Que reproche-t-on au documentaire du commandant Cousteau, "Le Monde du silence" ?
Près de soixante ans après la sortie en salles de ce documentaire, une chronique critique la violence de l'exploration sous-marine menée par l'équipe de la "Calypso".
"Un film naïvement dégueulasse." Gérard Mordillat, romancier et cinéaste, ne mâche pas ses mots dans sa chronique sur le documentaire Le Monde du silence, qui a révélé l'océanographe Jacques-Yves Cousteau. Près de soixante ans après la remise de la Palme d'or à ce film sur l'exploration sous-marine, en 1956, le chroniqueur affirme dans l'émission web "Là-bas si j'y suis" du 23 juin que le but de l'océanographe était de "faire chier les poissons et toute la faune sous-marine".
>> Lire aussi le témoignage d'un des plongeurs du "Monde du silence" : "Nous étions inconscients, pas dégueulasses"
Que reproche-t-on exactement au documentaire du commandant Cousteau ?
De comporter des scènes cruelles envers la faune marine
L'équipage de la Calypso est accusé de maltraiter poissons et autres occupants des mers pour son amusement. Gérard Mordillat cite notamment une scène dans laquelle un plongeur s'accroche au dos d'une tortue marine jusqu'à l'essouffler.
Un peu plus loin dans le documentaire, un bébé cachalot est lacéré par les pales d'hélice du bateau. L'animal est "achevé au fusil alors que les requins le dévorent", raconte Slate. Une scène qui vaut aux marins d'être comparés "aux pires viandards qui aujourd'hui massacrent les requins pour leus ailerons et les rejettent à la mer pleins de sang, agonisants..."
De reposer sur des méthodes scientifiques douteuses
Autre scène critiquée par Gérard Mordillat : le dynamitage d'un récif de corail par l'équipe de la Calypso. Une opération qui a tué pas moins d'un millier de poissons. Dans le documentaire, le commandant Cousteau reconnaît un "acte de vandalisme". "Mais c'est la seule méthode qui permette de faire le recensement de toutes les espèces vivantes", justifie l'océanographe.
François Sarano, océanographe et compagnon de Jacques-Yves Cousteau durant treize ans, maintient que des méthodes comparables sont employées aujourd'hui. "Lorsqu'un scientifique souhaite découvrir une espèce, il effectue un prélèvement, il est donc obligé de tuer l'animal", explique-t-il à L'Express. Aujourd'hui, plus de dynamite pour achever les poissons, mais du poison.
D'avoir été aveugle aux signes annonçant la destruction massive des océans
Le Monde du silence est un film "prophétique", selon Gérard Mordillat. Le chroniqueur estime en effet que le documentaire annonçait, dès 1956, le sort réservé aux océans. "C'est bien le silence qui couvre aujourd'hui cette destruction massive des récifs de coraux, l'extermination des animaux marins (...), le cynisme de tous les gouvernements au nom de la science, de la recherche et du profit", affirme-t-il. Et de s'interroger sur "l'aveuglement" de l'équipage et du public au moment de la sortie du film.
Un aveuglement en partie lié à l'époque, selon François Sarano. "Cette réaction est normale, mais il est nécessaire de remettre le film dans son contexte, insiste le scientifique. Notre planète comptait 2,7 milliards d'habitants, la mer était une donnée inconnue et, à nos yeux, elle représentait une corne d'abondance inépuisable."
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