Filmée nue à son insu, une stagiaire de l'armée poussée à la démission
"Ils ont commencé par me demander si ça ne me dérangeait pas de démissionner mais je leur ai fait clairement comprendre que je resterais", a expliqué la jeune femme, qui se bat en justice pour réintégrer l'armée.
Le tribunal administratif de Nantes a suspendu en référé la démission d'une stagiaire de l'armée, qui avait été contrainte au départ après avoir porté plainte contre un sergent qui l'avait filmée nue sous sa douche, selon l'avocat de la stagiaire, lundi 10 mars. La jeune femme, qui suivait une formation d'agent de restauration au Centre militaire de formation professionnelle de Fontenay-le-Comte (Vendée), avait porté plainte le 20 novembre dernier après avoir été filmée nue par un sergent à son insu, alors qu'elle prenait sa douche après son service.
"Les casernements étant malheureusement mixtes", ce dernier a "passé un téléphone portable entre le bas de la cabine et le sol", a expliqué l'avocat de la jeune femme, Me Jacques Delacharlerie. Les faits se sont produits le soir de la qualification de l'équipe de France de football pour la Coupe du monde. La stagiaire avait saisi la justice administrative le 7 février pour réclamer la suspension de la résiliation de son contrat.
"A croire que c'était moi qui étais coupable"
La jeune femme de 25 ans, originaire de la Martinique et stagiaire volontaire du service militaire adapté, soutient avoir été contrainte de demander la résiliation de son contrat de dix mois au sein de l'armée pour convenances personnelles en représailles à son dépôt de plainte, note le tribunal administratif dans son ordonnance du 28 février. Elle affirme qu'il lui a été "demandé de présenter une demande de résiliation de son contrat selon un modèle qui lui a été fourni, sous la menace d'être considérée comme en situation de désertion", poursuit le texte.
"A croire que c'était moi qui étais coupable de quelque chose, je n'ai senti à aucun moment que j'étais soutenue", a témoigné la jeune femme. "Ils ont commencé par me demander si ça ne me dérangeait pas de démissionner mais je leur ai fait clairement comprendre que je resterais", a-t-elle expliqué, en indiquant avoir été ensuite convoquée le 20 décembre "dans le bureau du colonel où il m'a dit 'Pour vous c'est terminé, pour le bien-être de la formation, des élèves, des formateurs'". "On a fait pression pour qu'elle démissionne, clame Me Delacharlerie. Elle aurait dû être protégée."
Cette affaire éclate au grand jour peu après que Jean-Yves Le Drian eut demandé l'ouverture d'une enquête interne au ministère de la Défense sur les violences sexuelles et les cas de harcèlement commis à l'encontre des femmes dans les armées françaises. Cette enquête fait suite à la publication, fin février, d'un livre intitulé La guerre invisible, qui évoque une quarantaine de cas de ce type survenus ces dernières années. La décision du tribunal administratif de Nantes est provisoire, l'affaire devant encore être jugée au fond par le tribunal administratif.
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