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Info franceinfo Ehpad : il faut consacrer dans une loi le droit de visite "quelle que soit l'heure", recommande un rapport

Laurent Frémont, à la tête de l'association Tenir ta main, dénonce dans un rapport remis mardi au gouvernement les mesures qui pendant la pandémie de Covid-19 ont consisté à isoler les résidents d’Ehpad de leur famille.
Article rédigé par Solenne Le Hen
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Illustration dans un Ehpad. (LIONEL LE SAUX / MAXPPP)

Il faut inscrire dans la loi le droit de visite des familles dans les Établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), et "assurer une ouverture de principe, quelle que soit l'heure". Une recommandation de Laurent Frémont, à la tête de l'association Tenir ta main, dans un rapport dont franceinfo révèle les principales conclusions mardi 14 novembre. Ce rapport sera remis dans la journée au gouvernement après avoir été commandé par le ministère de la Santé et des Solidarités, dans le cadre de la proposition de loi Bien vieillir.

Laurent Frémont, enseignant en droit constitutionnel à Sciences Po, dénonce les mesures qui pendant la pandémie de Covid-19 ont consisté à isoler les résidents d'Ehpad de leur famille pour éviter la propagation du virus. Selon son analyse, "les résidents étaient discriminés", car si "la population générale pouvait bénéficier d'heures de sortie pour divers motifs", les résidents des Ehpad "étaient frappés d'un confinement absolu".

Il faut se pencher sur ce qu'il qualifie de "blessures anthropologiques", puisque certaines personnes âgées ont pu être isolées même après la levée des confinements. Selon le rapport, la conséquence, pour les résidents, ce fut un sentiment d'abandon pour ceux qui décédaient dans la solitude et pour les familles, l'impuissance et la colère face à l'impossibilité de dire adieu à leurs proches.

"Encore aujourd'hui, des personnes souffrent de ce deuil escamoté, parce qu'elles n'ont pas pu faire leurs derniers adieux."

Laurent Frémont, constitutionnaliste, à la tête de l'association Tenir ta main

à franceinfo

"Elles ont encore un fort sentiment de culpabilité malheureusement et parfois même elles ont toujours du mal à se rendre compte de la disparition de leurs proches qu'elles ont malheureusement dû laisser partir derrière des murs et des portes closes", explique Laurent Frémont sur fanceinfo.

Le constitutionnaliste raconte que le rapport s'appuie sur six mois de travail et un nombre important de témoignages recueillis en trois ans par l'association : plus de 10 000. Avec ce rapport, "on essaie de montrer que tout cela n'est que l'aboutissement d'une conception plus profonde du soin, assez technicienne, et qui vient privilégier le tout sanitaire, le tout sécuritaire, au détriment du lien qui fait l'essence de la vie, de la relation humaine, qui est essentielle dans le processus de soin".

Faire du droit de visite en Ehpad "un droit absolu et fondamental"

Pour Laurent Frémont, qui n'a lui-même pas pu dire au revoir à son père au moment de l'épidémie de Covid-19, l'application dans les Ehpad de "protocoles infantilisants et mal interprétés" qui succédaient sans arrêt à d'autres protocoles ont mis en péril la démocratie. Fermer les Ehpad était certes un moindre mal, mais un mal quand même, estime-t-il. Néanmoins, il reconnaît qu'il peut y avoir des "adaptations en temps de crise", qui doivent "être strictement encadrées, proportionnées et limitées dans le temps".

"On est heureusement sortis du pire de la crise sanitaire, mais il y a certains comportements qui ont pu s'installer, estime Laurent Frémont, notamment de la part des directeurs d'EHPAD qui peuvent restreindre les visites de manière abusive. C'est là tout l'objet de ce rapport : voir ce qu'il s'est bien passé et ce qu'il s'est moins bien passé, analyser toutes les causes et conséquences de ces restrictions de visites, et aussi proposer des mesures pour que ça ne se reproduise plus", déclare Laurent Frémont.

Le rapport appelle à une meilleure formation des personnels et la mise en place "d'une structure intermédiaire qui associerait les usagers". Dans cette perspective, le texte préconise la transposition de la commission des usagers (CDU), qui existe en milieu hospitalier, au secteur médico-social. Cette CDU "pourrait ainsi être un recours pour les proches et les familles, notamment sur le sujet du droit de visite". Il réclame également la création d' "un contrôleur général des lieux de grande vulnérabilité". Ce serait "une autorité administrative indépendante qui pourrait enquêter, recevoir les plaintes des proches lorsqu'il y a malheureusement des situations d'abus", précise Laurent Frémont.

Enfin, l'enseignant à Sciences-Po appelle les autorités à "reconnaître que la gestion de la crise n'a pas été parfaite : notre pays s'honorerait à revenir sur cette période, à regarder en face ce qu'il s'est passé, notamment autour de l'interdiction des rites funéraires, qui est une rupture anthropologique inédite dans l'histoire récente". Pour Laurent Frémont, cela serait "essentiel d'avoir une forme de reconnaissance officielle des souffrances des personnes, ce serait une première étape indispensable pour contribuer à guérir ce traumatisme". Laurent Frémont demande donc de faire du droit de visite en Ehpad, "un droit absolu et fondamental". Le gouvernement entend justement consacrer le droit de visite dans la proposition de loi Bien vieillir qui sera discutée à l'Assemblée nationale à partir de lundi prochain.

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