Vrai ou faux Les enseignants sont-ils plus ou moins absents que les autres fonctionnaires et que les salariés du privé ?

Les professeurs ont sensiblement la même moyenne annuelle de jours d'absence que l'ensemble des travailleurs du secteur privé. Dans l'enseignement privé, cette moyenne est toutefois légèrement inférieure.
Article rédigé par Pauline Lecouvé
France Télévisions
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Dans une classe d'école primaire, une élève lève la main pour répondre à une question de l'enseignant, le 22 juin 2023, à Saumur (Maine-et-Loire). (FREDERIC PETRY / HANS LUCAS)

Un début d'année mouvementé pour la nouvelle ministre de l'Education nationale. A peine nommée, Amélie Oudéa-Castéra s'est retrouvée au cœur d'une polémique sur la scolarisation de ses enfants dans l'établissement privé ultraconservateur Stanislas, dans le 6e arrondissement de Paris. Un choix que la ministre a défendu en dénonçant les absences de professeurs non remplacés à l'école publique et qui a ravivé le débat autour d'un supposé absentéisme des enseignants du public. Mercredi 17 janvier, et mardi lors d'une visite dans l'école publique parisienne où son fils aîné était initialement scolarisé, elle a présenté ses excuses aux enseignants qu'elle a pu "blesser" ou "heurter". Qu'en est-il en réalité de cette question de l'absentéisme des professeurs ? Franceinfo s'est penché sur la question.

Selon le rapport 2023 de la Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) sur l'état de la fonction publique (PDF), le nombre moyen de jours d'absence pour raison de santé au cours de l'année 2022 est sensiblement le même pour les enseignants et les salariés du privé. Les enseignants ont en moyenne été absents 11,6 jours en 2022, contre 11,7 jours pour les employés du secteur privé. Les enseignants sont même moins souvent absents que l'ensemble des agents de la fonction publique (14,5 jours en moyenne en 2022).

En revanche, selon le dernier Panorama statistique des personnels de l'enseignement scolaire 2022-2023, publié par la Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), il existe une différence plus marquée entre les enseignants du public et du privé. Sur l'année scolaire 2021-2022, 52% des enseignants du public ont pris au moins un congé pour raison de santé, contre 45% des enseignants du second degré du privé sous contrat. Pour ce qui est de la durée annuelle moyenne des congés pour raison de santé, elle est de 18,9 jours pour les enseignants du public, contre 15,2 dans le privé. Dans un rapport de 2021, la Cour des comptes ajoutait que les enseignants exerçant dans le réseau d'éducation prioritaire "prennent plus de congés pour raison de santé". Ils sont en moyenne absents 1,2 jour de plus par an. Or pour rappel, seul l'enseignement public est concerné par l'éducation prioritaire.

Des millions d'heures d'enseignement perdues

Le supposé, et souvent critiqué, "absentéisme" des enseignants ne semble donc pas fondé. Leurs absences sont toutefois plus visibles et plus problématiques que dans d'autres secteurs, car lorsqu'un professeur est absent devant sa classe, ce sont 20 à 30 élèves qui se retrouvent sur le carreau. Ce qui rend centrale la question de leur remplacement. En décembre 2022, Pap Ndiaye, alors ministre de l'Education, estimait dans une tribune publiée par le Monde que 15,4 millions d'heures d'enseignement avaient ainsi été perdues dans le second degré en 2020-2021 en raison de "l'incapacité du système à remplacer les professeurs absents". Interrogé par Le Monde, le ministère de l'Education précisait que ce chiffre, calculé par la DEPP, représentait 8,8% du total des heures d'enseignements dispensées. 

