Des médecins face à la violence
- La violence ne s'arrête plus à la porte des cabinets. Comment les médecins vivent-ils cette insécurité ? Certains exercent-ils leur profession avec la peur au ventre ?
Dr Luc Duquesnel : "Ils le vivent mal. L'agression du Dr Goigin s'est déroulée au mois d’avril. Durant les trois semaines qui ont suivi cette agression, les trois jeunes étaient là tous les jours à le harceler, à détruire avec un extincteur sa salle d'attente, ils étaient présents malgré que le Dr Goidin ait déposé plainte. Il a prévenu la police parce qu'il exerce seul dans un cabinet situé dans un quartier victime d'un problème d'accès aux soins. Il n'a pas voulu arrêter de travailler et il travaille avec la peur au ventre tous les jours."
- Au niveau local, l'affaire du Dr Goidin a suscité une certaine émotion. Une pétition de soutien, lancée par votre syndicat, a reçu plus de 18.000 signatures. Quelles mesures Xavier Bertrand, le président des Hauts-de-France, devrait-il prendre dans cette région ?
Dr Luc Duquesnel : "Globalement, c'est une prise en compte, une écoute. Depuis 2003, nous alertons sur ce problème d'insécurité. Selon les chiffres de 2015, plus de 1.000 déclarations d'agressions à l'encontre de médecins sont recensées et les études montrent qu'il n'y a pas de dépôts de plainte. Les médecins sont touchés mais c'est aussi le cas pour les autres professions libérales. Il faut des réponses au niveau de la région, mais aussi de la ville et des différents ministères de toute urgence. En 2006, trois médecins avaient été assassinés, il y avait eu une prise en compte avec des réunions au ministère mais finalement rien."
- Toutes les régions sont concernées par ces violences. Que peut-on faire ? Faut-il installer des caméras de surveillance, créer la géolocalisation des médecins de garde la nuit, mettre en place un numéro d'appel spécial vers Police-Secours... ?
Dr Luc Duquesnel : "On ne peut pas empêcher les agressions, mais on peut essayer de les prévenir. Et en cas d'agressions, accompagner et aider les médecins. Dans les dispositifs dissuasifs, il y a la télésurveillance. Par exemple, pour le Dr Goigin, au bout de trois semaines, des caméras de télésurveillance avaient été installées pour le protéger mais elles devaient être retirées deux mois après. Très clairement, les mairies peuvent avoir des aides pour installer des caméras devant les cabinets de médecins mais aussi dans la salle d'attente. Si je termine les consultations le soir, j'entends quelqu'un rentrer dans la salle d'attente. C'est bien de le savoir et de pouvoir voir de qui il s'agit. Autre idée : pour les visites le soir, dans les quartiers difficiles, la solution pourrait être d'accompagner les médecins.
"Quand un médecin est agressé, il faut la possibilité d'avoir une téléalarme dans le cabinet pour pouvoir appeler les secours comme cela se passe dans les bijouteries. Le bruit peut faire fuir les agresseurs et prévenir aussi les associés. L'idée est de faire en sorte que l'appel soit relayé au commissariat.
"En 2016, 920 actes de violence ont été signalés à l'Observatoire de la sécurité des médecins. De plus en plus de femmes en sont victimes (43% des signalements en 2010, contre 37% en 2009). Depuis quatre ans, la Seine-Saint-Denis concentre le plus grand nombre de déclarations, devant le Nord, le Val-d'Oise et l'Isère (source : Observatoire de la sécurité des médecins)."
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