Les inégalités sociales pèsent sur l'accès à la greffe rénale
Concernant les maladies rénales, ce ne sont paradoxalement "pas les plus riches qui coûtent le plus cher au système de santé, mais les plus pauvres", relève Christian Baudelot, sociologue de l'Ecole normale supérieure (Paris) à l'initiative de ce travail d'analyse publié dans Population, la revue de l'Institut national des études démographiques (Ined). De fait, les malades les moins diplômés - généralement les moins riches - sont le plus souvent dirigés vers un traitement par dialyse, plus onéreuse que la greffe.
M. Baudelot note que ces patients "restent malgré tout moins bien soignés". Cependant, "on est dans une situation idéale où le meilleur traitement, la greffe, est le moins cher" (voir encadré). "Il faut en profiter pour la développer", plaide-t-il.
"Une fois inscrit sur liste d’attente, les différences sociales disparaissent"
Le constat de ces inégalités d'accès aux traitements est étayé par deux enquêtes, celle des Etats Généraux du rein de 2012 auprès de 8.613 patients et celle de Quavi-Rein 2011, concernant près de 3.000 patients suivis dans 21 régions d'un réseau épidémiologique.
Environ 70% des diplômés de niveau master obtiennent une greffe, soit près de quatre fois plus que ceux qui ont n'ont qu'un niveau d'étude primaire (sans diplôme), selon l'enquête Quavi-Rein.
"Contre-indications et différences de pathologies rénales (maladies génétiques, complications de diabète et d'hypertension artérielle...) influent pour partie sur l'accès à la greffe, mais sans justifier toutes les inégalités observées", explique Olivier Godechot, sociologue de Sciences-Po et co-auteur de l’étude. "Même en tenant compte des différences de maladie des insuffisants rénaux et d'âge, les diplômés du supérieur continuent à avoir près de deux fois plus de chances d'accéder à la greffe que ceux qui n'ont qu'un niveau d'étude primaire", ajoute-t-il.
L'essentiel de ce différentiel se forme lors des interactions entre médecins et patients qui conduisent ou non à une inscription sur la liste d'attente des greffes, selon lui. "Une fois inscrit sur liste d'attente les différences sociales disparaissent", précise-t-il.
Même constat concernant le don de rein
La Cour des comptes soulignait en 2015 que les prises en charge les plus économes et répondant le mieux aux besoins des patients (dialyse à domicile et greffe) sont insuffisamment développées, au bénéfice de traitements onéreux (dialyse en centres). Elle a par conséquent préconisé de rééquilibrer le financement en faveur de la prévention et de la greffe.
"Les pays qui privilégient la greffe par rapport à la dialyse ont une meilleure qualité de prise en charge des patients, tout en générant des économies de santé importantes", relève Yvanie Caillé, de l'association Renaloo. "Par exemple, en Norvège, 70% des patients sont greffés et seulement 30% dialysés. Si ce rapport était atteint en France, le coût global des 71.000 patients en insuffisance rénale terminale tomberait de 4 à 2,3 milliards d’euros", explique-t-elle…
Face à la pénurie d'organes, le don d'un rein par un proche (famille ou amis) s'est développé, mais là aussi ce sont les plus éduqués qui en bénéficient le plus souvent. Les patients ayant fréquenté le lycée ou l'université ont près de deux fois plus de chances d'en bénéficier que ceux qui n'ont pas dépassé le niveau collège.
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