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HPI, troubles alimentaires, hyperactivité : Comment les réseaux sociaux captent l'illusion d'une automédication

Alors que Youtube a annoncé qu'elle allait supprimer les vidéos diffusant de fausses informations sur la santé, la docteure en psychopathologie et psychothérapeute Hélène Romano alerte sur les dérives de l'autodiagnostic sur les réseaux sociaux.
Article rédigé par franceinfo
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Les témoignages de troubles de santé mentale se multplient sur les réseaux sociaux. (Photo d'illustration). (PHILIPPE LOPEZ / AFP)

À cause de certains contenus sur la santé mentale sur les réseaux sociaux, "on arrive à des autodiagnostics extrêmement compliqués, d'autant plus qu'ils ne sont pas suivis de prise en charge", explique Hélène Romano, docteure en psychopathologie et psychothérapeute, sur franceinfo dimanche 20 août. La plateforme YouTube a annoncé, le 15 août, qu'elle allait supprimer toutes les vidéos qui diffusent de fausses informations sur la santé dans les prochaines semaines.

franceinfo : Que pensez-vous de cette initiative de YouTube pour lutter contre la désinformation médicale ?

Hélène Romano : Il était temps, parce qu'il y a tout de même un très grand nombre de plateformes qui diffusent depuis des mois ce type de désinformation, qui a vraiment explosé pendant la pandémie. Jusqu'à présent rien n'était fait, donc c'est vraiment très important. Il faudrait pouvoir le faire également sur d'autres plateformes. Je pense à TikTok ou à d'autres plateformes très regardées par les jeunes qui y sont particulièrement un public cible.

Finalement les créateurs de contenu de désinformation pourront toujours trouver d'autres hébergeurs ? N'est-ce pas un vœu pieux ?

Non, je pense que c'est important que les autorités marquent déjà un désaccord par rapport à ce type de support. La transgression fait partie du support utilisé par certaines des personnes qui communiquent sur ces réseaux-là, mais éduquer les jeunes, éduquer les parents, éduquer les professionnels, par exemple dans le milieu scolaire pour pouvoir transmettre aux jeunes qu'il y a d'autres moyens d'être informés, c'est important. Il y a un très fort sentiment d'insécurité en ce moment et les réseaux permettent de parler sans avoir trop honte ni se sentir trop coupable, en particulier des problèmes de santé mentale.

"Beaucoup de jeunes vont sur les réseaux sociaux sur ces questions-là : les troubles du comportement alimentaire, les sujets tabous dont il est difficile de parler, en particulier face au manque de professionnels."

Hélène Romano

à franceinfo

On a une illusion d'un pansement temporaire par rapport à l'inquiétude laissée par l'absence de professionnels. D'où l'importance, pour les autorités, d'expliquer qu'il y a des bonnes informations, de donner des sites fiables parce qu'il y a des sites très fiables qui informent.

Sur TikTok, le tag TDAH (trouble du déficit de l'attention avec/sans hyperactivité) atteint les trois milliards de vues. La parole se libère, mais cela fait augmenter le risque de mauvais diagnostic et d'automédication...

Oui et ça l'est d'autant plus que les systèmes de ces réseaux-là fonctionnent avec des algorithmes. On a aussi des grandes modes liées aux séries, on le voit bien dans les consultations. Les gens arrivent avec un diagnostic qu'ils se sont fait parce qu'ils ont fait une première recherche. Et puis l'algorithme de leur ordinateur, de leur téléphone, les a envoyés vers un autre, vers un autre, vers un autre, vers un autre... Ce qui fait que ça participe à construire véritablement une représentation qui est complètement biaisée par rapport à leurs propres recherches.

C'est tout le système qui biaise ça et ça conduit à des convictions et à des certitudes. Sur Internet, ils ont l'impression d'être moins seuls, de faire partie d'un groupe d'appartenance alors que le contexte est très insécurisé. Un symptôme ce n'est pas un diagnostic et un diagnostic ce n'est pas un pronostic. Si le jeune pense qu'il présente des troubles de l'hyperactivité ou qu'il est HPI (haut potentiel intellectuel), il faut impérativement qu'il aille voir un professionnel. Ça peut être une porte d'entrée, mais ça ne doit certainement pas être une porte qui se ferme.

C'est difficile, pour les professionnels de santé, d'occuper l'espace des réseaux sociaux ?

C'est extrêmement compliqué, mais certains le font de façon remarquable. Il y a des sites qui sont extrêmement bien faits par des professionnels, mais l'enjeu, c'est aussi tous les sites qui sont dérivés ou qui sont faits par des gens qui parlent de leur maladie. Ce n'est pas parce qu'un YouTubeur ou quelqu'un de connu va parler de sa pathologie qu'on a la même.

"On a beaucoup de personnes fragiles psychiquement qui vont s'approprier l'histoire de l'un ou de l'autre."

Hélène Romano

à franceinfo

On arrive à des autodiagnostics extrêmement compliqués, d'autant plus qu'ils ne sont pas suivis de prise en charge. Ils font leur étiquetage, puis ils vont se soigner à l'ail, aux pommes ou je ne sais quoi. La médication nécessite de voir des professionnels, des médecins. Et là, les jeunes et moins jeunes n'iront pas. Rester sur du virtuel avec des illusions et des réponses très faciles à des questions extrêmement compliquées, ça pose problème et ça nécessite d'éduquer.

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