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Parcoursup : à l'étranger, comment sont sélectionnés les étudiants qui entrent dans l'enseignement supérieur ?

La plateforme Parcoursup a rendu son verdict sur l'affectation des bacheliers. Alors que ce dispositif est très critiqué, franceinfo s'est penché sur la façon dont procèdent trois pays européens, ainsi que les Etats-Unis.

Article rédigé par Rachel Rodrigues
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
A la différence des étudiants français qui sont confrontés à Parcoursup, à l'étranger, ceux qui prétendent entrer à l'université font l'objet d'une présélection précoce, sont soumis à un contrôle continu poussé, ou s'insèrent dans un système d'universités privées.  (JEREMIE LUCIANI / FRANCEINFO)

Opacité, incohérences, manque de places et listes d'attente interminables… Depuis son apparition dans le système français il y a quatre ans, la plateforme d'admission Parcoursup est devenue le symbole d'un enseignement supérieur saturé. Chaque année, de nombreux syndicats dénoncent les failles du dispositif et tentent d'accompagner les étudiants déçus. Pendant la campagne présidentielle, Jean-Luc Mélenchon avait d'ailleurs proposé de mettre fin à Parcoursup. 

Au terme de la phase principale d'admission de la plateforme, qui s'est achevée vendredi 15 juillet, près de 94 000 candidats se retrouvent sans affectation (dont près de 60 000 bacheliers), révèle le ministère de l'Enseignement supérieur. Les quelque milliers d'autres regroupent des étudiants en réorientation et des candidats scolarisés à l'étranger. Si une phase complémentaire d'admission court encore jusqu'au 16 septembre, l'heure est à l'inquiétude pour ces jeunes sur le carreau. 

La France est-elle la seule à rencontrer ces défis logistiques ? Alors que la plateforme lancée en 2018 par les anciens ministres Jean-Michel Blanquer et Frédérique Vidal peine à convaincre, franceinfo se penche sur la façon dont les autres pays s'organisent pour sélectionner leurs étudiants à l'entrée dans l'enseignement supérieur. 

Au Royaume-Uni, une privatisation de l'université

Parcoursup n'est pas la seule plateforme à régir l'entrée des étudiants dans l'enseignement supérieur. Outre-Manche, son aînée, UCAS, pour University and colleges access service (site en anglais), a déjà fait ses preuves depuis son apparition en 1992. Parcoursup s'est d'ailleurs inspiré de ce modèle. La plateforme permet aux jeunes inscrits de formuler plusieurs vœux – cinq maximum contre dix en France – pour les établissements de leur choix. Les universités effectuent ensuite directement leur sélection : elles peuvent accepter un étudiant, le refuser ou lui faire une offre conditionnelle. Pas de liste d'attente, donc. En revanche, à l'instar de la phase complémentaire de Parcoursup, proposée chaque année aux étudiants sans affectation, UCAS dispose d'une phase de clearing durant laquelle les établissements font part des places qui leur restent.

A la différence de Parcoursup, qui doit composer avec un système saturé et des licences qui débordent de demandes, le Royaume-Uni n'a pas de "problème réel de places", explique Annabelle Allouch, maîtresse de conférence en sociologie à l'université de Picardie. Les universités britanniques disposent de davantage d'autonomie vis-à-vis de l'Etat que leurs homologues françaises. "Les établissements peuvent donc ouvrir ou fermer des places plus facilement, selon le niveau de demandes", précise la chercheuse. Cette organisation autorise davantage de souplesse pour créer des places, mais repose en contrepartie sur une plus grande précarité des enseignants-chercheurs : "Pour garantir cette offre, les établissements vont avoir recours à davantage de doctorants ou de vacataires, qu'on ne va pas titulariser." Enfin, du côté des étudiants, une capacité financière suffisante pour se payer des études est un critère décisif. 

"Ces dernières années, une politique d'augmentation des frais d'inscription à l'université s'est progressivement mise en place."

Annabelle Allouch, maîtresse de conférence en sociologie

à franceinfo

En 2010, les députés britanniques se sont prononcés en faveur d'un projet de loi sur l'augmentation des frais universitaires impulsé par David Cameron, Premier ministre à l'époque. Résultat : depuis 2012, les universités britanniques ont la possibilité de fixer leurs frais d'inscription à hauteur de 9 000 livres sterling par an maximum. "Cela a créé un système de dettes extrêmement important" pour les étudiants, note la chercheuse.

Alors qu'en France, l'enseignement supérieur demeure un service public, "au Royaume-Uni, on considère que le diplôme n'est pas d'intérêt général mais d'utilité privée", conclut-elle. 

En Allemagne, une présélection très précoce

De l'autre côté du Rhin, tous les élèves ne suivent pas d'études supérieures. Loin de la configuration française où le baccalauréat est obtenu chaque année par plus de 90% des élèves de terminale, de nombreux Allemands ne passent même pas l'examen final du secondaire, baptisé l'Abitur. 

