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Évangélisation 2.0 : quelle place pour l'Église sur la toile ?

Benoît XVI a commencé à twitter mercredi, après le lancement de son compte @pontifex la semaine dernière. Dans son premier tweet, le pape bénit ses followers "de grand coeur". Depuis quelques années, les nouvelles technologies servent aussi à transmettre la bonne parole. Mais la "cathosphère" est loin de représenter la totalité des catholiques, quelques groupes extrémistes monopolisent l'attention.
Article rédigé par Clara Beaudoux
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
  (Jonathan Bainbridge Reuters)

Plus de 500.000 abonnés en quatre jours et ce, sans jamais
avoir twitté, l'arrivée de sur Twitter était, semble-t-il, attendue par
les fidèles. Mercredi le pape, lui-même, doit poster son premier tweet.

"Depuis un an, le Vatican a decidé de communiquer de
manière beaucoup plus moderne et offensive sur la toile, en raison d'un
certains nombres de problèmes de communication que le Vatican a rencontré, notamment
lors des affaires de pédophilie où l'Eglise avait du mal à se dépatouiller dans
sa communication
", analyse Christian
Terras, responsable éditorial de la revue chrétienne progressiste Golias

Chaque jour, l'évêque twitte une homélie

Et le pape n'est pas le seul sur Twitter, de nombreux prêtres
s'y sont mis. Hervé Giraud est l'un d'eux. Depuis bientôt deux ans, l'évêque de
Soissons, Laon et Saint-Quentin une fois par jour une petite homélie : "des
petites gouttes spirituelles
" qu'il a appelées . "Depuis deux ans, le hashtag a été beaucoup repris ", indique celui qui est aussi président
du Conseil pour la communication des évêques de France.

"On me dit que ce que je twitte c'est un peu de sagesse,
toujours bienveillant, que ça fait réfléchir, parfois prier, parfois méditer,
rien que ça ça me fait plaisir et ça me donne envie de continuer
",
explique-t-il. "Et puis ça peut donner à certains le goût d'aller lire l'Évangile,
souvent méconnu
", ajoute-t-il.

"Il s'agit d'habiter ce lieu, comme on habite une agora"

Alors, du prosélytisme 2.0 ? "Ce terme peut être
vu comme péjoratif, il s'agit plutôt d'habiter ce milieu, comme on habite une
agora, comme dans le monde ordinaire. Pour répondre à des gens qui ont des
demandes spirituelles, existentielles, des demandes de sens parfois fortes sur
le mal ou la souffrance
", raconte-t-il, décrivant des questions venues de
Tokyo ou du Paraguay. Un Japonais lui a écrit récemment pour lui demander ce qu'était la foi,
pensant l'avoir trouvée. Pour l'évêque, il s'agit juste d'une façon de partager ce qu'il
aime (Dieu), comme d'autres partagent leur musique préféree (même s'il précise qu'il
aime aussi la musique).

"Cathostyle" : 250.000 vues en une semaine

La musique justement, c'est ce qui a inspiré Moustapha Amari. Ce religieux, engagé dans la communauté du Chemin neuf à Puteaux (Hauts-de-Seine), a réalisé une vidéo qui fait le buzz depuis une semaine sur le web. "Cathostyle" est une parodie d'un
autre buzz, le "Gangnam style", tube déjanté du
chanteur coréen Psy, véritable phénomène planétaire depuis quelques mois. 

En une semaine cette vidéo a été vue plus de 250.000 fois, un succès pour la jeune équipe qui compte ainsi faire la promotion de son festival d'été. "On ne s'est
pas dit qu'on allait dépoussiérer l'image de l'Église
, indique le jeune
réalisateur de 26 ans, parce qu'on était déjà convaincu qu'elle n'était pas si
poussiéreuse et si coincée que cela
", explique-t-il. "Ce clip
ressemble plutôt à la joie de vivre que nous ressentons toute l'année en tant
que chrétien
", précise Moustapha, passionné par le web et la vidéo.

"J'ai l'impression que l'Église apprend à apprivoiser
le web
", poursuit le jeune réalisateur. "La dynamique de l'Évangelisation est d'aller annoncer une bonne
nouvelle là où les personnes se trouvent. Internet est un peu le sixième
continent où vivent les gens, où ils cherchent des réponses à leurs questions
".

Le "cathosphère" pas représentative des catholiques

Pour Christian Terras, c'est le Pape Jean-Paul II qui a remis l'Église "au centre d'un travail sur la communication avec les médias modernes ". Mais si Benoît XVI arrive sur Twitter, c'est
aussi grâce à son chargé de communication, "un américain néo-conservateur
lié à l'Opus Déi
", précise le responsable éditorial de Golias . Pour lui, ce sont les groupes catholiques les plus
conservateurs qui, depuis quelques années, ont su se saisir des nouvelles
technologies pour communiquer. "Ce qui est plutôt paradoxal au regard de l'image passéiste
que l'on se fait d'eux
", ajoute-t-il.

"Ces groupes se chargent de faire le buzz sur Internet lorsque la patrie Église est en danger"

"Depuis une dizaine d'années, une constellation de groupes
catholiques néo-conservateurs, fondamentalistes ou traditionnalistes, occupent la cathosphère de manière très présente, et on a tendance à
penser qu'à travers leurs prises de position c'est l'Église entière qui est représentée,
alors que ce n'est pas le cas
", explique Christian Terras, citant
notamment Civitas. Un phénomène également mesuré par Matthieu Ponzio et Guilhem Fouetillou sur leur blog Politicosphère. * E n ce qui concerne le débat sur le mariage pour tous, les deux auteurs ont mesuré que "parmi les 10 sites ayant le plus publié sur la
question, 9 peuvent être rattachés à la droite radicale* ".

"Ces
groupes se chargent de faire le buzz sur Internet lorsque la patrie Église est
en danger
", analyse Christian Terras, et décrit une attitude paradoxale
de l'Église qui "les encourage indirectement " : "Sur le mariage pour tous par exemple, d'une certaine manière, ces groupes leur permettent de dire tout haut ce que, politiquement, l'Église ne peut pas se permettre de dire ". 

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