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Bac 2021 : face aux incertitudes de la fin d'année scolaire, les lycéens naviguent entre dépit et inquiétude

Article rédigé par franceinfo
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Publié Mis à jour
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Une élève s'apprête à suivre un cours en visioconférence sur son ordinateur portable, le 19 novembre 2020 à Paris.  (JEANNE FOURNEAU / HANS LUCAS / AFP)

Après l'annulation des épreuves de spécialité du bac, qui devaient avoir lieu en mars, Jean-Michel Blanquer conserve "l'objectif de maintenir" les épreuves finales du grand oral et de la philosophie. Les élèves sont partagés à l'approche de ces échéances. 

La crise sanitaire du Covid-19 affecte, pour la deuxième année consécutive, l'organisation du baccalauréat. Depuis novembre, et le retour des cours à distance dans les lycées, les élèves de terminale ont dû faire preuve d'une grande capacité d'adaptation pour prendre le pli de l'enseignement en ligne, des cours en demi-groupes et de l'école une semaine sur deux à la maison.

Malgré la fermeture des écoles, collèges et lycées pendant trois ou quatre semaines, le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer, a assuré sur RTL, jeudi 1er avril, qu'il souhaitait maintenir le grand oral et l'épreuve de philosophie du bac, les seuls examens finaux encore programmés pour les bacs généraux cette année. Dans ce contexte, et face à de nouvelles incertitudes pour les échéances de fin de cycle, les lycéens que nous avons interrogés gardent la tête froide, mais certains avouent qu'ils ont des difficultés à garder leur motivation. 

"La concentration est beaucoup plus compliquée via un écran"

"L'année dernière, quand le premier confinement a été annoncé, jamais je n'aurais imaginé qu'on en serait encore là cette année", lâche Violette, en terminale à La Rochelle (Charente-Maritime). Comme beaucoup de lycéens français, la jeune fille a pris l'habitude de n'avoir cours qu'une semaine sur deux, à tel point qu'elle ne sait plus à quoi ressemble sa classe "en entier". La semaine où elle n'est pas en cours, elle doit travailler seule et répartir elle-même le travail que lui donnent ses enseignants. A la maison, "c'est difficile de trouver la motivation pour se mettre au travail quand on a plein de distractions", constate-t-elle, même si cette bonne élève apprécie d'avoir davantage de temps libre pour voir ses amis et aller à ses entraînements de rugby. 

Depuis début novembre, et la mise en place du protocole sanitaire renforcé (qui a encore été amendé ces derniers jours), chaque établissement scolaire a pour consigne d'augmenter les cours à distance tout en garantissant au moins 50% de présentiel pour chaque élève. Beaucoup ont fait le choix de faire venir les élèves une semaine sur deux, en demi-groupes. Younes, lui, continue à travailler assidûment : en terminale dans le 13e arrondissement de Paris, il est lui aussi passé en demi-groupes et certains cours lui sont dispensés en visioconférence depuis l'automne. Il dit s'être adapté à ce système mais observe que "la concentration est beaucoup plus compliquée via un écran". Il regrette aussi les conversations plus informelles qu'il avait avec ses profs. "On leur parle moins que l'an dernier, la distance est moins appropriée au dialogue. Je me mets à la place des élèves timides : ça ne doit vraiment pas être hyper facile de poser les questions à travers des écrans."

Pour Athybel, lycéenne au Havre, l'emploi du temps est complexe et elle a parfois du mal à s'y retrouver. "Il y a certains cours qu'on n'a qu'une fois par semaine ou une fois toutes les deux semaines. Par exemple, je n'ai anglais qu'une fois par semaine, pendant une heure, ce n'est vraiment pas beaucoup. L'espagnol, pareil : je n'ai qu'une heure par semaine", regrette-t-elle, pointant le manque de "continuité" de ce dispositif. L'adolescente est à l'internat et "s'entraide" avec ses copines pour travailler, mais elle constate que la motivation est difficile à trouver pour ses amies "toutes seules chez elles".

Suppression des épreuves de spécialité, devoirs avec Google Traduction 

La motivation est d'autant plus difficile à trouver que les épreuves de spécialité, que les élèves préparaient depuis la rentrée et devaient passer mi-mars, ont été annulées en janvier. Plusieurs voix s'étaient élevées pour demander à Jean-Michel Blanquer de reporter ces épreuves, comme le syndicat des inspecteurs d'académie (SIA) qui affirmait, en décembre, "que de nombreux élèves [arriveraient] en mars insuffisamment préparés pour affronter une évaluation, quelle qu'elle soit". Cette annulation a été une surprise pour Elin, lycéenne à Nantes. "La plupart des gens étaient contents car ils préféraient éviter le stress des examens. Mais, dans mon lycée, ça nous désavantage. On est dans un lycée très exigeant, donc les notes sont moins bonnes sur le contrôle continu qu'ailleurs, alors qu'on a toujours de très bons résultats aux épreuves nationales", analyse-t-elle.