De fait, en considérant que l'école n'est obligatoire qu'à partir de 6 ans en Allemagne, une première sélection s'opère pour les élèves après seulement quatre années d'école commune. Alors âgés de 10 ans, les enfants sont dirigés vers trois branches, selon leurs compétences. Les deux premières ouvrent la voie à des cours professionnalisants "qui entendent stimuler des aptitudes plus techniques par le biais d'apprentissages par exemple", explique à franceinfo Kilian Quenstedt, conseiller d'études à l'Office allemand d'échanges universitaires (DAAD). Après dix ans d'études dans ces cours professionnalisants, "lorsque les élèves ont autour de 16 ans", ils sortent du circuit scolaire et commencent à travailler.

Seule la troisième branche, le Gymnasium en allemand, permet d'accéder à l'Abitur, point d'orgue de treize années d'études. Ainsi, en 2020, seuls 48,6% des élèves entrés en même temps dans le système scolaire treize ans plus tôt ont passé et obtenu l'Abitur, selon les données fournies par l'Institut statistique allemand

"En Allemagne, ne pas avoir le baccalauréat n'est pas synonyme d'échec comme cela peut être le cas en France."

Kilian Quenstedt, conseiller d'études à l'Office allemand d'échanges universitaires

à franceinfo

Après obtention de l'examen, celui-ci devient le critère d'entrée pour accéder à de nombreuses formations d'enseignement supérieur. "Beaucoup de cursus en licence n'imposent aucun critère de sélection supplémentaire", poursuit le conseiller d'études. 

Une sélection plus spécifique demeure néanmoins pour quatre filières scientifiques en tension : médecine, dentiste, vétérinaire et pharmacie. Comme en France, elles sont soumises à des numerus clausus et les élèves doivent également passer par une plateforme spécifique pour s'y porter candidat.  

En Suède, contrôle continu et deuxième chance

Contrairement au modèle français, il n'y a pas, en Suède, d'examen final généralisé pour l'ensemble des lycéens à l'issue du secondaire. La majeure partie des candidats à l'enseignement supérieur sont sélectionnés sur dossier, à partir des notes obtenues pendant leurs années au lycée. "Le contrôle continu est donc très important", explique Gaële Goastellec, sociologue de l'éducation à l'université de Lausanne (Suisse). 

Mais le parcours ne s'arrête pas forcément là pour les élèves qui n'auraient pas été admis grâce à leurs notes. Un examen spécifique permet aussi d'accéder à l'enseignement supérieur. "C'est un peu comme une seconde chance", explique Christopher Robin Karlsson, chargé de mission universitaire à l'Institut français de Suède. Cet examen se présente sous la forme de QCM évaluant le niveau en suédois, en anglais et en mathématiques. 

"En France, on valorise la précocité, le fait de faire des études tôt. Etre en avance est même un critère d'excellence. Dans les pays du Nord, comme en Suède, il n'existe pas de telle linéarité des études."

Gaële Goastellec, sociologue de l'éducation

à franceinfo

Dans ce pays de 10 millions d'habitants, la question des places dans les cursus est moindre qu'en France "car les enjeux démographiques ne sont pas les mêmes", rapporte Gaële Goastellec. La pression du diplôme y est aussi moins forte qu'en France et beaucoup de lycéens suédois choisissent de prendre une année sabbatique à la fin du lycée "pour voyager" ou décident "de travailler plusieurs années avant de reprendre leurs études", observe Christopher Robin Karlsson. Ainsi, il est courant de passer l'examen spécifique d'entrée dans le supérieur "plus tard" et même de concilier certaines formations avec son travail ou sa vie de famille. 

Aux Etats-Unis, un parcours individuel scruté

De son côté, le système américain dispose bel et bien d'un examen de fin d'enseignement secondaire. Mais celui-ci n'est pas totalement comparable au baccalauréat français. Si, en principe, l'entrée dans l'enseignement supérieur aux Etats-Unis est conditionnée à l'obtention d'un High school diploma, dans les faits, la plupart des établissements se fondent plutôt sur les résultats obtenus aux SAT (Scholastic Assessment Test) ou ACT (American college testing). Ces tests reconnus par l'ensemble des universités se présentent sous la forme de QCM et évaluent les compétences des élèves en anglais et en mathématiques.

"Un double filtre s'opère. Les établissements vont à la fois prendre en compte les notes de l'élève et le parcours qu'il aura eu pour en arriver à de tels résultats."

Gaële Goastellec, sociologue de l'éducation

à franceinfo

Au-delà du frein financier qui endette chaque année des milliers d'étudiants, la politique d'admission dépend de chaque université. Dans les années 1990, l'abandon des politiques d'affirmative action – mesures de discrimination positive consistant à favoriser les minorités ethniques – a poussé à l'adoption de procédures de sélection qui prennent en compte le parcours de l'élève dans sa globalité. Concrètement, cela se traduit par l'ajout dans les dossiers de lettres de recommandation, de dissertations mais aussi d'informations sur l'origine sociale de l'élève ou son origine ethnique. Une tendance qui, selon Gaële Goastellec, essaime dans de nombreux pays, comme le Royaume-Uni, la Chine, le Japon et la France. 

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