"Ma thèse en 180 secondes" : les trois finalistes français veulent faire sortir la science de sa "tour d'ivoire"
Mathieu Buonafine, Nicolas Urruty et Bertrand Cochard font partie des finalistes du concours international francophone, qui a lieu, jeudi, au Maroc. Franceinfo les a interrogés.
Trois minutes pour résumer des années de recherche. La finale internationale francophone de "Ma thèse en 180 secondes" a lieu, jeudi 29 septembre, à Rabat (Maroc). Trois Français font partie des derniers doctorants en lice. Ils devront chacun présenter leur sujet de recherche devant un jury et un public profane, avec précision et humour. Un sacré défi.
"Le plus difficile, c'est d'arriver à condenser sa thèse tout en la rendant accessible à tous", explique Mathieu Buonafine, doctorant en physiopathologie cardiovasculaire à l'université Pierre-et-Marie-Curie, à Paris. L'enjeu de ses recherches : comprendre le fonctionnement du récepteur minéralocorticoïde, qui aide à réguler la pression artérielle au niveau du rein, mais qui joue également un rôle dans de nombreuses maladies cardiovasculaires.
Faire découvrir au public des sujets "complètement obscurs"
"Des spectateurs des finales régionales ou nationales de 'Ma thèse en 180 secondes' sont déjà venus me voir en me disant qu'ils étaient contents de se rendre compte qu'ils pouvaient découvrir un peu mon sujet, alors qu'il leur semblait complètement obscur à l'origine", ajoute Mathieu Buonafine, qui a remporté le premier prix lors de la finale française, le 31 mai, à Bordeaux (Gironde).
"Le plus complexe est de simplifier sans pour autant s'éloigner du sujet ou travestir nos idées", détaille Bertrand Cochard. Le doctorant en philosophie à l'université de Nice Côte d'Azur (Alpes-Maritimes) a obtenu le deuxième prix lors de la finale française, en expliquant ses recherches sur le phénomène de "réification" (le fait de traiter des individus comme des choses, des moyens pour atteindre un but) dans l'œuvre du philosophe Guy Debord. "Je sais que j'ai réussi à toucher les gens parce que certains sont venus me demander des références sur son œuvre, des conseils de lectures", poursuit Bertrand Cochard.
"J'ai réussi à toucher les gens"
Tout comme Mathieu Buonafine, le doctorant en philosophie prononcera le même texte lors de la finale internationale que lors du concours en France. Mais pas question de "se prendre les pieds dans le tapis" : les deux concurrents veulent maîtriser leur discours sur le bout des doigts.
"Depuis mai, je répète le texte cinq à six fois par semaine : ça me trotte dans la tête même si je ne le prononce pas à voix haute, avoue-t-il. Je l'ai testé avec les formateurs, qui me font répéter, et avec ma fiancée, qui l'a déjà entendu pas mal de fois. C'est une bonne oreille, car elle ne fait pas de philo : si elle ne comprend pas, c'est que ça ne sera pas clair pour le public."
Pour Nicolas Urruty, doctorant à l'Institut national de recherche agronomique de Paris, la préparation passe par une réécriture complète de son texte. "Avant chaque finale, je change tout et je me remets la pression, pour être à nouveau à fond", confie le scientifique. Il étudie les pratiques qui permettront aux agriculteurs de mieux s'adapter aux changements climatiques, tout en réduisant leur utilisation de pesticides.
"Il n'y a pas vraiment de compétition entre nous"
Mais les trois doctorants entendent bien profiter de cette finale internationale pour "s'amuser". "Lors de ce concours, on entend parler de sujets qu'on ne connaît pas du tout, ça attise la curiosité", indique Bertrand Cochard. Les candidats de "Ma thèse en 180 secondes" ne concourent, en effet, pas dans différentes catégories : le jury doit départager des doctorants qui évoquent aussi bien la philosophie que l'histoire, la biologie ou l'astrophysique.
"C'est intéressant de sortir du contexte des gens qui se concentrent sur un même thème", abonde Mathieu Buonafine. Le doctorant en biologie a ainsi été particulièrement marqué par une intervention sur l'histoire des batailles navales, lors de la finale régionale de "Ma thèse en 180 secondes". "Nous sommes tous ici pour vulgariser nos travaux, ce qui nous rend à même d'en parler à tous, y compris à des doctorants qui travaillent dans un domaine totalement différent", poursuit Mathieu Buonafine.
Résultat, l'ambiance du concours est bon enfant. "Il n'y a pas vraiment de compétition entre nous, estime encore le biologiste à l'Université Pierre-et-Marie-Curie. C'est, au contraire, très fair-play : on s'encourage, on s'applaudit, on s'intéresse aux projets des autres... J'espère que l'ambiance sera aussi sympathique à Rabat !"
Valoriser la recherche scientifique
Les trois doctorants ne perdent pas pour autant de vue l'enjeu principal de ce concours. "Il est aujourd'hui essentiel que les scientifiques utilisent les outils de la communication pour expliquer ce qu'ils font et casser cette image de tour d'ivoire, insiste Nicolas Urruty. Nous avons besoin que la science soit reconnue et valorisée afin qu'elle ne soit pas remise en cause comme c'est le cas actuellement dans certains domaines."
"Si j'arrive à intéresser le public marocain à Guy Debord, comme j'ai pu le faire à Bordeaux, ce sera déjà beaucoup, acquiesce Bertrand Cochard. Et si, en plus, je peux ramener un prix à l'université de Nice-Côte-d'Azur, qui s'est beaucoup investie dans ce concours, ça serait un joli remerciement !"
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