A dix dans l'amphi, une rentrée dans les universités au compte-goutte et sous le signe de la frustration
Pour cette rentrée, certaines universités permettent aux étudiants de retourner en cours par groupes de dix en cours. Mais cette reprise très timide ne convainc pas tout le monde.
Après des mois de cours à distance, le malaise étudiant est préoccupant. Pour tenter d'éviter le décrochage, les universités ont le droit, en ce mois de janvier, de faire revenir sur les campus une petite partie des étudiants fragiles. Une circulaire a autorisé les établissements du supérieur à organiser une reprise progressive des enseignements en présentiel, avec des groupes de dix maximum. Seuls quelques établissements mettent déjà en place ce dispositif. C'est le cas de l'université de Cergy (Val-d'Oise).
Dix étudiants dans un amphi qui pourrait en compter des centaines. L'image est étonnante pendant ce cours de maths. Pour la première fois depuis des mois une poignée de chanceux retrouvent les bancs de la faculté de Cergy. "J'habite seul dans un studio et le fait de venir, de voir mes camarades et de travailler tous ensemble, cela fait du bien moralement", explique Sami, en première année de prépa ingénieur.
"C'est déjà ça, je me sens privilégiée"
Cette présence à l'université ne sera que pour quelques heures mais Anissa les prend sans hésiter : "Avec les cours à distance, on ne voit pas le bout du tunnel. C'est sûr que cela fait du bien parce que lorsque l'on est chez nous, on n'a pas forcément la motivation. Au bout d'un moment, ça pèse de se lever à 8 heures pour allumer son ordinateur. Vraiment ça fait du bien de revenir en présentiel. Même si ce n'est qu'une ou deux fois par semaine, c'est déjà ça. Je me sens privilégiée, ça fait plaisir de faire partie de ce groupe-là"
"Privilégiée", car seuls quelques étudiants, choisis parmi les volontaires, vont pouvoir revenir cette semaine. Ils sont une centaine d'étudiants sur 25 000 au total à Cergy. Le gros des troupes va donc commencer son second semestre toujours à distance. "Il faut savoir qu'on a 600 étudiants en deuxième année de licence de droit, indique Ludivine Richefeu, maitre de conférences en droit privé. On va accueillir des petits groupes de dix étudiants, et pour quoi faire ? On va faire quoi, avec eux ? Et comment on les sélectionne, ces étudiants ? Sur quels critères on va se fonder pour dire : vous pouvez venir ou non ?"
Une année de perdue ?
Ces groupes de dix sont donc une fausse bonne idée selon sa collègue Hélène Manuelian, responsable de la fac de lettres et sciences humaines : "C'est extrêmement frustrant de choisir entre les fragilités. On a des étudiants brillants qui craquent : est-ce qu'on fait revenir ceux-là ou est ce qu'on fait revenir les étudiants qui sont en grande difficulté académique mais qui continuent à s'accrocher ? J'aimerais revenir à une jauge de 50%, c'est la seule solution pour sauver une année qu'on mettra beaucoup plus d'un an à rattraper."
"En termes de décrochage, c'est une catastrophe. On n'a jamais eu autant de copies blanches. C'est une autre inquiétude, on pense que cette année aura des séquelles à relativement long terme."
Hélène Manuelianà franceinfo
Au-delà de ces groupes de dix, le gouvernement prévoit pour l'instant d'accueillir un peu plus largement les premières années à partir du 20 janvier. Mais seulement si la situation sanitaire le permet.
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