aller chercher les enfants, de faire les devoirs, les bains, les dîners, vous n’êtes pas disponible pour aller à une réunion politique, donc c’est toute l'organisation de la société qu’il faut revoir.

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