"Le risque est de noyer l'institution" : pourquoi la justice se heurte à la complexité du harcèlement scolaire
Deux élèves interpellés mardi 26 septembre dans leur lycée à La Roche-sur-Yon (Vendée), un autre menotté en plein cours à Alfortville (Val-de-Marne), la semaine précédente. Les images ont marqué les esprits, mais pour en arriver jusque-là, encore faut-il repérer les situations de harcèlement.
Alors que le gouvernement doit présenter mercredi 27 septembre son plan interministériel pour lutter contre le harcèlement scolaire, considéré comme une "priorité absolue" de la rentrée pour Élisabeth Borne, la question de la prévention, de la détection, et enfin la répression de ces faits d'intimidation plus ou moins violents est au centre des débats.
"Comment les adultes peuvent-ils agir s'ils ne sont pas au courant ?"
Ce plan avait, en effet, été annoncé dès juin par la Première ministre après le suicide de Lindsay, 13 ans, dans le Pas-de-Calais. Elle avait alors demandé aux ministres de l'Intérieur, de la Justice, de la Santé et au secrétaire d'état au Numérique de travailler avec le ministre de l'Éducation nationale. "Au premier abord, on pourrait dire 'ça se voit, c'est simple, et bien pas tant que ça', explique la major de police Aude Métivier, également référente harcèlement scolaire dans le Val d'Oise. Le harcèlement se fait à l'abri du regard des adultes !"
"Il va se passer des choses à la cantine, dans les couloirs, dans les toilettes, poursuit Aude Métivier. Donc après, comment les adultes peuvent-ils agir s'ils ne sont pas au courant ? C'est un phénomène qui est très complexe."
"Passer à côté de situations très graves"
De fait, la justice se heurte à la complexité du harcèlement scolaire. Malgré des mains courantes déposées par les parents, plusieurs enfants et adolescents harcelés ont mis fin à leurs jours ces derniers mois. Pourtant, il y a un an et demi, un nouveau délit de harcèlement scolaire a été créé, avec des peines lourdes : jusqu'à 10 ans de prison en cas de suicide ou de tentative de suicide de la victime.
Mais à force de prévention, les signalements se multiplient, avec le risque de submerger la justice. "C'est quelque chose qui ne peut pas être traité seulement par la justice, prévient le vice-procureur Aurélien Martini, chargé de la section des mineurs au tribunal de Melun (Seine-et-Marne) et membre de l'Union syndicale des magistrats. Le risque, c'est de noyer l'institution judiciaire qui ne sera plus ensuite capable, avec les moyens qui sont les siens, de faire le tri entre les dossiers et de passer à côté de situations qui pourraient être très graves."
Du côté du ministère de la Justice, on encourage, au contraire, les établissements à faire remonter systématiquement les cas de harcèlement au procureur. Mieux vaut être saisi pour rien, rappelle la chancellerie, que de passer à côté d'un cas dramatique.
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