Dans son rapport de 2021, la Cour des comptes estime que sur l'année scolaire 2018-2019, près de 2,5 millions d'heures d'absences de courte durée des enseignants ont été enregistrées dans le second degré. Seulement "519 100 heures ont été remplacées, soit un taux de remplacement de 20,91%". Cependant, la Cour des comptes note que les deux tiers des absences des enseignants proviennent "du fonctionnement même du système éducatif" et seulement un tiers de raisons individuelles. "Certaines activités, comme la formation continue, la participation à des jurys ou l'organisation d'examens ou de concours, les réunions pédagogiques, ont lieu sur le temps scolaire et engendrent pour les élèves l'absence de leur professeur", avance la Cour des comptes. Il arrive donc fréquemment qu'un professeur soit absent devant ses élèves, sans pour autant être absent au travail.

Les absences de courte durée peu remplacées

Ces heures de cours perdues non remplacées ne sont pas le fruit d'absences à répétition de professeurs pendant des semaines, mais au contraire d'arrêts de courte durée. Ils représentent ainsi "plus de 80% des absences non couvertes", car l'imprévisibilité de ces absences courtes, et le manque de "dispositif structuré de remplacement dans le second degré" pour y faire face rendent difficile le remplacement des enseignants, pointe le rapport de la Cour des comptes. Près de la moitié des absences qui ne sont pas remplacées "ont une durée inférieure ou égale à deux jours et les trois quarts, une durée inférieure ou égale à cinq jours".

Dans le secondaire, public ou privé, la même règle s'applique. Si l'absence d'un enseignant est de moins de 15 jours, alors son remplacement est à la charge du chef d'établissement, qui doit trouver dans son équipe pédagogique des volontaires pour effectuer un remplacement. Au-delà de 15 jours d'arrêt, en revanche, c'est le rectorat qui a l'obligation de remplacer le professeur absent. Or, selon le rapport de la Cour des comptes, 4% des absences de professeurs de plus de 15 jours ne sont pas remplacées. Au total, "10% des heures de cours ont été 'perdues' lors de l'année scolaire 2018-2019", estime la Cour des comptes.

"Ce totem des 15 jours doit être abaissé", revendique Grégoire Ensel, président national de la Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE). Ce dernier estime que le vrai problème ne se situe pas du côté d'un supposé "absentéisme" des professeurs, mais plutôt du côté du manque de remplacement. "Ce que l'on dénonce surtout, c'est le non-remplacement. Les enseignants ont le droit d'être malades, d'avoir des enfants, etc.", affirme-t-il.

Un manque d'enseignants remplaçants 

Selon Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU et professeure de SES, le cœur du problème est à chercher du côté du manque d'attractivité du métier d'enseignant. "On est dans une situation de pénurie de professeurs. On manque tout simplement de remplaçants", explique-t-elle. Une analyse partagée par la Cour des comptes, qui pointe le problème de voir, dès la rentrée scolaire, des professeurs remplaçants affectés sur des postes vacants, ce qui "diminue le 'vivier' de remplaçants pour les absences en cours d'année". 

En 2023, selon les chiffres du ministère, plus de 3 100 postes d'enseignants n'ont pas été pourvus aux concours d'enseignants dans le public, sur plus de 23 800 postes ouverts. Autant de postes à combler grâce au recours aux contractuels, aux embauches hors concours ou encore aux professeurs remplaçants. Aux concours de l'enseignement privé (Cafep) en revanche, en 2023, 1 820 candidats ont été reçus pour un total de 1 965 contrats offerts, selon les données statistiques du ministère de l'Education nationale, soit un taux de 93% de postes pourvus.

Dans le public, le gouvernement mise sur le Pacte enseignant pour régler le problème des remplacements. Ce dispositif, mis en place par Pap Ndiaye, vise à mobiliser les professeurs sur des heures supplémentaires rémunérées pour remplacer des collègues absents. Mais le dispositif est vivement critiqué par les syndicats d'enseignants. "C'est un moyen de faire croire que les heures sont remplacées, mais c'est faux", estime Sophie Vénétitay. Selon cette dernière, les remplacements peuvent ainsi être assurés par des professeurs qui n'enseignent pas la même matière ou ne connaissent pas les élèves. "J'ai vu le cas d'une heure de maths remplacée par une heure de chinois, pour une classe qui ne fait pas de chinois…", rapporte-t-elle comme exemple.

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