Rouen : Lubrizol venait de bénéficier d’une réglementation moins contraignante
Deux mois seront nécessaires pour nettoyer le site de l’incendie qui a touché l’usine Lubrizol. L'opération consiste à évacuer les 160 fûts de produits dangereux endommagés.
Leur quantité venait d’être augmentée huit mois auparavant car l'exploitant avait obtenu l’autorisation d’en entreposer 4 000 tonnes supplémentaires. Et ce, sans nouvelle étude environnementale, ni nouvelle étude de danger malgré le classement « Seveso seuil haut » du site. L’entreprise a bénéficié de l’évolution de la réglementation de ces dernières années.
Une simple procédure auprès du préfet
Pour être autorisé à stocker plus de produits, l’exploitant a adressé une demande à la préfecture en janvier dernier. Il s'agit d'un formulaire administratif à compléter permettant au préfet d’évaluer, ou non, la nécessité d’une étude environnementale, qui comprend une étude de dangers.
Dans le cas présent, le préfet a estimé qu’elle n’était pas nécessaire parce que ce changement n’entraînait pas le franchissement d’un nouveau seuil par Lubrizol. Sachant que cela était techniquement impossible puisque l’usine est déjà un établissement Seveso classé seuil haut, soit le niveau maximum de ce classement.
Auparavant, l’accord d’une instance indépendante était nécessaire
Il y a encore 1 an, cette décision n’aurait pas seulement été l’affaire du préfet. Il y aurait eu un autre acteur dans la boucle : l’Autorité environnementale, une instance nationale indépendante exigée d’ailleurs par l’Union européenne.
Cette organisation avait son mot à dire sur chaque création ou modification d’un site susceptible d’avoir un impact sur l’environnement, notamment les sites dits Seveso. Peu importe le type de demande, cela menait systématiquement à une étude environnementale, grâce à laquelle l’agence donnait un avis favorable ou défavorable.
Deux changements de réglementation en 2016 et en 2018
Depuis un décret de 2016, les études environnementales ne sont obligatoires que pour les créations de sites Seveso. Elles ne sont pas requises pour des modifications ou des agrandissements. En clair, une fois que l’usine est créée, tout ce qui est changé par la suite n’engendre pas forcément de nouvelles études, cela se fait « au cas par cas ».
En 2018, la loi Essoc - pour un Etat au service d’une société de confiance – a apporté une modification de taille. C’est elle qui a établi que toutes les situations évaluées désormais « au cas par cas », ne seraient plus examinées par l’Autorité environnementale mais par le préfet. Il lui revient donc de décider si telle ou telle demande d’un exploitant mérite une étude environnementale. Cela a été le cas pour le site de Lubrizol.
Inquiétudes sur la qualité de surveillance des sites industriels
Pour certains syndicats dont le SNE, le syndicat national pour l’environnement, le préfet ne peut, par principe, être un acteur totalement neutre. Il risque notamment d’être soumis aux pressions des industriels et à un possible "chantage à l’emploi".
D’ailleurs les chiffres sont plutôt inquiétants depuis l’assouplissement réglementaire. Le nombre d’accidents industriels, sites Seveso compris, a augmenté. On en comptait 876 en 2016 contre 1 112 en 2018, soit une augmentation du 34 % en deux ans.
Or, depuis une dizaine d’années, le nombre d’inspections n’a cessé de diminuer. En 2006, 30 000 inspections avaient été réalisées. En 2018, on en comptait 18 196. Une baisse de 39 % en 12 ans.
Encore des simplifications à venir…
Le 23 septembre dernier, quelques jours avant l’incendie de Lubrizol, le Premier ministre, Edouard Philippe présentait un grand chantier pour « simplifier et accélérer les installations industrielles ».
Parmi les propositions évoquées : la possibilité d’autoriser le démarrage d’une partie des travaux sans attendre, justement, l’autorisation environnementale !
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