"L'Arabie saoudite entre dans le 21e siècle" en autorisant les femmes à conduire
L'Arabie saoudite a annoncé mardi que le roi a signé un décret autorisant les femmes à conduire. Avec cette décision, le pays "entre dans le 21e siècle", estime Fatiha Dazi-Héni, politologue spécialiste de la péninsule arabique.
C'était le seul pays au monde à interdire à la moitié de sa population de prendre le volant. L'Arabie saoudite a annoncé mardi 26 septembre que le roi a signé un décret autorisant les femmes à conduire, à partir du mois de juin 2018. Avec cette décision hautement symbolique, dans un pays où les droits des saoudiennes restent encore très restreints, "l'Arabie saoudite entre dans le 21e siècle", assure Fatiha Dazi-Héni, chercheuse à l'Institut de recherche stratégique de l'école militaire (IRSEM) et auteure de L'Arabie saoudite en 100 questions (Talandier). Elle y voit l'influence du nouveau prince héritier Mohammed ben Salmane Al Saoud.
franceinfo : Est-ce qu'on peut parler d'une décision historique ?
Fatiha Dazi-Héni : C'est une décision extrêmement marquante parce que l'Arabie saoudite entre enfin dans le 21e siècle. C'est d'ailleurs le seul pays qui se distinguait par cette interdiction aberrante. Cela fait plus de 25 ans que le débat public sur la conduite des femmes est en œuvre en Arabie saoudite et le jeune prince héritier [Mohammed ben Salmane Al Saoud, vice-Premier ministre depuis le juin 2017], qui aujourd'hui concentre tous les pouvoirs entre ses mains, fait le pari de la jeunesse, qui adhère très massivement à son projet d'ouvrir la société saoudienne à des divertissements, d'ouvrir des cinémas... Les jeunes sont dans leur immense majorité absolument excédés par ce contrôle social infernal. Il faut d'ailleurs rappeler que les moins de 40 ans en représente près de 75% de la population en Arabie saoudite.
Faut-il s'attendre à d'autres évolutions dans les semaines et les mois qui viennent ? Le droit de vote avait déjà été partiellement accordé aux femmes il y a quelques années...
La mesure la plus symbolique est celle de la conduite des femmes parce qu'honnêtement, le droit de vote partiel dans les Majlis locaux [assemblées consultatives], ça ne va pas faire de l'Arabie saoudite un Etat démocrate. Ce n'est pas là que ça se passe mais plutôt dans la détente sociale, la libéralisation sociale.
Il y a encore beaucoup de travail. Les femmes sont toujours sous la tutelle d'un homme de leur famille ?
Il y a eu des mesures d'assouplissement, lors de décrets royaux, en avril 2017. Vous avez encore symboliquement le fait que la femme soit sous tutelle d'une protection masculine mais les choses évoluent. Les femmes n'ont plus besoin de l'autorisation d'une tutelle masculine pour s'inscrire à l'université et faire des formalités administratives alors qu'avant, elles n'étaient jamais majeures.
Est-ce qu'il y a également des raisons économiques derrière les évolutions récentes que vous décrivez ?
Tout est lié au fameux projet du prince Mohammed ben Salmane de sortir le royaume de sa dépendance aux revenus pétroliers. Comment voulez-vous attirer des capitaux et des investissements étrangers dans un pays comme l'Arabie saoudite où tout est interdit, tout est fermé ? Il faut bien entrer dans le 21e siècle aussi donc il fait ce pari là.
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