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"Refuser de se faire vacciner, c'est de l'hyper-individualisme"

Le Conseil constitutionnel a confirmé que la vaccination reste obligatoire en France. L'analyse de Bruno Lina, professeur de virologie et directeur du laboratoire VirPath de l’Inserm.

Article rédigé par Geoffroy Lang - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
En France, on estime que 98,5% de la population est actuellement vaccinée contre la diphtérie, la poliomyélite et le tétanos. (FRED TANNEAU / AFP)

La liberté thérapeutique est-elle supérieure à l’obligation de santé ? C’est la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) que l'avocat Emmanuel Ludot à soumis au Conseil constitutionnel. Ses clients avaient été condamnés par le tribunal correctionnel d’Auxerre (Yonne) au mois d’octobre pour avoir violé le Code de santé publique en refusant de faire vacciner leurs deux enfants contre la diphtérie, le tétanos et la polio.

Le Conseil constitutionnel a rejeté la QPC du couple vendredi 20 mars, en confirmant la légitimité de l’obligation vaccinale pour la santé publique. L'analyse de Bruno Lina, directeur du laboratoire de Virologie et de pathologie humaine (VirPath) de l’Inserm au CHU de Lyon.

Francetv info : Comment avez-vous accueilli la décision du Conseil constitutionnel ?

Bruno Lina : Ce qu’il faut retenir de cette décision, c’est qu’il est utile et indispensable que l’effort de vaccination soit partagé par tout le monde. L’obligation vaccinale est un atout de santé publique pour l’ensemble des Français : lorsque les vaccins sont devenus obligatoires, c’était avec l’objectif de baisser la mortalité due au tétanos.

On le sait peu, mais malgré le fait qu’on ait une vaccination de très bon niveau, cette maladie a tué une dizaine de personnes non vaccinées en France [entre 2008 et 2011]. On ne pourra jamais l'éradiquer totalement. Le courage, c’est de maintenir cette obligation vaccinale. Il ne faut pas s’imaginer que cela revient à imposer une vision étatique de la vaccination. C’est une politique de santé publique qui a été conçue pour profiter à l’ensemble de la population. S’y soustraire, c’est de l’hyper-individualisme.

Ceux qui refusent de se vacciner utilisent la barrière mise en place par les autres pour se protéger. Mais ils représentent un risque pour l’ensemble de la communauté et ont une vue à court terme. Notre système de santé publique est victime de son succès : comme il n’y a pas de cas, une partie de la population imagine qu’il n’y a pas de risque, mais c’est faux. Un enfant vacciné peut être un porteur sain de la polio et la transmettre à un enfant non vacciné.

Le couple condamné avait avancé que les vaccins disponibles sur le marché présentent des risques et qu’il n’existe plus de vaccin unique DT Polio pour répondre aux obligations légales depuis 2008. Est-ce que vous trouvez ces arguments recevables ?

Je peux comprendre qu’un certain nombre de gens qui regardent la vaccination avec suspicion soient énervés d’être obligés d’utiliser des produits qui couplent des vaccins obligatoires et d'autres non-obligatoires. On peut protester, mais on ne peut pas ne pas se vacciner pour autant.

Le DT Polio et les vaccins combinés ont été administrés à un nombre de personnes extrêmement important. Si ces vaccins étaient dangereux, cela se saurait. La question sur le rôle de l’aluminium dans ces adjuvants a été surexploitée : personne n’a pu apporter la preuve du risque. Aujourd’hui, on sait qu’il y a des gens qui meurent de la diphtérie, du tétanos, de poliomyélite ou qui sont handicapés à vie. En revanche, je ne connais personne qui soit mort d’un vaccin.

En France, courons-nous un risque en refusant de nous faire vacciner ?

S’il n’y a plus de diphtérie ni de polio, c’est parce qu’il y a une proportion extrêmement importante d’individus vaccinés en France. Tant que la part non vaccinée de la population est marginale, le risque est extrêmement faible : c’est un véritable atout, car toute la population est protégée. A partir du moment où on verra des cas de contagions associés à une baisse des vaccinations, on aura une épidémie.

Attention à ne pas assister à la résurgence d'un virus, comme celui de la rougeole. Quand on a eu de nouveaux décès en France il y a trois ans, cela faisait quinze ans que cela n’était pas arrivé.

Cela fait vingt-cinq ans que l’OMS fait un effort considérable pour éradiquer la polio dans le monde. Cette maladie peut être éradiquée dans les trois prochaines années. Deux des trois souches du virus ont disparu, et la troisième suit le même chemin. Ce n’est pas le moment de baisser la garde alors qu’on a encore quelque cas dans le monde. Il n’est pas raisonnable qu’on se montre moins vigilant en France dans un moment aussi important. Il ne faudrait pas que la France devienne un maillon faible dans la lutte contre ce virus.

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