Tenue, coût, nombre d'établissements… Ce que l'on sait sur l'expérimentation de l'uniforme à l'école
Du changement en perspective pour plusieurs milliers d'élèves français. La "tenue commune", nom privilégié par le gouvernement pour désigner l'uniforme, sera expérimentée pour les élèves dès la rentrée 2024 dans une centaine d'établissements, en vue d'une éventuelle généralisation en 2026, a précisé le président de la République, Emmanuel Macron, lors de sa conférence de presse du 16 janvier. La mesure sera même appliquée dès le retour des vacances de février pour ceux qui seront prêts.
Quels sont les établissements qui participeront à l'expérimentation ? A quoi ressemblera l'uniforme ? Qui le financera ? Franceinfo récapitule ce que l'on sait déjà de cette mesure annoncée par le gouvernement.
Une "tenue commune" pour "créer un sentiment d'appartenance"
Après l'abandon de la blouse ou de l'uniforme dans les écoles publiques françaises en 1968, Emmanuel Macron s'était dit en septembre favorable à des "expérimentations" et à une "évaluation" du retour de l'uniforme à l'école, se prononçant de son côté plutôt pour une "tenue unique", "beaucoup plus acceptable pour les adolescents" selon lui.
"Cette démarche vise en tout premier lieu à renforcer la cohésion entre élèves et à améliorer le climat scolaire."
le ministère de l'Education nationaledans un guide envoyé en décembre aux collectivités territoriales
Dans un guide envoyé en décembre aux collectivités volontaires, et consulté par franceinfo, le ministère de l'Education estime que "le port d'une tenue vestimentaire commune est susceptible de créer une atmosphère de travail et d'égalité au sein de l'établissement" puisqu'avec une tenue identique, "les différences sociales se réduisent, [ce qui] permet de lutter contre le règne de l'apparence, trop souvent source de souffrances d'enfants et de familles". Cette tenue serait aussi "un moyen de valoriser l'image de l'école et de l'établissement en créant un sentiment d'appartenance et d'unité entre les élèves".
Une centaine d'établissements volontaires
Emmanuel Macron a publié, mardi 16 janvier, sur son compte X (ex-Twitter), une carte des 100 écoles, collèges et lycées qui expérimenteront dès cette année la "tenue commune". Franceinfo a par ailleurs pu consulter la liste des établissements et communes volontaires pour mettre en place le dispositif.
Sur la centaine d'établissements envisagés, une soixantaine est déjà clairement identifiée : il s'agit de 39 écoles, 11 collèges et 10 lycées. Le service de presse de l'Elysée précise que les autres sont en cours d'identification dans les communes qui se sont portées candidates. Parmi les collectivités volontaires, un peu partout en France, on note les villes de Tourcoing, Reims ou Nice, les départements de l'Allier, des Alpes-Maritimes ou de La Réunion, mais aussi la région Auvergne-Rhône-Alpes. Aucun établissement n'est candidat à Paris.
Un modèle de tenue qui pourra être adapté
Le gouvernement va proposer aux collectivités qui participent à l'expérimentation une tenue clé en main dévoilée par Le Figaro vendredi, et confirmée à franceinfo samedi de source gouvernementale.
Cette "tenue commune" sera composée d'un polo blanc ou gris, d'un pull bleu marine et d'un pantalon gris anthracite. Les élèves de maternelle se verront quant à eux attribuer une blouse. Un scratch sur cette tenue devrait aussi permettre à la collectivité d'y apposer son logo, en finançant une partie du coût. Le choix final du modèle de l'uniforme sera néanmoins laissé à l'appréciation des collectivités locales, à condition de remplir le cahier des charges du ministère de l'Education. La rue de Grenelle précise notamment qu'il faut "l'adapter aux spécificités météorologiques de certains territoires, à la nature des activités proposées et, le cas échéant, aux formations suivies". Dans tous les cas, la tenue devra "respecter les principes de neutralité et de laïcité".
