: Reportage Confrontée au vieillissement de sa population, la Chine adopte peu à peu le concept de la maison de retraite
Dans ce grand parc du centre-ville de Pékin, comme chaque matin, ils sont des dizaines de seniors à se retrouver pour des activités quotidiennes de plein air : danse, chant et discussions parfois très animées. Ici, personne ne vit en maison de retraite et les avis semblent tranchés sur le sujet. "Nous voulons rester à la maison avec ma femme !, s’exclame ce retraité. Un homme de notre quartier, qui avait mon âge, 80 ans, est allé dans une maison de retraite et il est mort un mois plus tard. La maison de retraite, ce n’est pas bien !"
Ces Pékinois ne veulent surtout pas entendre parler des maisons de retraite publiques qui ont, ici très mauvaise réputation, avec parfois cinq à six résidents qui cohabitent dans une même chambre. "Toutes les personnes âgées sont gardées au même endroit, on se fiche de leurs repas, alors qu’à la maison nous mangeons ce que nous voulons, ajoute le vieil homme. Et nous ne pouvons pas nous permettre d'aller dans une maison de retraite haut de gamme, qui coûte au moins 10 000 à 20 000 dollars par mois."
"En Chine, les enfants prennent bien soin de nous, coupe court une femme. La vérité est que, dans une maison retraite de moyenne gamme, il y a beaucoup de défauts. Je n'irais jamais là-bas, décrète-t-elle. C'est tellement agréable de rester chez soi ! Et puis mes enfants me donnent un coup de main".
L'expérience française à la rescousse
Dans un pays qui compte chaque année dix millions de seniors supplémentaires, le défi est immense. La Chine a peu d’expérience dans la prise en charge des personnes âgées, alors certaines municipalités font appel à de grands groupes internationaux comme à Shenzhen, dans la baie de Hong Kong, où le groupe français Colisée gère deux structures, notamment une petite maison de retraite destinée à la classe moyenne. "Il y a un vrai manque de lits, confirme Olivier Dessajan, manager général du groupe en Chine. On sait qu’aujourd’hui, il manque déjà deux millions de lits. Et donc il y a une vraie nécessité d’insuffler dans cette industrie du vieillissement une énergie, une vitalité pour que les investisseurs privés et publics délivrent plus de lits. Ce n’est plus obligation, c’est une urgence."
Envoyer ses aînés en maison de retraite n’est pas dans la culture chinoise. À l’heure actuelle, moins de 2% des seniors sont pris en charge de cette manière. Mais les mentalités évoluent. En témoigne cet ancien ingénieur des chemins de fer qui, à 90 ans, qui vit désormais au deuxième étage de la maison de retraite française. "Je vis ici en maison de retraite pour que ma fille et mon beau-fils puissent voyager sans souci et que nos vies n'interfèrent pas l'une sur l'autre", explique-t-il.
"C’est notre culture traditionnelle. Les Chinois ont aimé vivre ensemble pendant des générations, mais, avec la vie moderne, notre façon de penser évolue."
Un ingénieur nonagénaire qui vit en maison de retraiteà franceinfo
"Ici, je suis assez satisfait, ajoute le nonagénaire. La France a commencé plus tôt dans le domaine des soins aux personnes âgées et dispose d'une expérience. Mais j'attends aussi que les maisons de retraite n’apprennent pas seulement les bons côtés de la France, mais respectent également les habitudes traditionnelles du peuple chinois. Par exemple, Les Chinois boivent de l'eau chaude et, ne sèchent pas leurs vêtements en machine comme les Français".
La direction française de l’établissement nous explique aussi que les visites des familles sont beaucoup plus régulières en Chine, comparé à ce qui se pratique en France. "Mes grands-parents ont emménagé ensemble et vivent tous les deux ici, raconte ce quadragénaire venu voir ses grands-parents. Ma grand-mère est plutôt ouverte d'esprit et pense que le service est très bon. Mon grand-père, lui, est plus proche des traditions chinoises et il était contre la maison de retraite. Il pense qu’il faut vivre avec sa famille. Cela a pris du temps et il s'est finalement lentement adapté depuis deux ans".
Manque de formation et coûts élevés
Au-delà de l’aspect culturel, les efforts de la Chine se heurtent aussi à une insuffisance de personnels formés. Il manque aujourd’hui dix millions d’aides-soignants professionnels, ce qui freine l’installation de nouvelles structures. Dans la maison de retraite française de Shenzhen, par exemple, les aides-soignants doivent être formés en interne, explique la directrice des ressources humaines : "Les personnes âgées doivent être déplacées souvent et les soignants ont besoin d'une formation pour effectuer ces gestes. Notre institution doit organiser des formations sur les soins de base, par exemple sur la manière de laver les cheveux et de prendre soin du corps d'une personne âgée de manière professionnelle".
Le coût des séjours, en moyenne 3 000 euros par mois dans le privé, est également un frein important. La charge financière est "un peu lourde", nous confie un résident dans les couloirs, car en Chine, il n’y a aucune aide publique pour financer un séjour en maison de retraite.
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