Liberté d'importuner : il faut regarder "les conséquences politiques de cet événement", selon la philosophe Geneviève Fraisse
Geneviève Fraisse, philosophe et historienne de la pensée féministe, est revenue, mercredi pour franceinfo, sur les réactions suscitées par la Tribune sur la "Liberté d'importuner" publié dans le journal "Le Monde".
La Tribune sur la "Liberté d'importuner" "est structurée comme ce questionnement l'était déjà il y a 200 ans", a estimé Geneviève Fraisse, mercredi 10 janvier sur franceinfo. La philosophe et historienne de la pensée féministe a également posé la question "de l'égalité des sexes en démocratie", alors que la tribune publié, mardi, dans le journal Le Monde a amené à une réponse de militantes féministes les accusant de vouloir "refermer la chape de plomb" soulevée par le scandale Weinstein.
franceinfo : Quel regard portez-vous sur cette tribune ?
Geneviève Fraisse : Cette tribune est structurée comme ce questionnement l'était déjà il y a 200 ans au lendemain de la Révolution française. L'idée est que chaque pas féministe va détruire les rapports entre les sexes. L'amour va être détruit, il n'y aura plus que de l'amitié, les sexes se confondront les uns avec les autres. C'est la répétition de cette matrice intellectuelle : que fait-on de l'égalité des sexes en démocratie, y compris en impliquant la question du corps, donc du sexe, donc de la sexualité ?
Est-ce cela correspond à une inquiétude philosophique ou à une réalité des derniers mois ?
J'ai trop vécu de moments féministes depuis les années 70 pour croire à cette histoire. Stendhal répondait dans De l'amour, au début du XIXe siècle : "On n'empêchera pas un rossignol de chanter au printemps." Plutôt que d'avoir peur qu'on ne drague plus comme une des conséquences de cet évènement, regardez ce qui se passe politiquement avec cet évènement. Roy Moore n'est pas élu en Alabama. Il était considéré comme un harceleur. Cate Blanchett, qui a pris engagement dans cette mise à jour du harcèlement et du viol, est nommée à la présidence du Festival de Cannes. Ce sont des conséquences politiques de cet évènement. Cela m'intéresse beaucoup plus de regarder ce qui est en train de se passer, comment les sexes fabriquent de l'histoire et font l'histoire. "On est contre la morale et en fait on fait la morale", c'est cela qui m'étonne dans ce texte.
Faut-il que le débat vive ou est-ce que cette opposition dessert la cause ?
Il est important que l'on cesse de penser que toutes les femmes doivent être d'accord entre elles. Elles ne sont pas d'accord ? Très bien. Cela veut dire que l'on atteint une certaine maturité politique, que l'on ne dit pas "les" femmes comme une catégorie, un corps unique qui devrait être d'accord. Au moment de la parité, on me disait : "Vous n'êtes pas d'accord entre vous ?" Je répondais : "Oui, on est suffisamment nombreuses pour être en désaccord."
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