Cet article date de plus de neuf ans.

Comment réagir quand son enfant est confronté au harcèlement scolaire

Les victimes de persécutions ont parfois du mal à confier leur souffrance à leurs proches. Francetv info vous donne six conseils sur les comportements à adopter, et ceux à éviter.

Article rédigé par franceinfo - Estelle Walton
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
En France, un enfant sur dix est victime de violences physiques ou verbales de la part de ses camarades. (MAXPPP)

Trouver les bons mots pour soigner les maux. A l'occasion de la première journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire, lancée jeudi 5 novembre par le gouvernement, francetv info a recueilli les conseils de professionnels. Objectif : savoir comment les parents peuvent aider leurs enfants à traverser cette épreuve souvent traumatisante.

>> Suivez notre direct consacré à la journée de lutte contre le harcèlement à l'école

1Repérer rapidement les premiers signes

La première étape est, bien sûr, de détecter si son enfant souffre de harcèlement dans son école. Si certains signes peuvent parfois être confondus avec des comportements propres à l'adolescence (mutisme, agressivité...), une victime de moqueries et/ou de violences physiques en classe a également tendance à s'isoler, et ce même de ses amis.

Un signe qui ne saurait mentir, assure Jean-Pierre Bellon, président de l'Association pour la prévention des phénomènes de harcèlement, et co-auteur de plusieurs livres sur la persécution à l'école. "Si votre enfant avait beaucoup d'amis et que, pratiquement du jour au lendemain, il se retrouve seul et ne voit plus ses camarades en dehors de l'école, cela peut être un signe de harcèlement", explique ce professeur de philosophie.

Le refus d'aller à l'école peut également être un signe, souligne Emmanuelle Piquet, psychopraticienne et fondatrice du Centre contre le chagrin scolaire. "Bien que tout enfant puisse être tenté de rater un contrôle de mathématiques, il devrait, en général, être heureux de retrouver ses camarades, considère-t-elle, avant de conseiller également de surveiller les résultats scolaires. Une chute de la moyenne d'un bon élève est souvent un signe que quelque chose ne va pas."

2Engager la conversation

Si votre enfant refuse catégoriquement de partager ses problèmes, il est important d'en parler avec ses frères et sœurs, s'il en a, ou ses amis les plus proches. Soit les personnes les plus à même d'avoir des informations sur les ennuis de votre enfant.

Emmanuelle Piquet recommande toutefois la prudence : une prise en charge du problème par les adultes peut être jugée comme humiliante pour un adolescent. Il faut donc faire preuve de patience, et, surtout, lui expliquer que vous n'interviendrez pas sans son accord.

3Contacter les bonnes personnes

Une fois que votre enfant s'est confié à vous, n'essayez surtout pas de vous faire justice. "La pire des situations, c'est quand un parent va voir l'enfant mis en cause, ou même ses parents", constate Jean-Pierre Bellon. Ce genre de médiation est plus approprié pour "une bagarre entre gamins que pour un problème sérieux".

Faut-il en référer à l'établissement ? Sur ce point, deux philosophies s'affrontent.

Pour Jean-Pierre Bellon, il faut contacter l'école directement pour qu'elle institutionnalise le problème. Les responsables de l'établissement pourront ainsi prendre des dispositions et rencontrer ceux qui persécutent votre enfant un par un, histoire d'éviter l'effet de groupe.

Mais pour Emmanuelle Piquet, l'école n'est pas équipée, pas formée pour gérer ces situations. "En parler, c'est bien, mais à qui ?", résume la spécialiste. Selon elle, le mieux est d'élaborer avec l'enfant des stratégies pour qu'il se défende et prenne confiance en lui devant ses camarades. L'humour peut être une bonne défense dans certains cas. La psychologue explique, par exemple, qu'"en imaginant des reparties contre les piques de ses camarades, l'enfant pourra réussir à désamorcer la situation".

4Lui faire comprendre qu'il n'est pas seul

C'est là le nœud du problème. Face à un groupe qui la persécute, la victime de harcèlement se sent seule et impuissante. Pour rassurer votre enfant, expliquez-lui que de nombreux gamins ont, eux aussi, vécu cette situation, que ce n'est pas de sa faute, et qu'il n'a, surtout, rien fait de mal. "Si un enfant sur dix est persécuté à l'école, cela montre bien que le harcèlement est un vrai risque", estime Jean-Pierre Bellon.

Pour sortir votre enfant de ses tourments, essayez de trouver avec lui une activité en dehors du cadre scolaire qui le motive et lui permette de rencontrer des gens différents. Un bon moyen d'éviter la sensation d'isolement et de lui faire comprendre qu'il a de réelles qualités, des passions.

Le plus possible, évitez de l'emmener tout de suite chez le psychologue, cela risque de le déstabiliser. Et si vous décidez d'y avoir recours, adressez-vous à un spécialiste de la question, précise Emmanuelle Piquet. Attention cependant : après plusieurs années de harcèlement, la situation devient très marquante et peut avoir de graves conséquences dans la vie d'un adulte. Dans ce cas de figure, aller voir un spécialiste peut constituer une réelle solution.

5Ne pas le couper de sa vie sociale

Si les réseaux sociaux favorisent souvent les insultes et les violences, un enfant a besoin de sentir qu'il fait partie d'un groupe. Inutile donc de l'isoler. Même si cela peut être tentant, n'essayez pas de le priver d'internet. 

Cependant, il doit aussi avoir un moment pour déconnecter et être en sécurité, notamment la nuit : "C'est souvent à ce moment-là qu'une victime reçoit des messages de harcèlement. Il faut laisser à l'enfant un espace où il puisse se reposer en sécurité", recommande Jean-Pierre Bellon.

Internet peut permettre aussi de fournir des preuves de harcèlement à l'école. "On ne peut pas garder des traces des brimades dans la cour ou en classe, mais on peut imprimer des messages violents diffusés en ligne, et c'est une vraie force", estime le spécialiste.

6Et si votre enfant persécute ses camarades ?

Dans un premier temps, il est d'abord important de ne pas dramatiser la situation. "Ce n'est pas parce que votre enfant est une terreur en classe qu'il va devenir un jeune délinquant", résume Jean-Pierre Bellon. Gardez la tête froide et ne réprimez pas votre enfant de manière frontale, cela n'aurait que l'effet inverse. Dans le calme, discutez avec lui de son comportement pour faire en sorte qu'il vous explique pourquoi il persécute son ou ses camarades. Est-ce pour faire comme les autres, pour être intégré ? Ou, au contraire, pour se démarquer ?

En revanche, essayez d'identifier s'il fait partie d'un plus grand groupe de persécuteurs, et écartez-le de cette atmosphère. Le plus important, "c'est de briser la dynamique de groupe", considère Jean-Pierre Bellon. Si votre enfant vous explique qu'il suit d'autres jeunes, expliquez-lui l'effet que cela peut avoir sur leur victime. Ce n'est pas à prendre à la légère non plus : il faut "faire comprendre à son enfant que maltraiter ses camarades n'a absolument rien de drôle".

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.