Même crainte pour Juliette à Laval, qui est, elle aussi, dans un lycée très coté. "La suppression des épreuves de spécialité nous pénalise. On sait bien qu'on est notés plus durement qu'ailleurs", assure-t-elle. Pour éviter les différences entre établissements, un cadre national d'harmonisation des notes va être mis en place "afin d'organiser le travail des commissions d'harmonisations qui se tiendront à la fin de l'année", avait annoncé Edouard Geffray, directeur général de l'enseignement scolaire, le 22 janvier. 

Toujours est-il que Clémentine, scolarisée dans le même lycée qu'Athybel au Havre, est "un peu dégoûtée" car elle a davantage de difficultés en contrôle continu que sur les épreuves ponctuelles où elle est plus "concentrée". Elle dit avoir eu un "gros décrochage scolaire lors du premier confinement en mars 2020" et réalise qu'elle est bien plus performante quand elle a "un objectif". Athybel le reconnaît : "Il faut avoir la tête sur les épaules car on a vite fait de décrocher parce qu'on n'est pas tellement suivis." Elle dit tout de même crouler sous les évaluations, ce qui lui semble parfois un peu absurde au regard "du peu de cours qu'on a". Younes a également beaucoup de "devoirs maison" à rendre. Mais certains élèves en profiteraient pour tricher, selon lui : "En espagnol, beaucoup font les contrôles avec Google Traduction. Une partie de la classe a 10 et l'autre 15. Le prof le sait, mais il est un peu dans le déni." D'autres prétendent par ailleurs avoir des problèmes de connexion, ce qui leur permet de rendre un devoir une demi-heure en retard, quand certains se réunissent entre amis pour faire leurs devoirs collectivement.

Pour éviter ce genre de situations, plusieurs enseignants ont organisé des contrôles sur table dans les conditions d'un vrai examen final. Violette a par exemple eu plusieurs épreuves de "bac blanc" en présentiel. "On sait qu'il n'y aura pas d'épreuves de ce type-là, mais ça nous permet de nous préparer aux examens qu'on pourra avoir à l'avenir." Ces notes comptent généralement davantage que les autres dans la moyenne générale. 

Pour le grand oral, des informations "au compte-gouttes" 

Pour le baccalauréat général, deux examens nationaux doivent avoir lieu en fin d'année : le grand oral – la nouvelle épreuve phare de la réforme du bac – et la philosophie. Le ministre de l'Education nationale a assuré, jeudi, que "l'objectif est de [les] maintenir autant que possible". Les étudiants interrogés par franceinfo ont des appréciations diverses face à ces échéances. Violette ne se sent "pas trop prête", car elle trouve "difficile de faire de la philo toute seule à la maison", tout comme Younes, qui adore cette matière, mais assure "être très mal préparé". En cause : la difficulté à organiser des épreuves blanches car il est difficile de trouver un créneau commun à tous. Il dit n'avoir fait "qu'une dissertation en vrai bac blanc, mais beaucoup n'en ont pas fait une seule. Sans parler du programme... On est grave en retard", pointe-t-il, mi-amusé, mi-angoissé. 

Concernant le grand oral, les avis sont plus divisés. A Laval, Juliette pointe les "incertitudes sur les attentes de cette épreuve avec des informations qui tombent au compte-gouttes", tandis que Violette rappelle qu'elle n'a jamais eu d'épreuve comparable, puisque l'oral de français a été annulé l'an dernier. "Donc mon dernier oral date de la troisième, mais c'était court et très facile", dit-elle. Pour cette épreuve, les élèves doivent trouver un sujet qui croise leurs deux enseignements de spécialité et arriver avec deux questions. Le jury en piochera une et les élèves devront s'exprimer pendant dix minutes. Athybel est, elle, plutôt sereine car "très à l'aise à l'oral". "Ce sont des sujets qu'on choisit donc on les maîtrise. Ça devrait bien se passer". Encore faut-il que ces épreuves soient réellement maintenues, comme le prévoit Jean-Michel Blanquer. Le pronostic de Juliette n'est que moyennement optimiste. Selon elle, avec le passage à quatre semaines en distanciel, "plein de lycées n'auront pas appris autant de choses que le nôtre donc, pour une question d'égalité, je pense que ça va être annulé"

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