Contrôle des entreprises stratégiques, gel des avoirs... Comment la France peut lutter contre les ingérences étrangères
Les élus, hauts fonctionnaires, entreprises mais aussi les milieux académiques sont-ils dans le déni face à la menace d'ingérence étrangère ? C'est en tout cas ce que pensent les parlementaires de la délégation au renseignement dont le rapport annuel, publié ce jeudi 2 novembre, est accablant. Le document évoque ainsi une menace "protéiforme, omniprésente et durable", qui s'explique par un changement radical de contexte géopolitique.
Selon ces députés et sénateurs, la scène internationale est ainsi passée d'un monde de compétition à un monde de confrontation : régimes autoritaires d'un côté, démocraties occidentales de l'autre, avec toujours l'espionnage classique. L'affaire Pegasus en est un exemple, du nom de ce logiciel espion vendu notamment au Maroc, qui a permis d'espionner Emmanuel Macron et une bonne partie du gouvernement. Mais le danger qui prend de l'ampleur, ce sont les fausses nouvelles avec des campagnes de manipulation de l'information à grande échelle, comme lors de la présidentielle américaine 2016, le référendum britannique sur le Brexit, ou encore les MacronLeaks en 2017 (la mise en ligne de milliers de documents piratés au sein du mouvement En Marche).
Trois pays particulièrement actifs en matière d'ingérence
La Russie est citée en premier, avec différents modes opératoires. Les parlementaires parlent même de "signature russe" en pointant, par exemple, la nomination d'ex-dirigeants européens aux conseils d'administration de grands groupes russes. C'est le cas de l'ancien chancelier allemand Gerhard Schröder et de l'ancien Premier ministre François Fillon, même si tous deux ont été contraints à la démission avec le conflit russo-ukrainien. Quant aux fake news, le rapport estime que la fermeture en France de la télévision RT et de l'agence de presse Sputnik a permis de diminuer la portée de la guerre informationnelle.
Deuxième pays pointé du doigt : la Chine, avec une stratégie d'infiltration des institutions publiques et privées. En cause notamment, le financement de structures universitaires de taille moyenne, ciblée car manquant parfois de moyens et de reconnaissance.
La Turquie est également citée mais dans une moindre mesure, notamment en utilisant la diaspora pour relayer les positions hostiles aux Kurdes et aux Arméniens. Mais aussi avec l'entrisme en politique ou encore la pratique religieuse, avec le détachement d'imams au sein de mosquées jusqu'alors autorisé et qui a permis à la Turquie de peser sur l'Islam de France. Une présence active sur les réseaux sociaux permet par ailleurs de diffuser des messages hostiles à des lois, comme celle sur le séparatisme.
La délégation au renseignement appelle à une nouvelle loi
Toute une série de préconisations est ainsi listée. Les parlementaires recommandent notamment de rendre obligatoire l'enregistrement des acteurs influant sur la vie publique française pour le compte d'une puissance étrangère, comme cela se fait aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni. Le contrôle des participations étrangères dans les entreprises françaises stratégiques devrait être élargi, les avoirs de toute personne ou structure favorisant les intérêts d'une puissance étrangère gelés.
Le rapport suggère également de mettre en place un algorithme, avec la coopération des fournisseurs d'accès internet pour mieux détecter les actions des services de renseignements étrangers, alors que la pratique se limite pour l'instant à l'antiterrorisme.
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