Storytelling, balises HTML et élèves retraités : bienvenue à la Codecademy française
La version française du site de référence pour apprendre la programmation informatique a été lancée officiellement samedi à Montreuil, en présence de son fondateur Zach Sims.
La salle principale de la bibliothèque Robert-Desnos de Montreuil (Seine-Saint-Denis) n'avait sans doute pas connu un tel ballet de responsables politiques depuis longtemps. Maire de la ville, député de la circonscription, secrétaire d’Etat chargée du Numérique... Tous se sont pressés, samedi 24 mai, pour louer l'ingéniosité d'un Américain de 24 ans, Zach Sims, venu présenter la version française de Codecademy.
Créé en 2011, ce site internet est devenu une référence chez ceux qui souhaitent se former à la programmation informatique. Devant une audience attentive, Zach Sims raconte la naissance de son bébé avec un sens du storytelling qui évoque les aventures d'Apple ou de Facebook.
Une méthode "dont le monde avait besoin"…
"Quand j’ai voulu apprendre le code à l’université de Columbia, à New York, le professeur nous a très vite découragés en nous expliquant à quel point la matière était complexe, explique le jeune homme. Qu’une compétence aussi recherchée sur le marché du travail soit aussi difficile à apprendre me paraissait invraisemblable. J'ai donc décidé d’abandonner les études pour créer la méthode éducative dont le monde avait besoin, pas celle qu’il proposait déjà."
Le succès du site, qui propose gratuitement des exercices à la difficulté progressive créés par les utilisateurs, est immédiat. A l'été 2012, Codecademy lance un partenariat avec la Maison Blanche afin de permettre aux jeunes Américains en difficulté de se former aux langages HTML, PHP, Ruby et autres CSS. "Aujourd’hui, 70% de nos 24 millions de visiteurs mensuels sont basés hors des Etats-Unis, et nous avons inauguré cette semaine nos locaux à Londres", détaille Zach Sims, qui conclut sur son impatience de voir les francophones essayer sa méthode fondée sur le "learn by doing" (apprendre en faisant).
… pas toujours simple à appliquer pour les testeurs
Cela tombe bien : sitôt la présentation achevée, l’ONG Bibliothèques sans frontières, qui s’est chargée de la traduction du site, propose au public de se frotter à la version française de Codecademy sur une quinzaine d’ordinateurs disposés dans la salle. Anne, sexagénaire venue "par curiosité", a choisi de s’initier au langage Javascript. Le site lui propose de taper quelques lignes de code pour animer les lettres de son prénom… qui ne s’affiche pas à l’écran.
"Je croyais avoir bien suivi les instructions, pourtant !", soupire la documentaliste à la retraite, avant d’appeler à son secours Théo, un jeune formateur reconnaissable grâce à son badge. Ce bénévole, membre du programme "Les voyageurs du code" lancé dans toute la France par Bibliothèques sans frontières pour sensibiliser les novices à cette pratique, piétine quelques instants avant de résoudre le problème en recommençant l’exercice sur un autre navigateur internet. Entre-temps, Anne s'est un peu découragée. "En tant que retraitée, je n'ai pas vraiment besoin d'apprendre le code. Je suis curieuse, mais de beaucoup de choses à la fois", sourit-elle.
Pour Camille et Marie, deux sœurs âgées de 25 et 20 ans qui s’affairent à deux pas de l’ordinateur d’Anne, l’expérience est plus heureuse. "On a commencé avec un exercice de code HTML, pour créer des pages web", explique la première, qui réussit "du premier coup" à écrire une ligne de code pour donner un titre à son document. La deuxième tente d’y ajouter un paragraphe, mais Codecademy signale une erreur. "Je crois que j’ai mis un espace en trop entre le slash et le 'p'", remarque-t-elle. Une rapide correction, et l’exercice est bouclé. "Il ne faut surtout pas nous prendre en exemple, on n’avait pas bien lu les consignes !", s’esclaffe Camille, qui juge le site "très clair, même pour [elle] qui n['est] pas du tout geek". Pas de quoi toutefois motiver les deux sœurs à s'investir davantage dans la discipline, dont elle n'ont pas "l'utilité au quotidien".
"A mon époque, il n’y avait pas de site pour m'aider !"
Geek, Samuel l’est "un peu". Installé sur une table voisine, ce contrôleur de gestion de 50 ans qui se trouvait par hasard à la bibliothèque lors de l’évènement semble convaincu par Codecademy. "J’essaye de faire un peu de Javascript. Ça me rappelle le langage Basic, que j’utilisais au début des années 1990. Mais à l’époque, il n’y avait pas de site internet pour m’aider, mon ordinateur n’était connecté à rien du tout !", sourit-il. En passant la main dans ses cheveux grisonnants, il tient à prouver qu'il en connaît déjà un rayon. "En changeant ce chiffre, le texte devrait devenir vert… Et si je supprime ces deux lignes-là, il ne devrait plus être animé… C’est un truc de débutant, en fait !", continue-t-il, avant de promettre de se frotter aux exercices plus poussés depuis son domicile.
Le plus appliqué de la bibliothèque s’appelle Oussama. Il faut dire que cet étudiant en BTS informatique de 21 ans n’est pas un novice. "J’ai déjà appris le code HTML et le C++ sur un autre site, OpenClassrooms, mais les cours étaient plus classiques", raconte cet habitant de Montreuil, venu découvrir Codecademy après avoir entendu parler de l’évènement dans la presse.
"Là, j’essaie le Javascript : on a les consignes à gauche, les lignes de code au centre, et on peut voir directement le résultat de ce que l’on écrit dans une fenêtre à droite, c’est vraiment pratique !", juge le jeune homme sous le regard de sa petite amie. S’il loue les avantages de ces autoformations, il regrette que la programmation informatique ne soit pas encore enseignée dans les écoles. Il n’est pas le seul : selon un sondage BVA-Syntec Numérique publié mardi par 20 Minutes, 87% des Français jugent essentiel d'intégrer cet apprentissage dans la scolarité. Avant une éventuelle réforme, les plus motivés pourront se rabattre sur Codecademy à domicile. Un environnement sans doute plus propice aux progrès que la bibliothèque de Montreuil un jour de lancement officiel.
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