Crash d'une navette spatiale : les trois signes qui auraient dû alerter Virgin Galactic
Une experte de la sécurité spatiale affirme avoir plusieurs fois prévenu la société de Richard Branson sur les dangers du moteur utilisé pour ce vaisseau. En interne, les ingénieurs eux-mêmes auraient été conscients du risque.
Virgin Galactic a "ignoré" des consignes de sécurité ces dernières années. C'est ce qu'affirme une experte de la sécurité spatiale, dimanche 2 novembre, après l'accident mortel du vaisseau SpaceShipTwo de la compagnie du milliardaire Richard Branson, vendredi dans le désert californien. Cette navette spatiale commerciale s'est écrasée au cours d'un vol d'essai dans le désert de Mojave, au nord-est de Los Angeles, après s'être séparé de son avion de lancement WhiteknightTwo. La nouvelle formule de carburant utilisée pour la navette, à base de plastique au lieu du caoutchouc, a été mise en cause. L'accident a entraîné la mort du pilote, Michael Alsbury, et blessé gravement son copilote, Pete Siebold.
"La sécurité a toujours été notre priorité", a martelé Richard Branson, samedi, ajoutant que Virgin n'allait "pas continuer aveuglément" son rêve de tourisme spatial. Le milliardaire britannique avait samedi anticipé et critiqué les spéculations portant sur les causes de l'accident. "Je trouve quelque peu irresponsable que des gens, qui ne savent pas de quoi ils parlent, s'expriment là-dessus avant que le NTSB (le bureau national de la sécurité aérienne) ne rende ses observations", avait-il affirmé. Mais dans les médias anglo-saxons, de nombreux experts assurent que ce drame n'a rien d'une surprise.
Un moteur critiqué depuis 2007
Spécialiste des fusées de lancement à l'Association internationale pour la promotion de la sécurité spatiale (IAASS), Carolynne Campbell est catégorique : "Je les ai avertis que le moteur de la fusée était potentiellement dangereux", explique-t-elle à l'AFP. Cette experte assure qu'elle a tenté d'avertir Virgin Galactic depuis 2007, quand l'explosion d'un moteur avait tué trois ingénieurs d'un de ses partenaires sur le projet.
En 2009, Carolynne Campbell affirme avoir envoyé des copies d'un article scientifique rédigé pour l'IAASS concernant les dangers du système de propulsion "à différentes personnes de Virgin Galactic, mais il a été ignoré". Citée également dans le journal britannique Sunday Telegraph, elle a ajouté que "cette explosion n'est pas une surprise. Pas du tout, je suis désolée de le dire. C'est exactement ce à quoi je m'attendais". Elle compare même les tests de Virgin à de la "roulette russe".
Des méthodes qui manquaient de transparence
Toujours dans le Sunday Telegraph, Tommaso Sgobba, un ancien de l'IAASS, n'est pas tendre avec les méthodes de Virgin Galactic. "Ils travaillaient dans le secret, ce qui est difficile à comprendre", déplore-t-il. Les représentants de la compagnie de Richard Branson auraient refusé de répondre aux invitations de l'IAASS, et n'ont pas laissé des ingénieurs extérieurs se pencher sur le design du moteur. "Il n'y a eu aucune supervision indépendante" de leur travail. Pour Tommaso Sgobba, les pratiques de Virgin Galactic sont loin des standards de sécurité moderne. Leur méthode ? Simplement de tester leurs engins et "voir ce qui se passe", tance l'expert.
Les ingénieurs eux-mêmes convaincus du danger
"Tous les ingénieurs travaillant sur le projet à qui j'ai pu parler ont affirmé qu'il était très dangereux", assure de son côté Tom Bower, auteur d'une biographie de Richard Branson parue cette année, et qui mentionnait les doutes concernant la sécurité du projet. "Pas plus tard qu'il y a quelques semaines, le dernier d'une longue série d'ingénieurs de Virgin Galactic a quitté les ateliers et assuré qu'il n'y travaillerait plus jamais", raconte-t-il à la BBC. Depuis la fin 2013, l'entreprise de Richard Branson a perdu son ingénieur en chef en charge de l'aérodynamisme, son vice-président en charge de la propulsion, et, plus inquiétant, son vice-président chargé de la sécurité.
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