Pourquoi le remplacement des professeurs des écoles absents pose problème
Les écoles primaires ont enregistré plus de 600 000 journées d'absence d'instituteurs non remplacées en 2012-2013. Mais difficile pour l'Education nationale de résoudre ce casse-tête.
"L'Education nationale enregistre plus de 600 000 journées d'absence non remplacées de professeurs des écoles", affirme Le Parisien du vendredi 3 octobre. Durant l'année scolaire 2012-2013, il y a eu "659 293 journées d'absence" non remplacées de professeurs des écoles, ce qui correspond à "un taux de remplacement [des enseignants] de 87,96%".
Un chiffre impressionnant, qui cache de vraies disparités régionales et un problème de fond : celui du recrutement. Explications.
De nombreux postes ont été supprimés
Les chiffres du Parisien proviennent d'un "document confidentiel de la Direction générale de l'enseignement scolaire". Ils ont été confirmés vendredi, lors d'un point de presse improvisé, par Florence Robine, directrice générale de l'enseignement scolaire au ministère de l'Education nationale.
Oui, a-t-elle dit, il y a bien 600 000 jours d'absence non remplacés dans l'enseignement primaire. Mais elle a relativisé avec deux arguments : il ne s'agit que de l'année 2012-2013 et cela ne représente, en moyenne, que deux jours par an et par enseignant.
Florence Robine a aussi rappelé le contexte. Entre 2007 et 2012, sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, qui a supprimé 80 000 postes dans l'enseignement, 2 000 postes de remplaçants ont été supprimés dans le primaire. Et 630 postes ont encore été supprimés lors de l'année 2012-2013, avant la création, pour l'année 2013-2014, de 400 postes de remplaçants dans le primaire. Des chiffres repris par Sébastien Sihr, du syndicat Snuipp, dans Le Parisien : "Il nous manque toujours 2 000 remplaçants. Le vivier n'est pas reconstitué."
Certaines académies sont victimes de leur boom démographique
Quelles sont les académies les plus touchées, selon Le Parisien ? La Corse décroche la palme avec 20,5 journées d'absence par enseignant, devant Aix-Marseille (19,5) et Grenoble (19). A l'inverse, quatre académies en métropole enregistrent moins de 15 journées d'absence par professeur des écoles : Reims (14), Orléans-Tours (14,2), Poitiers (14,3) et Paris (14,8).
Parmi les facteurs qui jouent, cités par Le Parisien : le boom démographique. "Les académies affichant une forte croissance démographique, comme Créteil, Lyon ou Aix-Marseille n'ont eu d'autre choix que de couper dans les effectifs des remplaçants."
Ce qui est vrai à l'échelle d'une académie devient plus criant encore lorsque l'on observe la situation dans un département comme celui de la Seine-Saint-Denis. "Le plus jeune de la petite couronne parisienne, avec 29 % de moins de 20 ans", comme le proclame fièrement le conseil général, manque dramatiquement d'enseignants dans le primaire. A tel point que Pôle emploi est contraint au démarchage téléphonique pour dénicher des remplaçants.
Car l'atout de la jeunesse vire au handicap si on y ajoute des conditions socio-économiques souvent défavorables, qui n'attirent pas franchement les vocations. "Aujourd'hui, on n'arrive plus à trouver d'enseignant en maternelle et en primaire, tempête Rodrigo Arenas, président de la FCPE (une des principales fédérations de parents d'élèves, classée à gauche) de Seine-Saint-Denis. Et quand un instituteur est absent, il n'est pas remplacé".
Certains départements font peur aux enseignants
Il faudra surtout trouver des enseignants remplaçants, et ce n'est pas gagné partout. Lors de son point de presse, Florence Robine a confirmé qu'on avait "moins de mal à remplacer à Poitiers qu'en Seine-Saint-Denis". Car le problème n'est pas tant celui de l'absentéisme, qui est dans la moyenne de la fonction publique d'Etat, selon Le Parisien (7,3% de taux d'absence), que celui du recrutement, "avec une couverture non uniforme des académies, même si les territoires font des efforts en termes de logement et d'installation" pour les enseignants.
La colère de Rodrigo Arenas tranche avec le langage policé du ministère. Il souligne que le problème est dramatique en Seine-Saint-Denis où, faute d'enseignants, "des enfants accumulent les retards dès la petite enfance." "On essuie les plâtres ! Les parents font face comme ils peuvent, achètent des manuels de leur côté, ou offrent des cours particuliers à leurs enfants s'ils en ont les moyens. On accentue encore les inégalités scolaires."
Mais il espère que cette pénurie va préluder à des changements radicaux. Il précise sa pensée : "Aujourd'hui, il faut changer le système du recrutement. Il faut peut-être recruter en Seine-Saint-Denis même, parmi les jeunes ou les cadres au chômage qui ont le niveau requis parce qu'ils connaissent mieux les difficultés du terrain et l'environnement des élèves, et essayer de créer des vocations."
En attendant, l'Education nationale va parfois vite en besogne. Comme en témoigne cette embauche à la va-vite d'un journaliste qui s'est fait passer pour un candidat à un poste d'enseignant de mathématiques, en collège.
Et les parents dans tout ça ? Que peuvent-ils faire si l'instituteur de leur enfant n'est pas remplacé ? Concrètement, pas grand-chose. Ils doivent néanmoins savoir, rappelle le président national de la FCPE, Paul Raoult, joint par francetv info, que l'école "est tenue d'accueillir les élèves". Même si l'établissement dissuade parfois pères et mères de les laisser ces jours-là, parce qu'ils "seront accueillis dans de mauvaises conditions", dans des classes surchargées et qui ne correspondent pas forcément à leur niveau.
Et sinon ? "Nous n'avons aucun moyen, répond-il. Nous ne sommes pas dans la cogestion. Mais si un parent se sent lésé, il peut porter plainte, c'est un droit opposable."
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