Charlie Hebdo : comment parler d'un tel drame aux enfants ?
Mettre des mots sur l'horreur. L'indicible. Se rassembler, parler avec d'autres pour combler l'angoisse et résister au sentiment d'impuissance. Alors que les images et les informations affluent sur les réseaux sociaux notamment, comment aborder un tel évènement traumatique avec les enfants ?
Ne pas minimiser les faits
Claude Halmos, psychanalyste, est claire : pas besoin de chercher les bons mots, car il n'y en pas. "Les parents doivent parler comme ils peuvent ", et surtout ne pas minimiser les faits. "On dit les faits, mais le plus sobrement possible, en évitant que l'enfant puisse se fabriquer des images terrifiantes".
"Ce que fantasment les enfants, c'est toujours beaucoup plus grave que la réalité"
Minimiser les faits, c'est risquer que l'enfant sente qu'on lui ait menti ou pas tout dit. "A partir de là, il peut fantasmer n'importe quoi. Et ce que fantasment les enfants, c'est toujours beaucoup plus grave que la réalité ". "Et puis informer les enfants, c'est aussi et surtout les écouter : "savoir ce qu'ils savent, ce qu'ils ont compris, comment ils s'imaginent, surtout s'ils sont petits, parce que des enfants, à partir d'une information prise à la volée, peuvent inventer des choses dont nous n'avons pas idée, nous adultes ".
Raconter, expliquer, rassurer...
Alors comment faire ? Comment dire ou plutôt que dire ? Pour Claude Halmos, il faut non seulement raconter mais expliquer les faits. "Expliquer qu'il y avait un journal où des gens défendaient qu'on ait le droit d'avoir des idées différentes des autres, qu'il y a des gens de tout temps dans tous les pays du monde qui n'ont jamais supporté ça et qu'ils font la guerre à cela. A partir de là, on peut expliquer en quoi ce n'est pas possible de vivre en société avec de telles idées" . Raconter mais aussi rassurer, en disant que les policiers se mobilisent, avec le plan Vigipirate, dont beaucoup de jeunes auront certainement entendu parler, puisqu'il touche aussi les établissements scolaires.
Et puis l'action : une thérapie, selon Guillaume Denoix de Saint-Marc, président de l'association française des victimes de terrorisme. Il salue le mouvement citoyen initié dès mercredi. "Il faut donner l'occasion aux gens de pouvoir faire quelque chose : ça peut être allumer une bougie, se regrouper quand il y a des rassemblements ". L'action comme rempart à la peur et aux images de violence, dont il faut aussi préserver les enfants.
"Il faut apprendre aux jeunes à couper les flashs d'info en continu, pour avoir un moment de respiration".
Dessiner, aussi...
Pour les plus petits, le dessin est aussi un bon moyen de "faire sortir de soi ", selon la psychanalyste Claude Halmos. Beaucoup de jeunes sont d'ailleurs venus avec des dessins pour rendre hommage hier aux dessinateurs morts sous les balles des terroristes. Un beau symbole aussi que de donner à ces enfants l'occasion de s'exprimer avec les crayons, pour rejoindre "le sens de ce que peut être un dessin " et leur "importance pour la démocratie ".
Former les enseignants
Outre les parents et l'entourage proche, les éducateurs jouent aussi un rôle décisif, d'où l'importance de l'éducation aux médias et à l'information, explique Divina Frau-Meigs, spécialiste de l'éducation et des médias. "Il faut former les enseignants à décrypter, de manière à ce qu'ils puissent eux-mêmes aider les enfants à décrypter ce qu'ils ont vu, ce qu'ils ont vécu, ce qui circule sur les réseaux sociaux, et aussi les aider à prendre de la distance ".
Donner des repères, remettre de la parole, y compris hors des murs de l'Ecole, en emmenant par exemple les jeunes dans des lieux où ils peuvent exercer leur opinion et leur esprit critique. "Je pense par exemple à des actions comme Cartooning for Peace, de Plantu ".
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