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Prestance, éloquence, accent… Un document de formation au grand oral, la nouvelle épreuve du baccalauréat, inquiète des enseignants

A l'issue d'une formation dans l'académie de Bordeaux, un professeur de philosophie a publié sur Twitter une grille d'évaluation qui suscite de nombreuses interrogations de la part des enseignants. Même si le rectorat la présente comme un document de travail, ils craignent que le grand oral ne favorise les élèves issus de milieu aisé.

Article rédigé par franceinfo - Florence Morel
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Temps de lecture : 5min
Une pancarte indique que des épreuves du baccalauréat sont en cours au lycée Maurice-Ravel, à Paris, en juin 2018. (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

Un document et beaucoup d'interrogations. Mercredi 2 décembre, un professeur de philosophie a publié sur Twitter une grille d'évaluation du grand oral, une des nouvelles épreuves du baccalauréat, assortie du texte suivant : "Comment Jean-Michel Blanquer demande officiellement aux enseignants d'évaluer les candidats sur leur timbre de voix, leur accent, leur empathie, leur humour, leur hygiène, leur sourire, leur déhanché ou le caractère 'provocant' de leur tenue."

Sur les documents publiés, des tonalités de voix – "perçante", "nasillarde", "éraillée", "forcée"… –, des accents ou encore des postures sont considérés comme des "traits négatifs". De quoi susciter la crainte de certains enseignants. Un peu plus tard dans le fil de discussion, le professeur précise que la grille mentionnée "ne sera pas la grille nationale du jour de l'épreuve. Mais c'est bien une ressource proposée par l'EN [Education nationale] pour se donner une idée des attendus." Alors, qu'en est-il vraiment ?

Un document "sorti de son contexte", selon le rectorat

Ce document a été proposé par l'académie de Bordeaux aux professeurs qui suivaient une formation concernant le grand oral. Cette nouvelle épreuve vise à évaluer les élèves durant un oral de 20 minutes. Les cinq premières minutes permettent au candidat de développer une réponse à une question donnée. Les dix suivantes sont consacrées aux questions des évaluateurs et les cinq dernières au projet d'orientation du futur bachelier. Tout est détaillé dans cette foire aux questions sur le site du ministère de l'Education nationale.

Le document publié sur Twitter par le professeur de philosophie est cité dans un ouvrage québécois, La didactique du français oral au Québec, de Ginette Plessis-Bélair, Lizanne Lafontaine et Réal Bergeron, paru en 2007. Contacté par franceinfo, le rectorat de Bordeaux précise que le "document est sorti de son contexte". "Il n'a qu'une visée illustrative, de manière à engager une réflexion sur la pertinence ou non d'évaluer certains paramètres et leur caractère subjectif", explique Pierre Lacueille, délégué académique à la formation des personnels à l'Education nationale. En d'autres termes, la grille présentée serait un comparatif avec les méthodes appliquées ailleurs, en l'occurrence au Québec.

"Ce n'est en aucun cas un document public, il n'est pas distribué aux élèves. C'est un document de formation qui a pour but de faire réfléchir et de faire réagir", poursuit Pierre Lacueille. Contacté par franceinfo, le professeur de philosophie dément : "Cela n'était aucunement présenté comme un document servant à présenter ce qui se faisait à l'étranger. Ni dans le module de formation, ni au cours de la visioconférence, jamais ce document n'a été présenté en ces termes."

Une épreuve très critiquée 

La grille officielle proposée, quant à elle, est disponible sur le site du ministère de l'Education nationale. Parmi les critères jugés très satisfaisants, on trouve "la voix [qui] soutient efficacement le discours", des "qualités prosodiques marquées (débit, fluidité, variations et nuances pertinentes, etc.)" ou encore l'utilisation d'"un vocabulaire riche et précis". Les connaissances et les réponses aux questions du jury sont également évaluées.

"En gros, on leur demande de passer un entretien d'embauche."

Christophe Girardin, représentant du Snes-FSU dans la Marne

à franceinfo

Autant d'éléments qui inquiètent certains enseignants. Ils redoutent que l'épreuve ne se concentre sur des critères subjectifs. Plus que la grille d'évaluation, c'est l'épreuve même du grand oral qui soulève de nombreuses interrogations. "Cette épreuve relève plus de la performance, où l'élève doit être debout, sans notes, sans support", explique Claire Krepper, secrétaire nationale de l'Unsa Education, qui suit le comité de suivi de la réforme du bac. "Il ne faudrait pas que cela se transforme en une évaluation des compétences acquises dans le milieu social." "L'essentiel de mon travail, c'est d'aider un élève à construire son argumentation, ses connaissances. Pas sa manière de se tenir ou de parler", poursuit Christophe Girardin, professeur d'histoire-géographie et représentant du Snes-FSU dans la Marne.

Interrogé, le rectorat de Bordeaux reconnaît "qu'il existe des biais sociaux qui font que les élèves ne s'expriment pas tous avec la même aisance à l'oral. C'est l'objectif de notre école républicaine de mieux former nos élèves sur ce point." De son côté, Claire Krepper se montre sceptique. Elle assure avoir déjà "formulé ces interrogations l'an dernier" sans qu'elles aient été entendues. "La seule chose que l'on puisse escompter, conclut-elle, c'est que les collègues prennent en compte le contexte sanitaire dans leur évaluation."

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