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Le télescope Hubble, une merveille de science qui a frôlé le bide intersidéral

Depuis vingt-six ans, ce télescope développé par la Nasa en partenariat avec l'Agence spatiale europénne immortalise les trous noirs, les explosions d'étoiles et l'expansion de l'univers. Sa durée de vie vient d'être prolongée de cinq ans. 

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Une photo de la galaxie M82, transmise par Hubble le 23 décembre 2010.  (NASA / AFP)

Hubble est trop près de nous –600 km– pour réaliser un selfie potable. En revanche, le télescope mis en orbite il y a vingt-six ans autour de la Terre, reste l'invention humaine qui se rapproche le plus de la machine à voyager dans le temps, capturant avec son objectif des scènes survenues juste après le Big Bang, il y a 13 milliards d'années. Jeudi 23 juin, la Nasa a annoncé le renouvellement pour cinq ans de sa mission. Le photographe le plus cher, le plus doué et le plus aventureux de la galaxie "va mieux que jamais", s'est même félicitée l'agence spatiale américaine (lien en anglais). Pour preuve, il nous faisait découvrir, pas plus tard que vendredi, la beauté d'un amas stellaire du Grand Nuage de Magellan, aux portes de la Voie lactée. 

Prévu à l'origine pour fonctionner jusqu'en 2005, Hubble ne devrait pas prendre sa retraite avant 2021. Un exploit de longévité pour cette machine née dans la douleur et maintes fois condamnée à mort. Retour sur la carrière épatante d'une fenêtre sur l'univers. 

Du rêve à la réalité : 70 ans de retards à l'allumage 

L'idée d'envoyer un télescope dans l'espace pour observer les étoiles a germé dans les années 1920, dans la tête d'un Allemand mordu de Jules Verne, Hermann Oberth. A l'époque, les scientifiques ont bien conscience que l'atmosphère terrestre fait obstacle à l'observation des astres, car il absorbe en grande partie la lumière des étoiles. Mais s'aventurer dans l'espace relève encore de la science-fiction. 

Dans les années 1940, l'astrophysicien américain Lyman Spitzer évoque à son tour un projet de grand télescope en orbite. Mais ce n'est que dans les années 1960, en pleine "course à l'espace" contre l'URSS, que la communauté scientifique adhère au projet. Reste un problème de taille : l'argent. Le Congrès américain valide son financement en 1977, mais il ne cesse de revoir son budget à la baisse, forçant les ingénieurs de la Nasa à adapter leurs ambitions. Le miroir du télescope passe ainsi de 3m50 à 2m40. En 1983, ils rebaptisent leur bébé "Hubble" –du nom de l'astronome qui a démontré l'expansion de l'univers– et achèvent sa construction en 1985, très en retard sur le calendrier. 

Une navette spatiale doit mettre Hubble en orbite en octobre 1986. Mais le 28 janvier de cette même année, sept personnes sont tuées dans l'explosion de la navette Challenger. En pleine crise, la Nasa annule tous les lancements, celui de Hubble inclus. Le télescope est finalement mis en orbite le 24 avril 1990 –quelques mois après la mort d'Hermann Oberth, qui n'a jamais vu sa prédiction se réaliser–, embarqué à bord de la navette Discovery. A ce stade, le télescope a déjà coûté 1,5 milliard de dollars, pèse 11 tonnes et fait la taille d'un bus scolaire. 

Trois ans dans le flou 

Après ce lancement réussi, le répit des ingénieurs est de courte durée. Le 20 mai 1990, Hubble transmet à la Terre sa première photo : deux malheureux points blancs, bien plus nets que sur le cliché obtenu depuis un observatoire terrestre, mais largement en dessous de leurs espérances. Gros malaise à l'agence spatiale. "Les mois qui ont suivi le lancement ont été un vrai cauchemar", se souvient Jean Olivier, ancien ingénieur en chef d'Hubble, cité par Nature (en anglais) en 2015. "Nous venions de lancer un télescope dans l'espace, et il pouvait à peine voir. Je me sentais terriblement mal."

