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Une épidémie de peste est-elle possible en France comme à Madagascar ?

Alors que cette maladie a tué là-bas 39 personnes, francetv info revient sur les éventualités de son retour dans l'Hexagone.

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Des centaines de personnes nettoient leurs vêtements dans la rivière Ikopa près d'Antananarivo, la capitale de Madagascar, le 25 octobre 2013. (SCHALK VAN ZUYDAM / AP / SIPA)

La peste a fait 39 morts à Madagascar. Le ministère de la Santé publique du pays l'a annoncé, jeudi 12 décembre. Un médecin de la direction générale de la santé à Antananarivo, la capitale, a précisé que 90% sont des cas de peste pulmonaire, plus grave que la peste bubonique, la plus répandue, ou la peste noire.

En Europe, la peste est la grande maladie des livres d'histoire. Au XIVe siècle, entre 1347 et 1350, elle a tué plus d'un tiers de la population du continent. Au total, elle a causé trois vagues de pandémies, c'est-à-dire des épidémies mondiales. Bilan : 200 millions de victimes.

A l'échelle mondiale, elle n'a pas été éradiquée. Entre 2000 et 2009, quelque 21 725 cas de peste et 1 612 décès ont été recensés dans le monde, selon une étude parue cet été dans la revue The American Journal of Tropical Medicine and Hygiene (en anglais).

Pourrait-elle faire son grand retour en France ?

Oui, elle n'a pas complètement disparu

La peste est encore présente dans quelques parties du globe comme l'Afrique, le Moyen-Orient ou certains pays d'Asie. Parmi les foyers actuels, on trouve, entre autres, le Congo, la Chine ou les Etats-Unis. "Chaque année, aux Etats-Unis, on enregistre une dizaine de cas, notamment dans le Sud, sur la côte Ouest", précise à francetv info François Bricaire, chef du service maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris.

Il souligne que Madagascar est régulièrement concerné : "Là-bas, c'est habituel. L'île fait partie des rares foyers actifs de la peste." C'est ce que montre ce reportage de l'AFP.

Dans ce contexte, "il y a toujours un risque" d'une entrée sur notre territoire d'un agent infectieux, relève-t-il. Les échanges commerciaux et les voyages de particuliers mondialisés facilitent la propagation des maladies.

Et certains foyers de peste ne sont pas si éloignés de la France métropolitaine. En 2003, des cas de peste ont été signalés à Oran, en Algérie, faisant un mort. "Mais il n'y a pas d'inquiétude à avoir. Le système général joue parfaitement son rôle pour repérer, signaler et prendre en charge d'éventuels cas", rassure François Bricaire. En effet, même à Madagascar, l'un des pays les plus pauvres du monde, la veille est efficace. "Malgré les moyens limités, on constate une assez bonne surveillance de la maladie grâce à un système de statistiques d'un niveau correct", a expliqué à RFI Jean-Yves Clémenzo du Comité international de la Croix-Rouge, en octobre.

Reste qu'en France, les derniers cas de peste datent de 1945, en Corse. On a recensé 13 cas officiels dont 10 décès, selon France Culture. Depuis, rien à signaler. "Je suis infectiologue depuis 35 ans, et je n'ai jamais vu un seul cas de peste dans notre pays", témoigne François Bricaire.

Non, les traitements antibiotiques sont efficaces

"Nous ne sommes plus au Moyen-Âge. Aujourd'hui, nous connaissons la peste et nous la contrôlons parfaitement bien. Les traitements antibiotiques sont efficaces et permettent de guérir les personnes atteintes", déclare l'infectiologue. "J'ai vécu au Nouveau-Mexique, qui est un Etat américain où il y a énormément de réserves indiennes. Tous les ans, dans ces réserves, il y avait des épidémies de peste, modestes, curables. Cela ne posait pas de gros problèmes", a raconté sur France Info Norbert Gualde, professeur d'immunologie à l'université Bordeaux II, en mars.

Toujours est-il qu'il n'existe toujours pas de vaccin contre la peste. Cette maladie "ne touche qu'une petite partie des gens, et dans des pays en développement. Il n'y a donc pas eu d'efforts importants, financiers notamment, des pays développés, qui considèrent cette maladie comme anecdotique", a expliqué au Point Elisabeth Carniel, responsable de l'unité Yersina de l'Institut Pasteur et du centre national de référence de la peste.

Non, la lutte contre les rats s'est améliorée

Ces rongeurs peuvent être porteurs de la peste. La maladie se transmet aux humains par l'intermédiaire des puces. Lorsque les rats meurent, elles peuvent sauter sur les hommes pour continuer à se nourrir. Et si le rat est infecté, elles peuvent transmettre le virus via leurs piqures.

La prévention contre la peste passe donc par la dératisation. A Paris, la légende veut qu'il y ait deux rats par habitant. Mais aucun chiffre officiel ne donne d'estimation. Si ces animaux sont encore nombreux dans la capitale, la situation s'est largement arrangée ces dernières années. "L'amélioration constante de l'habitat a permis de résorber les gros problèmes que l'on pouvait rencontrer il y a encore une vingtaine d'années dans certains quartiers insalubres, comme la Goutte-d'Or", a déclaré Jean-Michel Derrien, chef de l'unité de prévention des nuisances animales de la préfecture de police de Paris, au Parisien, en avril. Sans compter que la désinsectisation aussi a fait des progrès.

Bref, la peste ne risque pas de faire son retour en France. Mais elle pourrait réapparaître à cause d'une attaque terroriste. Extrêmement pathogène, le bacille de la peste a été classé au début des années 2000 dans les agents infectieux susceptibles d'être utilisés à des fins de bioterrorisme, a indiqué Le Figaro. Selon un document (PDF) publié en 2006, l'hypothèse est prise au sérieux par le ministère de la Santé.

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