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Comment un professeur de 31 ans poursuivi pour atteinte sexuelle envers une élève a été condamné à du sursis

Un professeur de mathématiques de 31 ans a été condamné, lundi, à 18 mois de prison avec sursis pour atteinte sexuelle devant le tribunal correctionnel de Fontainebleau (Seine-et-Marne) pour avoir eu une relation avec une élève de 14 ans.

Article rédigé par Elise Lambert
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
L'établissement Fernand Gregh de Champagne-sur-Seine (Seine-et-Marne), où un professeur de 31 ans a eu une relation avec l'une de ses élèves, âgée de 14 ans. (MAXPPP)

Il avait l'impression que c'était "juste" sa "copine", pas son élève "ni une fille de 14 ans". Un professeur de 31 ans, Théo, a été condamné lundi 27 novembre par le tribunal correctionnel de Fontainebleau à 18 mois de prison avec sursis, deux ans de mise à l'épreuve, obligation de soins et interdiction d'entrer en contact avec des mineurs dans ce même délai, pour avoir entretenu une relation avec une mineure de 14 ans.

Il a été relaxé du chef de "corruption de mineur" et encourait dix ans de prison. Comment comprendre ce jugement, alors que la loi interdit toute relation sexuelle entre un(e) mineur(e) de moins de 15 ans et une personne majeure ? Franceinfo vous résume l'affaire. 

Des échanges sur Instagram comme point de départ

L'idylle interdite débute sur les réseaux sociaux. En septembre 2016, Théo, né en 1986, devient le professeur de mathématiques d'Emilie, née en 2003. Ils commencent à échanger des messages sur Instagram. Le 14 février 2017, le jour de la Saint-Valentin, Emilie avoue à son professeur qu'elle l'aime. Ce dernier l'éconduit et lui répond que leur amour est "impossible", mais ils continuent d'échanger des messages, relate 20 minutes. "J’étais clair au départ. Et puis en avril j’ai dit 'non', mais moins clairement. Je disais qu’il ne se passerait rien tant qu’elle n’aurait pas 18 ans", raconte-t-il lors de l'audience.

Malgré l'interdit, les deux amants se rapprochent. A la mi-juin, Théo propose à Emilie d'être "son petit ami". L'amour virtuel devient réel. Ils se donnent rendez-vous en cachette dans les champs, dans sa voiture ou des chambres d'hôtel. Ils ont des relations sexuelles. "Tous les rapports ont été consentis, je lui ai demandé des milliards de fois avant même de l'embrasser, de lui tenir la main...", affirme Théo, cité par des journalistes présents lors de l'audience..

Leur première fois se passe mal. "J’étais extrêmement stressé et elle aussi", décrit-il. "On avait beaucoup parlé avant pour savoir si elle voulait qu'on le fasse ou pas", assure-t-il, cité par Le Parisien. Emilie raconte que son père l'a violée à l'âge de 3 ans. Elle lui envoie des photos d'elle nue ; "je ne l'ai jamais incitée à m'envoyer ces photos", déclare le professeur.

La plainte des parents et l'interpellation du professeur

Pendant plusieurs mois, la mère d'Emilie, Jennyfer, croit que sa fille vit une banale romance adolescente. Elle ne s'interroge pas particulièrement sur les lettres pleines de petits cœurs qui arrivent chez elle à destination de sa fille. Début novembre, elle reçoit un coup de téléphone d'un parent d'élève du collège Fernand Gregh de Champagne-sur-Seine (Seine-et-Marne), où sa fille étudie, et apprend que le mystérieux amoureux de sa fille n'est pas un camarade d'école mais son professeur de mathématiques, raconte Le Monde.

Le 5 novembre, son compagnon aperçoit le professeur caché dans un buisson près de leur maison et l'emmène de force à la gendarmerie. Emilie menace de "se suicider" s'il est emmené en prison et supplie sa mère de ne pas porter plainte.

Sa mère est persuadée que l'on a abusé de sa fille et porte plainte pour atteinte sexuelle sur mineur de moins de 15 ans par personne abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions. Lors de sa déposition à la gendarmerie, citée pendant l'audience, Emilie assure qu'elle a toujours consenti. Devant les gendarmes et le psychologue, elle insiste : "Je ne suis pas une gamine, même psychologiquement je suis mûre, souvent on me donne 19 ans." Elle dit aimer son professeur, qualifié de doux, attentionné et gentil avec elle. "Il n'y a rien de malsain dans notre relation, je l'aime et il m'aime. On a pensé faire un break, on n'a pas pu, on est trop amoureux."

