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Féminicide en Savoie : ce que l'on sait du meurtre d'une policière et de l'interpellation de son ex-mari

Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Intervention des gendarmes après le féminicide d'une policière dans le village de La Croix-de-la-Rochette, en Savoie, le 31 août 2023. (TESS HINAULT / MAXPPP)
L'homme, âgé d'une soixantaine d'années, a été interpellé vendredi matin par le GIGN à 5 km du lieu du meurtre, "probablement commis avec préméditation", selon le parquet de Chambéry.

Sa fuite a duré 24 heures. L'homme soupçonné d'avoir tué son ex-femme, jeudi 31 août, dans une rue d'un petit village de Savoie, La Croix-de-la-Rochette, a été retrouvé à cinq kilomètres de là, vendredi matin. Le sexagénaire a été interpellé sans incident par les hommes du GIGN à Arvillard, a appris franceinfo auprès du parquet de Chambéry.

La victime, une policière de 42 ans, a été tuée avec ce qui pourrait être une machette, sous les yeux de son fils de 3 ans. Voici ce que l'on sait de ce meurtre, "probablement commis avec préméditation", selon le parquet. 

La policière, hors service, venait de déposer l'un de ses enfants à la crèche

Les faits se sont produits peu après 9 heures, jeudi. La victime, une fonctionnaire de police au commissariat de Chambéry, âgée de 42 ans, venait de déposer l'un de ses enfants à la crèche de la commune. Hors service, elle rentrait à son domicile à pied, accompagnée de son autre enfant, un petit garçon âgé de 3 ans, lorsqu'elle a été attaquée par un homme en pleine rue. Ce dernier lui a porté plus d'une dizaine de violents coups "au moyen d'une arme qui, d'après les constatations opérées sur place ultérieurement par le médecin légiste, pourrait être une arme de type machette", rapporte le procureur de la République de Chambéry, Jean-Yves Michau, dans un communiqué.

Malgré l'intervention rapide des secours, elle est décédée sur place. Son autopsie doit avoir lieu vendredi à l'institut médico-légal de Grenoble.

Les deux enfants de la victime ont été pris en charge en milieu hospitalier dans le cadre du protocole de protection des mineurs, précise le procureur. Ce dispositif, créé en Seine-Saint-Denis en 2015 et généralisé à la France entière en avril 2022, prévoit notamment une hospitalisation de 72 heures des mineurs témoins de féminicide ou tentative de féminicide.  

"Grande tristesse à l'annonce de ce qui, selon les premiers éléments, serait un féminicide, une policière hors service tuée sur la voie publique en Savoie. Pensées pour sa famille, ses proches et ses collègues", a réagi le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, sur X (anciennement Twitter).

Son ex-mari considéré comme le principal suspect

Les soupçons se portent très rapidement sur l'ancien mari de la victime, âgé de 61 ans, père de ses deux enfants. Avant sa séparation, le couple vivait à Nice. Après la rupture, la policière faisait l'objet d'une ordonnance de protection, rendue par un juge aux affaires familiales. Cette mesure, prise en 2017 a appris franceinfo auprès du parquet de Nice, permet d'assurer dans l'urgence la protection de victimes de violences conjugales ou intrafamiliales. Le 10 novembre 2020, son époux a été condamné par le tribunal judiciaire de Nice pour non-respect de cette ordonnance. Le divorce a été prononcé en 2021. 

Son ex-femme avait obtenu sa mutation en Savoie, au commissariat de Chambéry, s'installant avec son nouveau compagnon et ses deux enfants à La Croix-de-la-Rochette. Depuis, elle avait déposé plainte contre son ex-mari pour non-paiement de pension alimentaire. Selon le parquet, même si les relations entre les anciens conjoints demeuraient difficiles, aucune autre plainte, pour violences, harcèlement ou toute autre infraction contre son ex-mari n'avait été déposée.

Cependant, Fabrice Galatioto, secrétaire départemental syndicat unité SGP Police FO, a expliqué à France Télévisions que "cela faisait cinq ans qu'elle signalait à la justice ce genre de fait, parce qu'elle a été victime de la part de cet individu de violences, de harcèlement, de menaces"

Une enquête ouverte pour assassinat et des recherches actives pour retrouver l'ancien conjoint

Après le meurtre, l'homme a pris la fuite à bord d'un véhicule. Des moyens importants ont été mobilisés par la gendarmerie pour le retrouver, avec notamment plusieurs dizaines de militaires du peloton de surveillance et d'intervention, appuyés d'un hélicoptère, ainsi que des gendarmes de la section de recherches et brigade de recherches de Chambéry, en charge d'une enquête de flagrance rapidement ouverte pour assassinat. Les gendarmes avaient retrouvé la voiture du suspect dans un camping, puis une autre qui lui avait servi de relais dans sa fuite.

Le sexagénaire a finalement a été interpellé ce vendredi matin, vers 10 heures, à Arvillard, près d'un centre de méditation bouddhiste, dans le cadre d'une opération conjointe du GIGN et de la gendarmerie de Savoie. "Merci aux gendarmes qui ont mené à bien l’interpellation de l’individu suspecté du féminicide hier en Savoie, en mobilisant des moyens très importants", a réagi sur X le ministre de l'Intérieur. L'homme a été placé en garde à vue dans les locaux de la section de recherches de Chambéry.

Des chiffres vertigineux en 2023, selon deux collectifs

Le collectif Nous toutes estime sur X qu'il s'agit du 90e féminicide de l'année 2023. Le collectif Féminicides par compagnons ou ex, pour sa part, le comptabilise comme le 76e. Les derniers chiffres officiels, du ministère de l'Intérieur, datent de 2021. Le nombre de féminicides avait augmenté de 20% en France cette année-là par rapport à l'année précédente, avec 122 femmes tuées sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint.

Ce nouveau drame "nous renvoie le miroir de notre incapacité à faire baisser" le nombre de féminicides en France, déplore sur franceinfo Anne Bouillon. Pour l'avocate au barreau de Nantes, spécialisée en droit des femmes et de la famille, "l'immense majorité des féminicides surviennent dans des contextes de séparation difficile".

La victime "elle-même, dans son affectation, traitait des plaintes et des dossiers entre autres de violences intrafamiliales. Elle a aidé à défendre la société et au final, elle en devient victime", a déclaré à l'AFP Fabrice Galatioto. "Nous policiers, on nous demande de mettre le maximum sur ce genre de faits et au final quel est le suivi ?", a-t-il relevé, rappelant qu'il s'agit pourtant d'une "priorité du quinquennat Macron".

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