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Campagne contre le harcèlement sexuel dans le métro : "Une vision politiquement correcte", selon une sociologue

La campagne lancée dans les transports en commun d'Ile-de-France a été critiquée car elle ne montre pas des hommes, mais des animaux prédateurs. Au Royaume-Uni, au Canada ou aux Etats-Unis, de récentes campagnes sur le sujet n'ont, elles, pas utilisé de métaphore. 

Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Une affiche de la campagne contre le harcèlement sexuel dans les transports en commun franciliens. (RATP)

Un homme en costume s'approche d'une femme dans le métro. Il effleure son postérieur avec sa main. Elle se déplace, il la suit puis se colle contre elle. Elle sent son haleine et son entrejambe. Acculée, elle finit par sortir précipitamment à l'arrêt suivant. Cette scène explicite a été représentée dans une campagne contre les agressions sexuelles dans les transports publics diffusée au Royaume-Uni en 2015 et baptisée "Report it" ("Signalez-le").

Capture d'écran d'une vidéo dénonçant le harcèlement sexuel dans les transports à Londres (Royaume-Uni), en avril 2015.  (TRANSPORT FOR LONDON)

Point de requin, d'ours ou de loup pour représenter les auteurs de harcèlement sexuel, à l'inverse de ce qu'ont fait les autorités franciliennes ainsi que la RATP et la SNCF dans une campagne dévoilée lundi 5 mars

La présidente (LR) d'Ile-de-France, Valérie Pécresse, a justifié cette représentation animale par une volonté de ne pas stigmatiser les hommes, mais "les prédateurs"

Appeler un chat un chat

Comme l'ont signalé plusieurs internautes sur les réseaux sociaux, au Royaume-Uni, au Canada ou encore aux Etats-Unis, de récentes campagnes n'ont pas fait dans la métaphore pour aborder ce sujet. En 2011, une campagne contre les assauts sexuels commis sur des femmes sous l'emprise de l'alcool a fait baisser ce type d'agressions de 10% à Vancouver (Canada), comme le signale un article du Globe and Mail (article en anglais). Sur le visuel, un jeune homme lambda est représenté. 

Cette campagne "montre que n'importe quel homme peut commettre un viol. Elle cible le violeur potentiel, pas la victime", estime la blogueuse féministe Crêpe Georgette.

En 2016, une campagne menée à Boston (Etats-Unis) contre le harcèlement sexuel met elle aussi en scène des hommes. 

En France, ce n'est pas la première fois que la RATP choisit de représenter les auteurs d'infractions ou d'incivilités sous la forme d'animaux sauvages. Faut-il y voir une réticence spécifiquement française à appeler un chat un chat, notamment en matière de violences sexuelles faites aux femmes ? "Si on avait choisi des hommes, on aurait stigmatisé la moitié de la population. Or, on a besoin d'eux pour donner l'alerte. Cette campagne, elle s'adresse avant tout aux victimes et aux témoins", a expliqué à franceinfo la région Ile-de-France.

Des affiches contre le harcèlement sexuel dans les transports publics, à Paris, le 5 mars 2018. (MAXPPP)

Le "poids des lobbys masculinistes en France"

La sociologue Anne-Marie Devreux, chercheuse au Centre de recherches sociologiques et politiques de Paris sur les questions des rapports hommes-femmes, y voit malgré tout une tendance française à ne pas "nommer la cause et à ne montrer que les effets", en l'occurrence le sentiment de peur chez la femme. 

C'est une façon de gommer les rapports de domination entre les hommes et les femmes.

Anne-Marie Devreux, sociologue

à franceinfo

Une vision "politiquement correcte" dictée en partie, selon elle, par le "poids des lobbys masculinistes en France".

"Le fait de représenter la violence contre les femmes comme quelque chose d'incontrôlable et d'animal atténue la dimension sociale et culturelle de ces violences et déresponsabilise les hommes", abonde Laetitia César-Franquet, sociologue spécialiste du harcèlement dans l'espace public. De quoi participer "au maintien d'une domination masculine", ajoute-t-elle.

Une campagne qui fait parler d'elle

Selon la sociologue, cette nouvelle campagne française a toutefois le mérite de "faire parler d'elle"

Cette polémique est bienvenue car elle marque les esprits et attire l'attention sur le message important : appeler le 3117.

Laetitia César-Franquet, sociologue

à franceinfo

Laetitia César-Franquet, qui a comparé le traitement des violences faites aux femmes en France et en Espagne dans sa thèse, note toutefois que les campagnes de ce type restent trop épisodiques dans l'Hexagone et ne s'adressent pas suffisamment aux hommes, alors qu'elles devraient les associer afin de dénoncer ces faits. 

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