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Copé envisage de manifester contre Hollande : "Un pari risqué"

Jean-François Copé envisage d'appeler la droite à descendre dans la rue. Mais cela peut-il fonctionner ? Difficilement, selon Florence Haegel, professeure à Sciences Po Paris, interviewée par francetv info. 

Article rédigé par Salomé Legrand - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Vue générale du rassemblement en faveur de l'enseignement libre, le 4 mars 1984 à Versailles (Yvelines). (PIERRE GUILLAUD / AFP)

POLITIQUE - La droite mécontente dans la rue ? Tout à sa campagne pour la présidence de l'UMP, Jean-François Copé, invité de RTL dimanche 28 octobre, a annoncé la couleur"Si vraiment François Hollande persiste dans l'idée de soumettre à nos assemblées des projets de loi qui viendraient à porter atteinte à l'intérêt supérieur de notre pays (...), je proposerai, comme nous l'avions fait en 1984 pour sauver l'école libre, que les Françaises et les Français qui s'indignent et qui s'inquiètent pour l'avenir de notre pays et des enfants de France se mobilisent dans la rue."

Quitte à en appeler à un mode de manifestation peu courant chez l'électorat de droite, plus habitué à clamer, à l'instar de Dominique Paillé, porte-parole de l'UMP en 2010 dans Le Point, que "ce n'est pas la rue qui gouverne". Une telle mobilisation peut-elle réussir ? Entretien avec Florence Haegel, professeur à Sciences Po Paris et auteure de Les droites en fusion (Les Presses de Sciences Po). 

Francetv info : Une manifestation de droite, c'est possible ?

Florence Haegel : Ce qui est certain, c'est que la manifestation n'est pas un répertoire d'action familier de la droite. Même si c'est plutôt un mode d'action qui s'est banalisé au niveau de la population en général, il a été très rarement adopté par la droite et toujours dans un registre de dramatisation. La droite, c'est avant tout des partis qui sont nés au pouvoir et non des partis nés dans l'opposition. Du coup, c'est à la fois le légitimisme, les valeurs liées au respect de l'ordre, et l'idée de ne pas être dans la transgression. 

Le répertoire traditionnel de la droite dans l'opposition, ce n'est pas la rue, c'est le lobbying, les pétitions, les interpellations, les tribunes dans la presse, des mobilisations plus sélectives. 

Pourtant, on a connu des manifestations de droite...

Effectivement, les deux grandes manifestations de droite que l'on connaît, importantes par le nombre de participants et par leur portée symbolique, ce sont celles du 30 mai 1968 (en réaction à la mobilisation des étudiants et des ouvriers) et du 24 juin 1984 (pour l'école libre et contre la loi Savary). A chaque fois, elles sont le point d'orgue d'une mobilisation qui gronde depuis un moment d'une part, et d'autre part, elles interviennent toujours en réaction à une mobilisation de gauche. 

Si Jean-François Copé lance un tel appel, cela peut-il marcher ? 

D'abord il faut souligner que Jean-François Copé est avant tout dans une logique de campagne interne. Cette déclaration, c'est en quelque sorte "si je suis élu, la mobilisation sera au cœur de ma présidence, les militants pourront s'exprimer". Après, si vraiment il appelait la droite à descendre dans la rue, je ne pense pas que l'on puisse changer comme ça les modes d'action de la droite. Pas maintenant.  

Pourquoi ?

On voit bien que dans son interview, Jean-François Copé hésite entre deux motifs de mobilisation. Le premier, ce serait la cohésion sociale, ("des projets de loi qui [..] porteraient atteinte à la cohésion de notre société" ). Mais le droit de vote des étrangers, de toute façon, ce n'est plus au centre de l'agenda. Et la question du mariage des homosexuels comprend bien une dimension idéologique et religieuse, mais elle ne renvoie pas à des préoccupations quotidiennes. Pour que la mobilisation soit réussie, il faudrait des relais. Comme en 1984 où les associations religieuses mais aussi des associations de parents d'élèves avaient accompagné la mobilisation. Là, il y a une vraie incertitude sur le fait que la question du mariage des homos mobilise autant que la question de l'école.

Quant aux questions économiques sur lesquelles Jean-François Copé entend mobiliser, c'est encore plus risqué. Un tel mouvement renverrait uniquement aux militants, et les militants, ça ne suffit pas à faire une grande manifestation. Le grand enjeu, c'est de mobiliser au-delà du parti et ce n'est pas évident, il faut s'allier avec d'autres acteurs comme les associations. Jean-François Copé veut protester contre les mesures qui "portent atteinte à l'interêt supérieur du pays d'un point de vue économique". Les questions qu'il soulève ici ne semblent pas assez précises, assez crédibles pour que les associations se lancent et mobilisent largement. 

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