Age, sexualité, délais... Quatre questions sur le don du sang
A partir de 2016, les homosexuels pourront donner leur sang sous certaines conditions, a annoncé ce mercredi la ministre de la Santé. Une mesure qui ne résout pas toutes les questions.
C'est "la fin d'une discrimination et d'un tabou". La ministre de la Santé, Marisol Touraine, a annoncé, mercredi 4 novembre, lors d'un entretien au journal Le Monde, que les homosexuels pourraient donner leur sang à partir du printemps 2016 sous certaines conditions.
"Dans un premier temps, le don du sang sera ouvert aux homosexuels n’ayant pas eu de relations sexuelles avec un autre homme depuis douze mois", a précisé la ministre de la Santé. Une condition dénoncée par certaines associations comme SOS Homophobie, qui y voient "un maintien des discriminations fondées sur l'orientation sexuelle".
1Pourquoi les homosexuels ne pouvaient-ils pas donner leur sang ?
En France, l'interdiction de donner son sang pour les homosexuels relève de la circulaire du 20 juin 1983, sur la prévention de la transmission du sida lors des transfusions sanguines. "A cette époque, le monde entier découvre le virus du sida, les gouvernements cherchent à s'en protéger au maximum", explique le professeur Pierre Tiberghien, membre de l'Etablissement français du sang, à francetv info. Cette circulaire met en place plusieurs mesures pour prévenir toute propagation du virus, dont l'interdiction aux hommes homosexuels de donner leur sang.
Les homosexuels masculins sont considérés comme une "population à risque". Selon les données de l'Institut de veille sanitaire (INVS), en 2010, le risque d'exposition au VIH est 200 fois plus élevé lors d'une relation homosexuelle entre hommes, que lors d'une relation hétérosexuelle.
"Même si toutes les poches de sang sont testées après don, on ne peut pas détecter un sang contaminé depuis moins de douze jours, c'est ce qu'on appelle la fenêtre virologique", poursuit le professeur. "La priorité, c'est la sécurité du receveur, d'où ce principe de précaution". Cependant, pour les opposants à cette mesure, cette exclusion n'a plus lieu d'être trente ans plus tard, grâce aux progrès dans la détection du virus et l'entretien médical qui permet au donneur de parler librement de ses pratiques sexuelles.
2Plusieurs analyses de sang ne suffisent-elles pas à contrôler la présence du virus ?
Afin de s'assurer que leur sang n'est pas infecté par le VIH une fois passée la "fenêtre virologique", les donneurs hétérosexuels ou homosexuels féminins peuvent revenir faire une prise de sang. "Mais cela ne concerne que les dons de plasma – la partie liquide du sang qui sert notamment en chirurgie – car c'est le seul produit qui peut être mis en quarantaine", explique le professeur Pierre Tiberghien. Le don du sang total, la forme la plus courante où toutes les composantes du sang sont prélevées, ne peut être conservé et ne peut être contrôlé même avec plusieurs analyses de sang.
Ce mercredi, Marisol Touraine a annoncé que les homosexuels qui, au cours des quatre derniers mois, n'avaient pas eu de relation homosexuelle ou n'avaient eu qu'un seul partenaire pourraient aussi donner leur plasma, comme c'est le cas pour les hétérosexuels.
3Comment va-t-on contrôler les déclarations des donneurs ?
Pour que les homosexuels puissent donner leur sang, ils devront, comme les autres, répondre à un questionnaire et passer un entretien. "Cette décision garantit la sécurité du don", a souligné Marisol Touraine, qui veut "rassurer les receveurs". Le 17 mars 2015, la ministre avait déjà annoncé la modification du questionnaire, afin de mieux cibler les pratiques à risques, et de pouvoir in fine autoriser les homosexuels à donner leur sang.
"On part du principe que les gens jouent le jeu et sont honnêtes", explique le médecin Bruno Danic à Libération. "Il y a toujours un risque de mensonge, mais nous ne sommes pas des gendarmes, on fait confiance aux gens ainsi qu'à leur responsabilité", ajoute le professeur Tiberghien.
4Quelles sont les autres restrictions ?
Les homosexuels masculins ne sont pas les seuls à être exclus du don du sang. En France, cette pratique est soumise à une série de restrictions.
Ainsi, les donneurs doivent avoir entre 18 et 70 ans, explique l'Etablissement français du sang. Les personnes qui ont été transfusées ou greffées, qui se sont fait un piercing ou un tatouage depuis moins de quatre mois, ne peuvent donner leur sang car "il existe un risque de transmission de virus ou de bactéries à travers le matériel utilisé", détaille l'EFS.
Par ailleurs, en cas de maladies virales (grippe, gastro-entérite...), il faut attendre deux semaines après la fin des symptômes pour pouvoir donner son sang. Les soins dentaires sont aussi à risque : après tout traitement de carie ou un détartrage, il faut attendre vingt-quatre heures avant de donner son sang, pour éviter toute infection.
Attention aussi aux séjours à l'étranger. Les personnes qui ont vécu pendant au moins un an au Royaume-Uni entre 1980 et 1996 (risque d'exposition à la maladie de Creutzfeldt-Jakob, dite de "la vache folle") ne peuvent donner leur sang. La vie privée est aussi observée, puisque toute personne qui change de partenaire "doit attendre un délai de quatre mois pour donner son sang (...) même si elle a utilisé un préservatif".
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