Don du sang interdit aux homosexuels : "Pour nous, ce n'est pas un droit, c'est un acte civique"
Le ComitĂ© national consultatif d'Ă©thique s'est prononcĂ©, mardi, contre la levĂ©e de l'interdiction qui empĂȘche les hommes homosexuels de donner leur sang en France. L'association SOS Homophobie explique pourquoi elle juge cette mesure discriminante.
Le ComitĂ© consultatif national d'Ă©thique (CCNE) se positionne contre l'avis du gouvernement. Les homosexuels masculins devraient continuer Ă ĂȘtre exclus du don du sang en France en l'Ă©tat actuel des connaissances, selon un avis rendu mardi 31 mars par le CCNE. "Le don du sang n'est pas un droit. Ce qui prime, c'est la santĂ© et la protection du receveur", a rĂ©sumĂ© Jean-Claude Ameisen, prĂ©sident du CCNE. Le nombre de nouveaux cas d'infections par le VIH est 200 fois plus Ă©levĂ© chez les hommes qui ont eu, au cours des douze derniers mois, des relations sexuelles avec d'autres hommes, estime le ComitĂ©.
Cet avis, qui n'a rien de contraignant pour l'exécutif, va à l'encontre des engagements de François Hollande en 2012. Il scandalise les associations de défense des droits des homosexuels, parmi lesquelles SOS Homophobie. Francetv info a interrogé son président, Yohann Roszéwitch.
Francetv info : Le Comité d'éthique vient de rendre un avis négatif sur l'ouverture du don du sang aux homosexuels. Comment avez-vous accueilli la nouvelle ?
Yohann RoszĂ©witch : Nous sommes trĂšs déçus par cet avis, mĂȘme s'il nous surprend assez peu de la part d'une institution habituellement conservatrice. Il y a quinze jours encore, la ministre de la SantĂ©, Marisol Touraine, s'exprimait en faveur de la levĂ©e de l'interdiction et laissait penser que l'avis serait positif. On espĂšre que le gouvernement ne suivra pas les prĂ©conisations du CCNE, et qu'il tiendra plutĂŽt les promesses effectuĂ©es par François Hollande pendant la campagne prĂ©sidentielle.
Pourquoi ĂȘtes-vous autant attachĂ© Ă ce droit ?
Pour nous, ce n'est pas un droit. C'est un acte civique et moral. L'Etablissement français du sang le présente d'ailleurs comme ça, quand il parle, par exemple, de pénurie de sang. C'est une humiliation pour les homosexuels qui se voient refuser de donner leur sang, alors qu'ils n'ont pas pris de risque. Si un homosexuel prend un risque, il ne va pas donner son sang.
L'infectiologue Jean-Louis Vildé, membre du CCNE, insiste sur le fait qu'aucune augmentation de risque n'est "acceptable". Que lui répondez-vous ?
Il y a effectivement un taux de prĂ©valence supĂ©rieur chez les homosexuels, c'est indĂ©niable. On ne veut pas nĂ©cessairement que tout le monde puisse donner son sang : une personne qui prend un risque ne doit pas pouvoir le faire. Mais celui qui n'en prend pas doit pouvoir donner son sang, quelle que soit son orientation sexuelle. Les homosexuels n'ont pas tous les mĂȘmes pratiques. Si un homosexuel est abstinent ou en couple stable, il ne prĂ©sente pas plus de risques qu'un hĂ©tĂ©rosexuel. Â
Accepteriez-vous que l'autorisation de donner son sang pour les homosexuels soit assortie de conditions ?
C'est dĂ©jĂ le cas pour les hĂ©tĂ©rosexuels ! Il existe une pĂ©riode d'exclusion de quatre mois en cas de pratique Ă risque. N'oublions pas que tous les Ă©chantillons sont testĂ©s. La "fenĂȘtre de risque" est de douze jours entre le prĂ©lĂšvement de sang et le test VIH. Nous souhaitons simplement que cette disposition soit ouverte aux homosexuels. Aujourd'hui, il suffit qu'un homme ait eu une relation avec un autre homme il y a vingt ans pour ĂȘtre exclu du dispositif. Or, si le risque a Ă©tĂ© pris il y a aussi longtemps, il est tout Ă fait dĂ©tectable.Â
Ce refus vous donne-t-il l'impression que la parole des homosexuels est davantage sujette à caution ?
L'interdiction de donner son sang les stigmatise et les assimile Ă la sĂ©ropositivitĂ©. De mĂȘme que tous les sĂ©ropositifs ne sont pas homosexuels, tous les hĂ©tĂ©rosexuels ne sont pas Ă l'abri du virus. Certains gays ne savent pas qu'ils n'ont pas le droit de donner : ils y vont de bonne foi et se voient refuser cet acte, ce qui est d'autant plus humiliant. Dans un contexte de libĂ©ration de la parole homophobe, cette interdiction ne fait que donner raison aux personnes qui affichent une homophobie dĂ©complexĂ©e. L'homophobie est installĂ©e en France, d'oĂč l'importance pour le pouvoir politique de tenir ses promesses.
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