A l'audience, elle se dit "manipulée", il reconnaît avoir "dérapé"

Devant le tribunal de Fontainebleau, le 27 novembre, Emilie change complètement de discours et dit avoir été "manipulée". "Je n'aimerais pas qu'il recommence sur d'autres jeunes filles, c'est un pédophile", accuse-t-elle. "J'ai pris du recul, j'ai regardé les choses d'un autre angle et j'ai parlé de choses que je n'avais pas dites. En parler à ma mère m'a permis de remettre les pieds sur terre", confie-t-elle à France 3.

Elle décrit une relation beaucoup moins idyllique, les "crises de jalousie" lorsqu'elle voyait ses amis et les insultes lorsqu'elle l'a trompé. De peur que l'adolescente ne répète des propos de ses parents ou de son avocate, la présidente lui rappelle : "Vous n’êtes pas coupable ou prévenue, on ne juge pas votre comportement, on veut juste comprendre comment vous en êtes arrivés là", rapportent sur Twitter des journalistes présents à l'audience.

De son côté, Théo, cheveux en brosse, chemise blanche et pull col V,  s'explique : "J’ai complètement dérapé, j’ai perdu le contrôle de la situation", assure-t-il, précisant qu'il n'avait "pas d'excuses". Au fur et à mesure de l'audience, il prend conscience de l'interdit de la situation. "Je ne me l'explique pas... Je ne sais pas comment j'en suis arrivé là." La présidente lui demande s'il estime que cette relation était "normale". Il répond "oui". "C'est une adolescente fragile, avec ce contexte... [elle souffrait de dépression au moment des faits] Ne pensez-vous pas que vous avez pu en profiter, sans forcément en avoir conscience ?", interroge la présidente, citée par Le Monde.

Il finit par répondre "effectivement, oui, sûrement, maintenant... J’ai complètement dérapé. Je m’en excuse. Il faut que je suive une thérapie." Lors des lectures des expertises psychologiques, Emilie est décrite comme souffrant de carences affectives et de fragilité psychologique. Théo est décrit comme ayant une "dysharmonie entre maturité intellectuelle et immaturité affective", reprend Europe 1.

Une question d'interdit et non de consentement

Face à ces témoignages, la présidente rappelle : "votre rôle en tant qu'adulte, et adulte référent, enseignant, c'est de dire 'c'est pas possible'. Et dire ça, ça ne suffit pas si vous continuez à lui parler !" "Si (le prévenu) a pourvu à quelque chose, c'est à son éducation sexuelle plus qu'à son éducation en mathématiques", dénonce la procureure, mais estime que l'adolescente était "en capacité de consentir à une relation sexuelle, ce serait lui faire ombrage de dire qu'elle aurait pu être troublée, aliénée". 

La procureure rappelle que la question n'est pas celle du "consentement" d'Emilie. Mais de l'interdit posé au professeur. "Cette pseudo-relation entre une jeune femme de 14 ans et un homme de 31 ans est interdite. Parce que Théo a utilisé sa personnalité et sa position pour parvenir à cette relation sexuelle." Elle requiert une peine de cinq ans de prison, dont deux avec sursis.

Elle a une maturité qui la rendait lucide sur le fait de franchir cet interdit. Est-elle capable de consentir à une relation sexuelle ? Oui. Mais même si elle peut comprendre et consentir, cette relation est interdite.

Parquet de Fontainebleau

En l'absence d'âge de présomption de consentement sexuel dans le droit français, le jeune homme a finalement été condamné à 18 mois de prison avec sursis pour atteinte sexuelle, assorti d'une mise à l'épreuve de deux ans. 

"C'est une décision qui me laisse un drôle de sentiment", réagit Rodolphe Costantino, avocat de l’association Enfance et Partage, à franceinfo. "Il faudrait savoir, est-ce que c'était une relation amoureuse d'égal à égal, entre une fillette de 13 ans et un homme de vingt ans son aîné ? Ou bien avait-on affaire à un personnage dangereux ? Nous, ce qu'on demande, c'est qu'il y ait un interdit qui soit un interdit posé de manière fondamentale et qu'il n'y ait pas de présomption qui soit discutable."

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