C'est un bouleversement médical majeur. On peut maintenant évaluer, dès la réanimation, les chances d'un patient de se réveiller d'un coma, par exemple après un arrêt cardiaque, un traumatisme crânien, une rupture d'anévrisme... Et ce grâce à une technique qui a fait ses preuves. Le service du Dr Puybasset, à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, est le seul au monde, pour l'instant, à pouvoir l'appliquer. Pour établir ce pronostic, il faut d'abord pouvoir pratiquer une IRM (imagerie par résonance magnétique) dite "quantitative"– ce qui n'est pas sans risque sur des patients dont l'état est instable. Les paramètres doivent être d'une précision extrême. L'imagerie permettra de mesurer l'état de ce que l'on appelle la "matière blanche". Cette substance permet l'échange d'informations entre différentes parties du cerveau. Si elle est trop abîmée, la relation à l'autre n'est pas possible.Le pourcentage de chances de sortir du coma calculé par un algorithmePour plus de précision, le Dr Puybasset fait ensuite travailler son logiciel. Les images obtenues par l'IRM sont comparées à d'autres images, issues d'une banque de données d'un millier de malades en France, en Italie, en Belgique. L'algorithme attribue à chaque patient un "score" sur ses capacités à sortir du coma."Dans la zone vert foncé, la probabilité de retrouver un état de conscience est supérieure à 95%, commente le médecin devant un écran d'ordinateur. Dans cette zone vert clair, elle est supérieure à 80%. A contrario, dans la zone rouge, la probabilité de décéder ou d'être dans un état végétatif est supérieure à 99%."Un degré d'information sans précédent pour les soignants et les famillesLa comparaison des images avec celles de la banque de données fournit des éléments capitaux pour les décisions médicales qui vont suivre. Le Dr Puybasset nous montre un exemple : ici, "le patient de droite a des lésions considérables dans l'ensemble de la matière blanche profonde de son cerveau. Tandis que celui de gauche n'a quasiment pas de lésions. Donc continuer la réanimation du patient de droite, ça n'a pas de sens : il ne peut pas s'en sortir. Mais stopper cette réanimation-là [à gauche], même si le malade est dans le coma au huitième jour, ce n'est pas bien du tout, parce que ce malade-là peut s'en sortir. Voilà pourquoi cet outil est indispensable à cette décision."Cette technique de prédiction révolutionne le travail des soignants et le niveau d'information des familles. Dans le meilleur des cas, elle leur donne des arguments scientifiques pour croire au réveil d'un proche. Dans d'autres cas, ces analyses apportent un degré d'information sans précédent pour une question cruciale : celle de la fin de vie. Extrait de "Une vie en suspens", un reportage à voir dans "Envoyé spécial" le 27 février 2020.