Violences conjugales : quel est le rôle des médecins légistes ?
Il y a une semaine, Delphine a porté plainte contre son mari violent. Ce jour-là, elle consulte un médecin légiste, qui doit évaluer l’ampleur de son traumatisme. Un témoignage glaçant qui sera peut-être décisif pour lancer des poursuites pénales : « J’ai ouvert la porte du salon il s’est précipité sur moi il m’a attrapée il m’a jetée dans les toilettes. Après je ne me rappelle plus ce qu’il s’est passé. Je me suis levée il a essayé de me menacer avec le poing c’était pour m’impressionner et après, bloquée contre lavabo il m’a pris et tordu le cou dans tous les sens. J’ai voulu porter plainte le soir-même car ce n’est pas la première plainte que je dépose plainte."
Des années de souffrance
C’est la deuxième fois que Delphine décide de porter plainte. Avant d’y arriver, elle a enduré des années de souffrance. Pour les femmes victimes de violences conjugales, la démarche est très difficile à entamer, comme l’explique le Dr Annie Soussy médecin légiste : « Il y a beaucoup de freins, c’est surtout la peur des représailles, la peur physique et psychologique qui est énorme, c’est pour ça qu’elles ne portent pas plainte après les premiers faits. »
Après avoir partagé 20 ans de vie commune, le couple a décidé de divorcer. Mais le compagnon de Delphine devient de plus en plus violent. Elle raconte son calvaire : « Je rentre dans la voiture pour aller à l’aéroport et là il me dit : de toute façon maintenant je vais te tuer. J’ai pris peur car il a déjà été menaçant et on est tout seuls dans la voiture. Il rentre dans un champ, s’arrête… il commence à enlever sa montre et me dit maintenant "je vais te finir, t’es moins fière maintenant que t’es toute seule, je vais te tuer…" Là j’ai eu vraiment peur, sa manière d’enlever sa montre, comme de se préparer. Il a une façon de faire, je sais pas à quel moment il va péter un câble.»
"Je vérifie sans cesse qu'il n'est pas chez moi"
A fleur de peau, fragilisée psychologiquement, Delphine vit dans un climat de peur permanent. Même s’ils n’habitent plus ensemble son compagnon a toujours un double des clés pour venir s’occuper de leurs enfants. « J’ai développé une tactique. J’ouvre la porte je mets mon sac pour laisser la porte ouverte et que la lumière du couloir rentre. Je commence j’ouvre la porte des toilettes, j’ouvre la porte de salle-de-bains, j’ouvre la cuisine, je vérifie les placards du couloir, ensuite je fais le tour pour être sûre qu’il ne rentre pas, puis je fais les pièces une par une et quand je reviens je vérifie qu’il n'est pas rentré et à ce moment-là je ferme le loquet. Je fais ça chaque fois que je rentre » décrit-elle.
Violence psychologique
Après des années de manipulation, de menaces, et de domination … C’est cette violence psychologique qui détruit Delphine. Le médecin légiste prend note de tout ce que lui Delphine. Elle est chargée de rédiger un certificat qui sera ensuite transmis à la justice. « Ce qui nous est demandé c’est de décrire de la façon la plus précise possible. C’est un constat de toutes les blessures présentées par la personne. Evidemment au cours de notre examen on va évaluer le retentissement psychologique que la personne présente ».
L’autre mission du médecin c’est d’évaluer l’ITT pénale de la patiente : l’incapacité totale de travail. C’est la période pendant laquelle la victime n’est pas en mesure de vivre sa vie normalement, à cause de son traumatisme. Il explique : « Une fois que le certificat va arriver chez le policier il va en faire part au procureur qui a aussi les données de l’enquête, peut demander d’autres précisions et c’est le procureur qui va prendre une décision concernant ce dossier. On est au début de l’enquête judiciaire. »
Le certificat médical permettra au Procureur de déterminer le degré de gravité des violences et ainsi de décider si des poursuites pénales doivent être engagées contre le conjoint de Delphine.
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