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Des voix de poilus de 14-18 retrouvées à Berlin : écoutez ces enregistrements, ils ont plus de 100 ans !

Plus de 2 000 enregistrements de soldats français, réalisés pendant leur détention, sont sorties des archives allemandes et désormais consultables.

Article rédigé par Ludovic Piedtenu - Édité par Noémie Bonnin
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Fiche personnelle du prisonnier Louis Devries, 53 ans, détenu au camp de Wittenberg. Enregistrement sonore en "patois de Lille" du 27 juin 1916. (LUDOVIC PIEDTENU / RADIO FRANCE)

Des archives sonores inédites arrivent de Berlin, en Allemagne. À l'origine, un projet un peu fou d'un linguiste allemand, Wilhelm Doegen, qui voulait constituer un musée des voix et des langues du monde entier - c'est le tout début de l'enregistrement sonore. Il va prendre la Première Guerre mondiale comme une opportunité pour réaliser son projet et va se servir des prisonniers de guerre enfermés dans les camps allemands. Quelques-uns des 2 000 enregistrements de soldats français vont, 100 ans plus tard, sortir des archives de l’Université Humboldt de Berlin.

Des voix gravées sur l’ancêtre du vinyle, un disque très épais en gomme-laque de 27 cm de diamètre. Pour comprendre l’origine de ces archives sonores, il faut rencontrer Britta Lange, de l’Institut d’études culturelles de Berlin (Institut für Kulturwissenschaft). Elle a écrit une thèse sur ces enregistrements de prisonniers de guerre : "L’idée de Wilhelm Doegen était de construire des archives de langues, de chants et de musiques des différents peuples, une sorte de bibliothèque sonore. Il y avait à l’époque un esprit très fort de conservation et de sauver les langues et les dialectes, dont ce chercheur craignait la disparition."

C’est très triste d’écouter les voix de ces soldats, parce qu’elles ont toujours été enfermées dans des archives, elles n’ont jamais voyagé, elles n’ont jamais trouvé quelqu’un pour les écouter.

Britta Lange

à franceinfo

Tous ces soldats prisonniers venus du monde entier, de toutes les nations belligérantes et leurs colonies, permettent à cette équipe allemande de linguistes, d’ethnologues et de musicologues de réunir environ 250 langues et dialectes. Sans avoir besoin de voyager. Ils vont travailler de 1915 à 1918. Du béarnais, du provençal, de l’occitan, du breton, du picard, de l’alsacien, du créole… Les voix ou les chants de ces poilus sont très émouvants.

Salle des archives sonores "Lautarchiv" de l’Université Humboldt de Berlin. (LUDOVIC PIEDTENU / RADIO FRANCE)

Pour faire ce voyage dans le temps, il faut se rendre au département de musicologie, aux archives sonores, les "Lautarchiv" de l’Université Humboldt en face de l’île aux musées à Berlin. Une toute petite salle au 1er étage, à peine plus large qu’un couloir. Contre le mur, des grandes armoires sombres, des tiroirs desquels on extrait ces disques, manipulés avec précaution, les mains toujours gantées. Dans chaque pochette, avec chaque enregistrement, on trouve une fiche personnelle et des informations sur le prisonnier de guerre (nom, prénom(s), date et lieu de naissance, profession, s’il sait lire et/ou écrire, etc.)

Cet immense catalogue de plus de 7 500 vinyles est consultable en ligne, mais sans aucune possibilité d’écoute. On peut tenter d’y retrouver un ancêtre... 100 ans plus tard, ces voix des poilus vont sortir de cette imposante bâtisse en plein cœur de la capitale allemande grâce au travail de Mona Guichard, attachée culturelle à l’Ambassade de France à Berlin qui, à l’occasion du centenaire de la Grande guerre, a commandé un documentaire sonore qui vient d’entamer une tournée dans les très nombreux instituts français du pays mais aussi, date unique en France, à Paris vendredi 16 novembre lors d’une soirée gratuite à la Maison de la radio, à Paris.

"La voix des poilus", le reportage franceinfo de Ludovic Piedtenu

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