D'abord convaincu de pouvoir régler le problème depuis la Terre, l'équipe perd le moral quand, en pleine réunion, le responsable de l'équipe Optique du projet tranche : "Vous avez une aberration sphérique [un défaut du système optique], et il n'y a rien que vous puissiez faire", se souvient David Leckrone, un des scientifiques impliqués, cité en 2015 par The Guardian (en anglais). En effet, pour corriger ce défaut, il faut intervenir directement sur les miroirs, lesquels se baladent à 600 km au-dessus de nos têtes.

Pendant de longs mois, l'équipe craint que la Nasa ne mette fin au rêve Hubble. Pourtant, un dispositif correcteur, baptisé Costar ( pour "Corrective optics space telescope axial replacement"), est développé dans le Colorado. Parmi les ingénieurs mobilisés figure John Hetlinger. Pour l'anecdote, cet homme, aujourd'hui retraité, a été découvert en juin 2016 par le grand public pour une reprise décoiffante d'un groupe de métal dans l'émission "America's got talent"

Pour sauver Hubble, sept astronautes embarquent à bord de la navette Endeavour, en 1993. "C'était la première fois que nous essayions de réparer un satellite. Il fallait pour cela que cinq sorties dans l'espace se déroulent sans accrocs", se souvient Edward Weiler, ancien ingénieur en chef. Egalement interrogé par Nature, il prédit, à l'époque, "un taux de réussite de 50%". "Mais tout s'est passé comme prévu. J'avais l'impression d'être dans un rêve", a-t-il raconté. 

Un incroyable voyage dans le temps

"Nous étions tous entassés derrière un petit écran, à attendre que la première image arrive. Cela a peut-être pris cinq secondes, mais ça m'a semblé être six heures", raconte l'ingénieur au Guardian. Pour Antonella Nota, scientifique de l'Agence spatiale européenne, citée par le quotidien, "c'est comme si ces trois années de douleur disparaissaient d'un coup". Hubble peut enfin accomplir sa mission et, dès mai 1994, il immortalise le crash de la comète Shoemaker-Levy 9 sur la surface de Jupiter. Quelques jours plus tard, les images qu'il transmet confirment l'existence de trous noirs dans une galaxie voisine, M-87. 

Des photos prises par le télescope Hubble en mai 1994.  (Hubblesite.org)

L'année suivante, Hubble prend une photo de la nébuleuse de l'Aigle. Rebaptisée "les piliers de la Création", elle devient l'une des images les plus célèbres de l'espace. 

"Les piliers de la Création", photographiés par Hubble, en 1995.  (HUBBLE AND THE HERITAGE TEAM / ESA/HUBBLE)

Les découvertes se suivent, tandis que les missions de maintenance se déroulent sans accrocs sur le télescope, en 1997, 1999, 2002 et 2009. Grâce à Hubble, en 2012, des chercheurs de l'université américaine John-Hopkins révèlent être parvenus à remonter le temps jusqu'à il y a 13 milliards d'années, en pointant le télescope vers une zone complètement dépourvue de lumière. "Le télescope a permis, pendant des jours et des jours, de faire un très long temps de pose", expliquait à RFI, Roger-Maurice Bonnet, astrophysicien et directeur des programmes scientifiques de l’Agence spatiale européenne (ESA), interrogé pour le 15e anniversaire du lancement de Hubble. "Dans cette région, noire comme du charbon cosmique, il y avait en fait une énorme quantité de galaxies. Les plus lointaines que l’on puisse observer ! Elles sont si loin qu’elles sont invisibles pour notre œil et pour les télescopes au sol, mais elles ne le sont pas pour les yeux très perçants et très stables de Hubble."

En 2018, le télescope spatial James-Webb, développé conjointement par la Nasa, l'Agence spatiale européenne (ESA) et l'Agence spatiale canadienne (CSA), doit succéder à Hubble. Sa mission : observer l'espace dans l'infrarouge, un rayonnement que son prédécesseur était incapable de capter. Surtout, il doit permettre de remonter jusqu'aux premiers instants qui ont suivi le Big Bang. Une nouvelle mission vers l'infini et au-delà, pour mieux nous raconter l'histoire de notre univers : une aventure qui commence dans une galaxie lointaine, très lointaine.

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