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Harcèlement sexuel : dire non "à son supérieur hiérarchique", c'est s'exposer à "des représailles professionnelles"

Maude Beckers, avocate, a dénoncé mardi sur franceinfo les "représailles" auxquelles s'exposent les victimes d'harcèlement au travail. "J'ai l'impression qu'en France, on fait comme si on ne savait pas où commence le harcèlement sexuel" a-t-elle condamné.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Harcèlement au travail, image d'illustration. (MAXPPP)

Depuis la révélation de l'affaire Weinstein, les témoignages spontanés dans la presse ou sur les réseaux sociaux en Europe et aux États-Unis se multiplient. Les associations d'aide contre le harcèlement sexuel et les violences faites aux femmes croulent sous les appels.

Dans le monde l'entreprise, les victimes ne sont pas toujours très bien protégées alors que le Code du travail oblige la mise en place d'un système de prévention. Maude Beckers, avocate spécialiste du droit du travail et des discriminations au travail, a estimé mardi 24 octobre sur franceinfo qu'il fallait agir au sein de l'entreprise pour "établir des règles de prévention et de sanction". Elle demande aussi que ceux qui témoignent de ces faits ne soient pas victimes de "licenciements abusifs" et de "discriminations".

franceinfo : où commence le harcèlement sexuel ?

Maude Beckers : J'ai l'impression qu'en France, on fait comme si on ne savait pas où commence le harcèlement sexuel. Pourtant, les faits qui sont décrits par les victimes sont quand même assez clairs. Il y a quelque chose qui revient systématiquement dans le comportement qu'elle [la victime] subit de la part du harceleur. Il y a clairement un manque de dignité qu'elle ressent, le harceleur n'a que faire de son consentement et insiste très lourdement (...) Entre la drague lourde et le harcèlement, il y a tout simplement la volonté d'essayer de voir ce que l'autre ressent lorsqu'on s'adresse à elle, notamment d'essayer de voir si elle est dans le consentement. Dire à son supérieur hiérarchique très clairement non, on s'expose malheureusement souvent à des représailles professionnelles, dans 40 % des cas.

1 000 plaintes déposées par an pour harcèlement sexuel, 93 plaintes classées sans suite. Quelle est la solution si les plaintes n'aboutissent pas ?

Il faut agir au sein de l'entreprise. Pour changer les réflexes au sujet du harcèlement sexuel, il faut changer la société et le sexisme ambiant. Mais cela prend du temps de rééduquer les enfants. Là où l'on peut agir, c'est sur la microsociété que constitue l'entreprise, où l'on peut établir des règles de prévention et de sanction. Les employeurs ont l'obligation, par le Code du travail, de prévenir le harcèlement sexuel dans l'entreprise. Qu'ils le fassent. Selon l'enquête des Défenseur des droits, seulement 18 % des entreprises se sont saisies d'un système de prévention efficace. Elles ne le font pas, ou, pire, elles discriminent les femmes qui ont révélé des faits de harcèlement sexuel en les mutant ou en les licenciant, bien que la sanction coûte chère. Or, le gouvernement est très loin des propositions décentes en la matière.

Est-il difficile d'obtenir des témoignages de la part des hommes dans le monde de l'entreprise ?

On a des difficultés d'obtenir des témoignages de toute part car les personnes qui témoignent sont censées être protégées par le Code du travail. Quelqu'un qui témoigne de faits de harcèlement ne doit pas être licencié mais en pratique, on voit très bien qu'il y a des risques de représailles. C'est cela qu'il faut changer pour faire en sorte que les licenciements abusifs et les discriminations abusives des gens qui révèlent le harcèlement sexuel soient également très protégés et cela passe par des sanctions lourdes des entreprises.

"Les employeurs ont l'obligation, par le Code du travail, de prévenir le harcèlement sexuel dans l'entreprise. Qu'ils le fassent." Maude Beckers, à franceinfo.

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