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"Blanquer est très fort en communication" : des enseignants raillent la hausse de salaire promise par le ministre

Après l'annonce d'une hausse de salaire de 300 euros par an, des professeurs interrogés par franceinfo expliquent pourquoi cette mesure ne comble pas leurs attentes.

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le ministre de l'Education, Jean-Michel Blanquer, présente la rentrée scolaire, le 27 août 2019 à Paris. (MAXPPP)

Quand Alexandra a entendu dans les médias qu'elle allait voir son salaire augmenter de 300 euros, elle s'est brièvement réjouie. Très brièvement, le temps de réaliser que cette somme correspondait en réalité à une augmentation annuelle brute qui ferait gonfler sa fiche de paie de… 18 euros. "Je ne sais pas quoi faire de tout cet argent !" ironise cette professeure de français dans un collège de l'Essonne.

Mercredi 28 août, le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer, a en effet promis une hausse de "300 euros en moyenne" du salaire des professeurs en 2020. Une annonce qui, rappellent les syndicats, n'est que l'application d'une mesure décidée sous François Hollande. "Blanquer est très fort en communication !" raille ainsi Hélène, professeure de français et de latin à Paris.

Pour Anna, prof de sciences économiques à Cergy (Val-d'Oise), l'annonce de Jean-Michel Blanquer est "complètement décalée" par rapport aux revendications des enseignants. "Nous avions certes des revendications salariales, mais ce que nous réclamions, c'était surtout le retrait de la réforme du bac, qui à mon sens détruit le service public de l'enseignement", rappelle cette jeune professeure qui a participé au printemps au mouvement de grève des surveillances et à la rétention des notes lors des épreuves du bac.

"Je suis clairement sous-payée"

Pour les enseignants interrogés par franceinfo, cette modeste augmentation n'est pas de nature à redorer la rémunération d'une profession mal payée par rapport à nos voisins européens. A l'occasion d'un voyage outre-Rhin il y a deux ans, Hélène a comparé ses revenus avec ceux de ses confrères allemands. "Pour un mi-temps, c'est pas mal !" lui ont-ils répondu en plaisantant.

Cela pose la question de ce que l'on considère comme important en France. Est-ce que l'éducation et la culture sont prioritaires, ou pas ?

Hélène, professeure de français à Paris

à franceinfo

Alors qu'elle s'apprête à effectuer sa quatorzième rentrée, Alexandra vient tout juste de dépasser la barre des 2 000 euros net de rémunération mensuelle. "Si je compare à la majorité des gens qui ont le même niveau d'études que moi, je suis clairement sous-payée", observe-t-elle. "Et en même temps, par rapport à la majorité des salariés, je ne suis pas défavorisée", nuance-t-elle, refusant de s'apitoyer sur sa condition.

Un pouvoir d'achat qui se dégrade

A 32 ans, Lucile, elle, n'a pas encore atteint les 2 000 euros, même si elle s'en approche. "Ni pauvre ni riche", elle estime que son salaire lui "permet de vivre de façon correcte". En partie parce qu'elle a "la chance", précise-t-elle, de vivre à la campagne, dans l'Aveyron, et donc de pouvoir se loger sans payer un loyer exorbitant.

Professeure d'EPS à Saint-Maur-des-Fossés, une banlieue cossue du Val-de-Marne, Annie, 55 ans, a vu son pouvoir d'achat se dégrader depuis plusieurs années, les gouvernements successifs ayant gelé le point d'indice des fonctionnaires entre 2010 et 2016, et à nouveau depuis 2018. "Notre salaire n'est vraiment pas mirobolant", juge-t-elle, se consolant toutefois de travailler "dans de bonnes conditions, ce qui est loin d'être le cas de tous les profs".

Annie pense notamment aux jeunes professeurs : "Ils font cinq ou six ans d'études et sont envoyés dans l'académie de Créteil où les logements sont chers." L'un de ses collègues, raconte-t-elle, a dû se résoudre à vivre en colocation, pour des raisons financières. Lucile, elle, plaint les contractuels de l'Education nationale, recrutés sans avoir passé les concours, moins bien payés que les titulaires et devant composer avec des contrats précaires. "Une collègue prof d'anglais ne parvenait pas à vivre de son temps partiel, raconte Lucile. Elle a préféré chercher un autre travail dans la distribution. Maintenant, elle est caissière."

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