Laïcité à l'école : 53% des professeurs du second degré public ont déjà vu des élèves contester un enseignement, selon une enquête
Au cours de l'ensemble de leur carrière, ce sont quatre professeurs sur cinq qui disent avoir dû faire face à des revendications religieuses.
Près de trois mois après l'assassinat de Samuel Paty, une enquête* de lIfop pour la Fondation Jean-Jaurès et Charlie Hebdo, publiée mercredi 6 janvier, révèle que 53% des professeurs du second degré public ont déjà vu, dans leur établissement, des élèves contester un enseignement ou tenter de s'y soustraire au nom de la religion. C'est sept points de plus par rapport à l'enquête Ifop-CNAL de 2018.
Cette contestation a été constatée par 43% des enseignants du premier et du second degré. Le phénomène a été observé dans des matières aussi diverses que l'éducation physique et sportive (27%), lors d'enseignements abordant la laïcité (26%) ou encore lors de cours d'éducation à la sexualité ou dédiés à l'égalité filles-garçons ou aux stéréotypes de genre (25%). Six enseignants sur dix (59%) ont déjà observé au moins une fois, dans leur établissement actuel, une forme de séparatisme religieux plus ou moins grave.
Au cours de leur carrière, six enseignants sur dix ont déjà observé au moins une fois une forme de séparatisme religieux plus ou moins grave à l'école. Les revendications s'expriment dans tous les espaces avec plus au moins d'acuité. Cela va de l'absence de jeunes filles lors des cours de natation, avec ou sans certificat (45%), de demandes à ce qu'aucune viande ne soit servie avec les légumes dans les assiettes d'élèves (35%) ou encore de refus d'entrer dans des lieux à caractère religieux (type église) lors de sorties scolaires (28%).
Une auto-censure en hausse
Un enseignant sur cinq (21%) a déjà observé le refus de donner la main à quelqu'un au nom de la religion. À noter que 40% des professeurs avouent avoir connu des incidents autour des questions de restauration scolaire, une augmentation de cinq points depuis 2018. Selon cette enquête, pour éviter les tensions, la moitié des professeurs de collège et de lycée interrogés (49%) se sont déjà autocensurés dans leur enseignement des questions religieuses afin de ne pas provoquer de possibles incidents dans leur classe. C'est une proportion en hausse de 13 points depuis 2018.
Cette enquête, réalisée deux mois après la mort de Samuel Paty, le professeur d'histoire-géographie assassiné à Conflans-Sainte-Honorine le 16 octobre 2020, relève une nette différence dans la géographie des établissements dans les réactions autour de la cérémonie en l'honneur de l'enseignant. Ces contestations s'expriment davantage dans les établissements situés dans le réseau d'éducation prioritaire (REP), avec une différence de 20 points avec ceux situés hors REP (34% contre 14%).
Trois quarts des sondés approuvent la démarche de Samuel Paty
Au moment des cérémonies à la mémoire de Samuel Paty, 19% des enseignants disent avoir observé au moins une forme de contestation ou de désapprobation. Ils ont été confrontés soit à des justifications des violences contre les personnes présentant des caricatures de personnages religieux (15%), soit à des refus de participer à la minute de silence organisée en hommage au professeur (10%). À l'époque, le ministère avait recensé près de 800 incidents.
Selon cette enquête, trois quarts des professeurs interrogés (75%) soutiennent la démarche de Samuel Paty qui avait donné un cours sur la liberté d'expression en s'appuyant sur des caricatures de presse, notamment de Charlie Hebdo. 9% pensent qu'il a eu tort et 16% préfèrent ne pas se prononcer. Avec cette enquête, l'Observatoire de l'Éducation de la Fondation Jean-Jaurès a souhaité dresser un panorama "le plus large possible de ce que vivent, ressentent, pensent et envisagent les enseignants de France pour l'avenir et leur avenir personnel".
*L'enquête "Observatoire des enseignants" a été réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 10 au 17 décembre 2020 auprès d'un échantillon de 801 enseignants des premier et second degrés en France métropolitaine.
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