Ehpad : un rapport du Sénat alerte sur la situation économique dramatique d'un secteur "à bout de souffle"
Le diagnostic est sans appel : le modèle des Ehpad doit être revu en profondeur. Les établissements de prise en charge des personnes âgées dépendantes, publics comme privés, font face à "des difficultés économiques d'une ampleur inédite" et doivent se réinventer, alertent des sénateurs et sénatrices, dans un rapport publié mercredi 25 septembre.
Les Ehpad, qui restent "de loin la première catégorie de structures accueillant des personnes âgées", font face à "une situation financière (...) fortement dégradée". En 2023, selon les sénateurs, 66% d'entre eux étaient déficitaires (contre 27% en 2020). Parmi les établissements relevant de la fonction publique hospitalière, 84% sont dans le rouge monte. Les Ehpad privés lucratifs, eux, ont vu leurs résultats nets "pratiquement divisés par deux entre 2017 et 2023".
Pourquoi une telle dégringolade ? Les auteurs du rapport pointent plusieurs crises récentes et simultanées. D'abord, le taux d'occupation moyen des Ehpad "en berne", qui reste à 88,7% au premier trimestre 2023. Les auteurs l'attribuent à plusieurs facteurs, dont la crise sanitaire du Covid-19, qui a provoqué "un nombre élevé de décès" dans certains établissements, et aussi alimenté la défiance envers les Ehpad à cause des mesures de confinement imposées à l'époque.
"Un soupçon de maltraitance généralisée"
Cette "crise de confiance" dans les Ehpad a également été alimentée par le scandale Orpéa et les révélations du journaliste Victor Castanet dans son livre Les Fossoyeurs, qui ont "aggravé la chute du taux d'occupation, en particulier (mais pas uniquement) dans le secteur privé commercial" et "installé dans l'opinion un soupçon de maltraitance généralisée concernant les Ehpad".
Alors que les recettes baissaient, les Ehpad ont en plus dû faire face à une hausse des dépenses. En cause : l'inflation généralisée et des revalorisations salariales.
"Le modèle de l'Ehpad apparaît à bout de souffle."
Les auteurs du rapport
"L'organisation du financement des Ehpad en trois sections tarifaires [soins, hébergement et dépendance] est source de complexités et de coûts qui apparaissent de moins en moins en justifiés, notamment au regard de l'évolution des profils des résidents, de plus en plus âgés et dépendants", jugent les sénateurs. Ils précisent qu'"une réforme de cette organisation est envisagée de longue date et soutenue par les fédérations du secteur" et qu'une expérimentation de fusion des sections soins et dépendance est amorcée dans une vingtaine de départements.
La manière dont les Ehpad déterminent leurs forfaits soins et dépendance est également jugée "dysfonctionnelle", car représentant "une charge administrative excessive" qui pousse à la médicalisation au détriment de la prévention. Le secteur doit aussi composer avec "un déficit d'attractivité durable" qui amplifie la pénibilité du métier et les maladies professionnelles dans un cercle vicieux, selon le rapport.
Vers une nouvelle journée de solidarité ?
Enfin, les sénateurs recommandent d'adapter l'offre d'Ehpad aux "défis de long terme". Le rapport évoque des "lieux de soin" qui ne sont pas conçus comme des lieux de vie (les auteurs citent comme exemple des chambres "trop petites" et "mal agencées" et des espaces collectifs "trop grands, ternes et inhospitaliers") et qui s'accompagnent d'un isolement géographique perçu comme synonyme de "mort sociale". Il pointe également les défis posés par le changement climatique, avec une hausse de la mortalité en cas de forte chaleur.
Par ailleurs, les interventions publiques en soutien au secteur sont jugées "insuffisantes" par les auteurs, malgré la création d'un fonds d'urgence pour les établissements et services médico-sociaux en difficulté, doté de 100 millions d'euros fin 2023.
"L'enveloppe s'est révélée insuffisante au regard de la généralisation des difficultés et de l'ampleur des besoins."
Les auteurs du rapport
Le rapport fait plusieurs recommandations pour améliorer l'état des Ehpad. Parmi elles, la création d'une "deuxième journée de solidarité, qui pourrait se traduire par la suppression d'un jour férié" et générerait 2,4 à 3,3 milliards d'euros de recettes supplémentaires. Les auteurs proposent aussi de mieux prendre en compte l'inflation dans l'évolution des aides, de revoir en profondeur la tarification par section, ou d'ouvrir des services publics ou des commerces auprès des Ehpad ruraux pour les désenclaver.
Les sénateurs et sénatrices à l'origine de ce rapport recommandent enfin "une stratégie efficace en faveur de l'attractivité des métiers", impliquant "la rémunération, la formation et la qualification ainsi que de l'amélioration des conditions de travail". Un effort indispensable, selon eux, étant donné que "la population âgée dépendante augmentera significativement au cours des 25 prochaines années".
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