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Ai-je une sexualité normale ?

Cette question fréquente renvoit aux normes régissant la société. Mais les normes sexuelles posent parfois problème quand elles perturbent ou rigidifient la sexualité... Comment s'en affranchir ?
Article rédigé par La rédaction d'Allodocteurs.fr
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Ai-je une sexualité normale ? (Crédit photo :  Antonioguillem - Fotolia.com)

Les normes sexuelles, au coeur de la normalité

Fais-je assez l'amour ? Est-ce normal d'aimer telle ou telle pratique ? J'ai rarement envie de faire l'amour, est-ce normal ? La grande majorité des gens se posent un jour ou l'autre ce type de questions, par curiosité mais aussi pour se rassurer sur leur propre sexualité. Les réponses sont souvent apportées par les normes, relayées dans la presse ou sur Internet, voire imposées...

Qu'est-ce qu'une norme sexuelle ?

La définition change suivant l'angle que l'on choisit, social, éthique (défini par le bien et le mal, l'acceptable et l'inacceptable, comme l'inceste, la pédophilie et le viol pour ne citer que les plus emblématiques). Il peut être aussi médical (fondé sur la différence entre le sain et le pathologique), ou encore statistique, issu des études et enquêtes.... Le concept de norme fluctue aussi selon les époques et les cultures. "Mais il y a surtout les normes que chacun intègre dans son éducation, à partir d'exemples parentaux, des injonctions parentales ou sociétales, complète Joëlle Mignot, sexologue et psychologue. Ces normes à l'intérieur de nous, liées aux schémas sexuels, sont souvent très inconscientes." Elles influencent considérablement le rapport que l'on entretient avec le désir, le plaisir et plus largement la sexualité.

"Les normes ont des côtés positifs, elles permettent de cadrer, même si dans le domaine de la sexualité, le cadre doit rester souple et surtout pas fermé... reprend la sexologue. Elles sont utiles face à des comportement déviants et elles permettent aussi de se sécuriser. Elles ont un fonction défensive et protectrice : certains s'en servent comme un bouclier pour se protéger..." Mais les normes ont hélas des répercussions négatives chez certains. 

Les risques des normes

Au 21ème siècle, on pourrait presque croire que la sexualité est devenue plus tolérante. Mais si les normes sont parfois rassurantes, la sexualité soi-disant normale se transforme parfois en exigences contraignantes. Un homme doit toujours "assurer au lit", être doté d'une érection rigide quel que soit son âge, son niveau de stress et de fatigue, ne pas éjaculer trop vite, être doux mais viril, sensuel mais trop sexuel. La femme n'est pas épargnée non plus : maman attentive le jour, elle est censée se transformer en maîtresse sexy maîtrisant le Kamâ-sutrâ, responsable de la variété sexuelle du couple, et avoir toujours envie de faire l'amour.

Vouloir absolument se conformer aux autres et aux normes conduit certains à développer des troubles sexuels : la performance et l'angoisse qu'elle génère vont affaiblir l'érection, le stress de vouloir contrôler l'éjaculation va la précipiter, la libido sera étouffée par la nécessité impérieuse de faire l'amour souvent et l'orgasme s'échappera à force d'être désiré... C'est cher payé pour répondre à une pression socio-culturelle et pas forcément à ses envies personnelles.

De plus, vouloir faire correspondre sa vie sexuelle à celle promue par les magazines ou laisser les normes la rigidifier fait courir le risque de passer à côté de sa propre sexualité, de vivre une sexualité imposée par la société plutôt que de suivre "au feeling" ce dont on a vraiment envie, avec son ou sa partenaire. Ainsi, à force de lire des articles sur la sodomie ou la fellation, on se force parfois à essayer alors que l'on n'en a pas vraiment envie... Et c'est le meilleur moyen de ne pas apprécier la pratique ! Suivre ses envies, en toute liberté et sans contrainte imposée par de pseudo-normes, c'est la base d'une sexualité épanouie et positive.

Comment s'émanciper des normes ?

Prendre conscience des pressions socio-culturelles permet de prendre un peu de distance, a fortiori si l'on parvient à les remettre en question...  Il est toujours enrichissant de se poser des questions sur ses envies sexuelles et plus largement sur sa sexualité. Réfléchir à ce qui a vraiment de l'importance à ses yeux, et uniquement à ses yeux, loin des normes sociétales, culturelles et personnelles, offre une vie sexuelle plus libre.  A fortiori parce que ce qui est imposé comme normalité n'est pas forcément fiable :  si l'on considère la norme statistique, comment être certain que les résultats des grandes enquêtes sur la sexualité soient le reflet de la réalité ?  Quand les Français rapportent trois rapports par semaine, leurs déclarations sont-elles justes ou reflètent-elles simplement ce qu'ils estimaient devoir dire ou penser, à une époque donnée ? Si l'on se penche sur la norme médicale, peut-on considérer comme anormal le fait d'éjaculer un peu plus vite que la moyenne, comme le tiers des hommes ? Ne serait-ce pas qu'une simple variante ? De plus, l'éthique sexuelle d'une époque ou d'un pays ne sera pas celle d'une autre : il n'y a pas si longtemps, la sodomie et la fellation ont longtemps été interdites et elles le sont encore à certains endroits...

Ces considérations permettent déjà de prendre un peu de distance face à la pseudo-normalité. Une sexualité épanouie n'est pas forcément dans les normes... c'est avant tout une sexualité qui convient et satisfait, tandis que la volonté de se conformer à la soi-disant normalité éloigne parfois de ses envies personnelles. On s'approche alors d'une norme individuelle et de couple, celle qui semble la plus propice au bonheur.

Communiquer et parfois consulter

Le concept de normes véhicule des jugements, des préjugés, des étiquetages... des "cases" dans lesquelles on peut se sentir enfermé, voir prisonnier, sans parvenir à en sortir. Dans ces cas-là, il est important de ne pas rester seul(e) avec ses interrogations. "Si l'on souffre dans sa sexualité ou dans sa vie affective, la communication dans le couple est importante, recommande la sexologue. Ensuite, on peut demander l'aide d'un professionnel si la norme est trop rigide et trop envahissante car elle peut empêcher un épanouissement sexuel."

Cette consultation permettra de trouver ce qui se cache derrière la question : " on aide le patient à faire la différence entre ce qui relève de la norme ou d'un interdit lié à la culture ou fondamental, détaille la sexologue qui cite par exemple certaines pratiques, comme la fellation ou la sodomie, fondamentalement interdites par certaines cultures et sociétés, ou "diabolisées" dans certaines éducations.

Se débarrasser des carcans sexuels prend du temps et demande une certaine indépendance d'esprit et de corps. Mais cela offre davantage de liberté, plus en accord avec sa nature profonde, qu'elle soit dans les normes ou pas...

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