"Les chaussures ne font pas partie du trousseau" car "elles présentent un coût qui pourrait excéder" le budget de 200 euros par élève alloué à l'expérimentation "ainsi que des difficultés sur le plan logistique", car elles peuvent "être changées plusieurs fois dans l'année", précise le ministère de l'Education nationale à franceinfo. La tenue de sport ne fait pas non plus partie de l'expérimentation.
Parmi les dirigeants de collectivités volontaires, le président (LR) de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, a déjà dévoilé en partie sur X la tenue qui a été choisie : un polo bleu marine, avec le logo de la région, celui de l'établissement et un drapeau tricolore.
Afin de ne pas faire peser le coût du trousseau aux familles, ce dernier sera financé par les collectivités, qui pourront bénéficier d'une aide de l'Etat allant jusqu'à 50% de ce coût.
Un déploiement entre février et septembre 2024
Dans le guide envoyé aux collectivités, le ministère prévoit "une phase de dialogue au sein de l'école et de l'établissement" permettant notamment une modification du règlement intérieur pour prévoir le port de l'uniforme, jusqu'à fin mars. Ensuite, le gouvernement laisse un nouveau trimestre aux établissements pour passer commande des tenues, pour un début d'expérimentation en septembre 2024. Certains établissements, prêts plus rapidement que ce que prévoit le calendrier initial, comme à Béziers (Hérault), Puteaux (Hauts-de-Seine) ou Metz (Moselle), pourront néanmoins commencer l'expérimentation dès le retour des vacances de février, à condition que la mesure soit acceptée en conseil d'école.
Une évaluation par le ministère
Une évaluation de la mesure sera faite avant son éventuelle généralisation à l'ensemble du territoire, a promis Emmanuel Macron. Les indicateurs retenus auront trait au bien-être des élèves, à la qualité du climat scolaire (absentéisme, nombre de faits graves survenus dans les établissements, violences physiques et verbales, perception du climat scolaire, etc.) et à la réussite scolaire (notes, résultats aux évaluations et examens, etc.), précise le document envoyé aux collectivités.
Seront également évalués "l'impact de la tenue commune sur la réduction des inégalités sociales dans la réussite scolaire", "l'impact socio-économique d'une tenue commune sur les familles" et "l'impact de la tenue commune sur les interactions entre les acteurs de l’école", détaille à franceinfo le ministère de l'Education.
L'avis des acteurs concernés (élèves, parents d’élèves, personnel de l'établissement, collectivités participant à l'expérimentation) sera pris en compte. Par ailleurs, "le ministère procédera à un appel à manifestation d’intérêt auprès des chercheurs des disciplines de sciences humaines et sociales", détaille le guide.
Une mesure qui ne fait pas l'unanimité
Accueilli diversement par les élèves, leurs familles et l'encadrement scolaire, l'uniforme convainc néanmoins une majorité de Français : selon un sondage YouGov mené pour Le HuffPost début octobre, 68% des personnes interrogées se prononcent pour le port d'une tenue unique. Si la droite et l'extrême droite ont accueilli favorablement cette mesure, ce n'est pas le cas de l'opposition de gauche. "Masquer les inégalités, en pratique, est-ce que ça annule les inégalités ? Non", tranche le maire de Grenoble, Eric Piolle (EELV). "Ça ne supprime rien en termes de tensions."
L'uniforme "supprime les pires aspects visibles de l'inéquité socio-économique, mais n'élimine jamais celle-ci", assure aussi à franceinfo Johanna Reidy, chercheuse en santé publique à l'université néo-zélandaise d'Otago. "Il n'existe aucune étude qui démontre un lien entre uniforme et réduction des inégalités sociales", rappelle Michel Tondellier, enseignant-chercheur en sciences de l'éducation au Laboratoire caribéen de sciences sociales de l'université des Antilles. Une étude américaine de l'université d'Etat de l'Ohio, publiée en 2022, suggère même que l'uniforme n'a pas ou peu d'impact global sur le comportement des élèves, leur assiduité, pas plus qu'il n'en a sur l'anxiété, le repli sur soi, la violence ou le sentiment d'appartenance.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.