Cinq questions sur l'épisiotomie, une opération trop pratiquée en France, selon la secrétaire d'Etat, Marlène Schiappa
La secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes a dénoncé, lundi, "des pratiques obstétricales non consenties" et a assuré que "la France avait un taux d'épisiotomies à 75%". De quoi provoquer la colère des obstétriciens
Nouvelle polémique pour Marlène Schiappa. Lundi 24 juillet, la secrétaire d'Etat à l'Egalité femmes-hommes s'exprime devant la Délégation aux droits des femmes, au Sénat. "En France, on a un taux d'épisiotomies à 75%, alors que l'OMS préconise d'être autour de 20-25%", fustige la ministre. Il y a des "pratiques obstétricales non consenties avec notamment des violences obstétricales, semble-t-il, particulièrement sur les femmes étrangères, les femmes très jeunes, et les femmes handicapées", ajoute Marlène Schiappa.
Des propos qui ont indigné le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF). Dans une lettre ouverte adressée à la secrétaire d'Etat, ses membres se disent "à la fois surpris et profondément choqués" par "le relais" qu'elle donne à "des informations fausses". Qui faut-il y croire ? Franceinfo fait le point.
L'épisiotomie, c'est quoi ?
L'épisiotomie est un acte médical pratiqué au moment de l'accouchement. Il s'agit d'une incision vaginale censée faciliter la venue du bébé. Une intervention qui sectionne le muscle du périnée et nécessite des points de suture. "Cela fait partie des gestes qui devraient rester rares et être faits seulement en cas de nécessité absolue", explique à franceinfo le médecin et blogueur Martin Winckler.
Cette pratique est censée réduire les risques de déchirure grave et complexe du périnée, source de complications après l'accouchement.
Pourquoi cette pratique est controversée ?
De plus en plus de voix dans le milieu médical s'élèvent pour dénoncer cette pratique, alors que de nombreuses femmes racontent sur les réseaux sociaux leur douloureuse expérience de l'épisiotomie."Des générations de praticiens ont appris que cette intervention prévenait les déchirures. On n'a jamais dit aux jeunes médecins de changer ces habitudes", explique au Parisien Benoît de Sarcus, chef de service de la maternité de Nanterre, qui se bat pour que cette opération soit de moins en moins pratiquée.
Sans épisiotomie, l'accouchement est cinq à dix minutes plus long. Si le bébé n'arrive pas assez vite, les médecins se disent qu'il ne va pas bien, alors ils coupent. C'est la facilité
Benoît de Sarcus, chef de service de la maternité de Nanterreau "Parisien"
"Couper pour éviter que ça se déchire, c'est débile, accuse également Didier Riethmuller, chef du pôle mère-femme au CHU de Besançon, dans une interview à RTL. A la fin des années 1990-début des années 2000, on commence à avoir des résultats, des preuves que l'épisiotomie ne protège pas de la déchirure", ajoute celui qui est à la tête d'une maternité où cette intervention n'est pratiquée que dans 1% des cas. Ce praticien recommande ainsi de la pratiquer que dans "des cas très particuliers, très rares".
Est-il difficile de trouver des chiffres fiables ?
De nombreux chiffres circulent sur l'épisiotomie, souvent contradictoires car provenant de sources différentes. Ainsi, lorsque Marlène Schiappa, la secrétaire d'Etat à l'Egalité femme-homme, affirme qu'il y avait 75% d'épisiotomies en France, elle se fonde sur une étude réalisée en 2013 par l'association Maman travaille, qu'elle a fondée. Les chercheurs de l'étude avaient alors interrogé 983 mères.
"En 2013, lorsque le Ciane [collectif interassociatif autour de la naissance] a souhaité faire un état des lieux sur l’épisiotomie, les taux par maternité étaient largement indisponibles, explique à 20 Minutes Chantal Ducroux-Schouwey, présidente du Ciane. Au final, le Ciane a pu rassembler les taux pour 30 maternités, sur les quelque 500 maternités en France." Sur 9 783 accouchements par voie basse, dont 6 300 depuis 2010, leur étude "atteste de l’effort fait par la communauté médicale pour modifier ses pratiques : le taux d’épisiotomie s’établit à 30% sur la période 2010-2013." En 2010, l'Inserm assure néanmoins que l'épisiotomie est encore pratiquée dans 44% des premières naissances en France. Il a beaucoup baissé puisqu'en 1998, il était estimé à 71%. Le taux global en France serait de 27% en 2010.
Cette pratique est-elle plus répandue en France qu'ailleurs ?
La France n'est certainement pas le bon élève en Europe. En Estonie, par exemple, le taux d'épisiotomie tombe à 16%. En Angleterre, entre 2009-2010, seuls 8% des femmes qui ont eu un accouchement par voie basse spontanée ont eu une épisiotomie. En Allemagne, le taux est à peu près équivalent à l'Hexagone puisqu'il s'établissait en 2010 à 27%.
Mais, certains pays font bien pire que la France. En Pologne, par exemple, toujours en 2010, le taux d'épisiotomie était de 67,5%. Il grimpe même à 75% à Chypre.
Pour lever le doute sur les chiffres français, Marlène Schiappa a commandé un rapport sur le sujet au Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE). Ce rapport permettra "un état des lieux pour objectiver le phénomène, le quantifier et identifier les problématiques. Les gynécologues obstétriciens y seront bien évidemment largement associés", a-t-elle expliqué.
Existent-ils des alternatives ?
Outre les maternités qui ont réduit considérablement le recours à l'épisiotomie, il existe des alternatives. Un exemple : la méthode Epi-no qui s'expérimente avec un "appareil de préparation du périnée", explique Madame Figaro. En clair, c'est "une sorte de ballon dégonflé relié à un manomètre par un tuyau et qui promet le Graal : muscler et assouplir le périnée et les fibres musculaires pour faciliter le passage du bébé et éviter déchirure et épisiotomie le jour J", poursuit le magazine.
A partir de trois mois et demi de grossesse et jusqu'à la veille de l'accouchement, la future mère va introduire le ballon dans son vagin, le gonfler à l'aide de légères pressions sur une pompe, puis l'expulser en tirant sur le tuyau. Une méthode qui semble faire ses preuves selon Gonzague Mellerio, gynécologue obstétricien à Paris. "Je faisais 46% d'épisiotomies avant 2008 et 25% après. Pour 2015, je compte 15% d'épisio", assure-t-il à Madame Figaro.
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