"Certains en auront, d'autres pas" : pourquoi des élèves de seconde risquent d'être privés de cours sur la sexualité
En pleine mise en œuvre de la réforme du lycée, le gouvernement reconnaît avoir négligé la continuité de certains enseignements, notamment en sciences de la vie et de la Terre.
Oups ! Le ministère de l'Education nationale a reconnu, jeudi 7 mars, dans un document interne (PDF) consulté par franceinfo, que la réforme du bac avait engendré des "discontinuités" dans les programmes destinés aux élèves actuellement en classe de seconde générale et technologique. Cette note, révélée par le site spécialisé LeCaféPédagogique.net, souligne le risque de voir des centaines de milliers de jeunes privés de cours de "procréation et sexualité humaine" en sciences de la vie et de la Terre (SVT).
D'où vient ce bug ? A l'heure actuelle, ces questions sont abordées en classe de première. Dès la rentrée prochaine, elles devront l'être au cours de la première année de lycée. Résultat : les élèves actuellement en seconde arriveront en première, l'an prochain, sans avoir suivi cet enseignement en seconde et sans l'avoir au programme des mois à venir.
Pour éviter d'en arriver là, le ministère de l'Education nationale "recommande" aux enseignants de limiter la casse. "Il apparaît opportun de traiter certaines parties du nouveau programme de seconde par anticipation", écrit-il. Sans dresser de liste exhaustive des "discontinuités", le document alerte "tout particulièrement" sur les questions de sexualité en SVT et de "signaux et capteurs" en physique-chimie.
"C'est vraiment du bricolage"
Interrogée par franceinfo, la secrétaire générale adjointe du syndicat Snes-FSU, Valérie Sipahimalani, décrit "une génération de seconde sacrifiée", avec "des trous dans la raquette en SVT, en physique, mais aussi une hécatombe en maths".
Cela fait depuis octobre qu'on alerte le ministère. Il leur a fallu cinq mois pour réagir et décider n'importe quoi.
Valérie Sipahimalanià franceinfo
Cette enseignante de SVT au lycée Jules-Ferry à Paris aurait préféré une autre solution. "En première, les élèves auront une douzaine d'heures consacrées à des projets, décrit-elle. Ce temps-là aurait pu servir, l'année prochaine, à évoquer les thèmes en question." Le ministère a rejeté cette proposition et a préféré demander aux enseignants, à trois mois du gong, de chambouler l'organisation de leurs cours.
"C'est vraiment du bricolage, cela montre que cette réforme n'a pas du tout été anticipée", déplore Valérie Degoy, professeure de SVT au lycée Corneille de Rouen (Seine-Maritime). Cette membre du syndicat Snes-FSU relève que "cette injonction n'a pas de valeur légale" et que les enseignants restent, dans le même temps, tenus de suivre les programmes définis par le bulletin officiel de l'Education nationale. Elle envisage donc d'ignorer la note et de parler, comme prévu, du fonctionnement du corps humain, avec des enjeux en matière d'alimentation et de santé.
"Je vais devoir bâcler"
Prof de SVT au lycée Condorcet de Montreuil (Seine-Saint-Denis), Julien Barthes sera moins radical. Tout en rappelant qu'il est "déjà compliqué de terminer le programme avec l'heure et demie hebdomadaire dédiée aux SVT en seconde", ce membre du syndicat Sud Education se prépare à "devoir bâcler le thème qu'il me restait à couvrir et le thème de la sexualité".
Mardi, Julien Barthes a reçu, comme ses collègues, des précisions de son inspection académique. Les consignes sont claires : la partie "procréation et sexualité humaine" doit être traitée "sans supprimer une partie du programme actuel" mais en "consacrant moins de temps à des parties actuelles". Pour gagner du temps, les enseignants peuvent se contenter de "remobiliser" les connaissances du collège en matière de sexualité.
Dans d'autres académies, les consignes sont moins précises, laissant davantage de marge de manœuvre à chacun. "Au final, certains élèves auront des cours sur la sexualité, d'autres pas, prédit Valérie Sipahimalani, secrétaire générale adjointe du Snes-FSU. Le ministère, en ne publiant aucun texte réglementaire, se contente de faire peser la responsabilité sur les profs, qui se retrouvent dans une situation compliquée." Contacté par franceinfo, le ministère de l'Education nationale n'a pas encore donné suite à notre demande.
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